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PRÉSENCE DU CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITÉ DES LOIS DANS LES PRATIQUES ET LA PENSÉE JURIDIQUE ENTRE 1814-

LE CONTRÔLE A POSTERIORI DE LA CONSTITUTIONNALITÉ DES LOIS EN FRANCE ET EN COLOMBIE, CONSTRUCTION

PRÉSENCE DU CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITÉ DES LOIS DANS LES PRATIQUES ET LA PENSÉE JURIDIQUE ENTRE 1814-

Au fur et à mesure que l’« ère des révolutions » sombre dans les abîmes de l’Histoire, il est possible de voir défiler sur la scène constitutionnelle l’impossible retour du passé et la mutation – faisant toutefois figure de consolidation – des institutions libérales, ou tout au moins de leur interprétation à la loupe d’une culture constitutionnelle atlantique. « La persistance de la mémoire » et la progression vers un État constitutionnel de droit sont ainsi les phénomènes marquant la période comprise entre 1814 et 1870, tant en France qu’en Colombie. Mais comment se sont manifestées ces systoles et diastoles de l’histoire constitutionnelle ? Ou, plus précisément encore, comment ont-elles affecté le développement du contrôle a posteriori de constitutionnalité des lois en France et en Colombie ?

Pour commencer, l’état d’esprit de la pensée d’alors imposa une culture juridique proposant le droit positif en tant que moule du pouvoir politique. Dès lors, celui- ci devint sa forme intelligible. Les rapports de force avaient été modifiés et le politique était désormais tempéré par le droit et certaines institutions incarnant les pouvoirs publics, notamment le législatif et l’exécutif. À titre d’exemples, le Parlement et le Président furent deux véhicules de l’administration étatique et ont d’ailleurs constitué des institutions qui demeurèrent dans le design constitutionnel au cours du deuxième stade – all’uso nostro – du développement du contrôle.

De par son ambigüité, la notion de limite au pouvoir sert à structurer le contrôle de constitutionnalité des lois. C’est au fil des années que les expériences des grands apports des révolutions du XVIIIème et du XIXème – et du libéralisme

politique en particulier – modifièrent les formes traditionnelles de légiférer et de concevoir la loi. Entre 1814 et 1870, la France et la Colombie enrichirent en effet

leurs Constitutions, ainsi que leurs dynamiques, grâce aux expériences tirées des défauts et des limites issus d’un processus d’essais et d’erreurs. C’est ainsi que ladite notion s’applique à la fois au parlementarisme550 et au régime

présidentiel551, puisqu’ils ont tous deux encadré l’évolution des designs

constitutionnels tout en conditionnant l’apparition du constitutionnalisme. Pour le dire autrement, chacun des pays sub examine transposa et conjugua le constitutionnalisme entre les déclinaisons desdits régimes552.

D’un côté, les deux régimes, l’un comme l’autre, ont profondément inspiré les constitutionnalistes français et colombiens lors de la discussion, la préparation et l’adoption des textes constitutionnels postérieurs à la chute du Premier Empire et à l’Indépendance de l’Amérique espagnole. De l’autre, les « doses » d’influence de ces régimes n’ont pas été proportionnelles. Les esprits français ont été plutôt hantés par le Parlementarisme – id est, par le fantasme de la Constitution anglaise –, tandis que la Colombie est parvenue à conjuguer un éventail plus large d’impressions, quoiqu’avec une inclination perceptible pour le legs des États-Unis d’Amérique553.

550 « Chaque époque détermine une configuration spécifique qui marque de son empreinte la façon de comprendre et

d’écrire l’histoire. Dans la mesure où toute construction narrative suppose des interprétations situées (se trouvant sous l’empire de l’esprit et des enjeux d’une époque), il ne peut exister que des histoiresconstitutionnelles. Leurs commencements, leurs chronologies ou périodisations seront multiples et des acteurs différents y seront parfois mis en exergue. Ainsi, par exemple, au XIXème siècle, à un moment où s’opposent encore deux France appuyées l’une et l’autre

sur des histoires concurrentes, Guizot et Thiers s’efforcent, dans leurs travaux historiographiques, d’imposer une interprétation parlementaire de la Charte de 1814 et accueillent la révolution de 1830, célébrée en tant que version française de la Glorious revolution de 1688, comme une mise en conformité de l’histoire avec le sens qu’ils lui ont assigné. Prenant la forme d’une révision de la Charte de 1814, la légalité constitutionnelle aurait, en quelque sorte, refermée par des fils juridiques la plaie historique ouverte par les journées révolutionnaires de juillet. La figure de Guizot, dans laquelle se rejoignent l’historien et l’acteur politique, témoigne, de manière quasi topique, du fait que l’histoire constitutionnelle a longtemps été un travail de mise en récit opéré au soutien d’enjeux politiques clairement identifiés. Ainsi, en insistant sur le rôle majeur joué par l’évolution de la société civile et sur le caractère inévitable de la Révolution française, l’historien Guizot met l’accent sur la primauté finale du social sur le politique (1789 apparaît plus comme la victoire d’une société produite par l’Ancien Régime que comme le déroulement d’une politique inaugurant la démocratie moderne). » HUMMEL, J. « Histoire et temporalité constitutionnelles…, op.cit ; LAQUIÈZE, A. Les origines du régime

parlementaire en France (1814-1848). PUF, Paris, 2002, 436p. ; RIALS. « Une doctrine constitutionnelle française ? »,

Pouvoirs (n°50). Seuil, Paris, 1989, p.92-95.

551 Pour connaître une visión contemporaine de la question v. VALADÉS, D. « El Presidencialismo Latinoamericano en

el siglo XIX », Boletín Mexicano de Derecho Comparado (n° 44). UNAM, México D.F., 1982, 613-626p. ; LANZARO,

J-L. Presidencialismo y parlamentarismo : América Latina y Europa Meridional Argentina, Brasil, Chile, España, Italia,

México, Portugal y Uruguay. Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, Madrid, 2012, XXII-361p.

552 Au surplus, les institutions référées ci-dessus furent transplantées dans un milieu assez hostile et différent de

l’originaire. Il semble raisonnable de songer que chaque Constitution formelle doit retrouver leur sens et s’ajuster dans leur Constitution sociale. Par conséquent, ayant songé à concevoir un Parlement et un Président au sein de leurs normes suprêmes, les Anglais, les Étasuniens – et même les Haïtiens – ont dû concevoir leurs spécificités en fonction des conditions sociales, économiques et politiques. Pour connaître un peu sur l’importance de la révolution haïtienne v. REY, N. Quand la Révolution, aux Amériques, était Nègre... Caraïbes noirs, negros franceses et autres "oubliés" de l'Histoire. Éditions Karthala, Paris, 2005, p.83-99.

553 Il ne faut pas oublier nonobstant la difficulté qu’avait été vu par Simon Bolivar sur l’adoption de ce type de

La France était la plus enthousiaste concernant le gouvernement parlementaire à l’anglaise, tandis que, du côté colombien, les préférences juridico-politiques relevaient plus de la nécessité que d’une prédilection intellectuelle. Le besoin larvé d’un leader fort dans les territoires sauvages de cette république nord- andine a en effet déterminé le choix d’une Constitution politique idéale, basée sur le pouvoir exécutif. L’hexagone, quant à lui, se rapprocha de la monarchie constitutionnelle où le roi ne devait pas gouverner parce qu’il régnait. C’est ainsi que, dans un tel contexte intellectuel et juridico-politique, la question d’un contrôle a posteriori des lois fondé sur le respect de la forme et du contenu de la Constitution passa quelque peu inaperçue.

Dénoncer un rare intérêt pour la question du contrôle de constitutionnalité des lois pourrait toutefois sembler une remarque anodine à plusieurs égards, notamment parce que son apparition se trouve étroitement liée à l’évolution de certaines tendances du droit constitutionnel. Ex nihilo nihil fit. Entre les 1814 et 1870, le monde était en train de changer, tout en oubliant le chemin du retour. L’adoption de nouveaux points de vue sur d’anciennes questions fait d’ailleurs partie de cet « oubli ».

L’analyse de la portée du contrôle de constitutionnalité des lois dans l’histoire constitutionnelle des pays sub examine montrera qu’elle n’est ni monolithique ni pléthorique de hiatus. Une fois ébauchée sa discontinuité, il est possible de se demander comment s’est présenté un tel contrôle. Afin de répondre, il semble nécessaire d’avancer une hypothèse : l’essor du pouvoir législatif (Sous-section

1. Contribution du pouvoir législatif au contrôle de constitutionnalité des lois) et de l’exécutif (Sous-section 2. Contribution du pouvoir exécutif au contrôle de constitutionnalité des lois) a conduit à des expériences ayant

fortement conditionné les bases du constitutionnalisme.

Vu l’état misérable de la population latino-américaine, l’absence d’instruction et les dégâts issues des guerres d’indépendance, il n’était guère possible d’émuler aux Anglais. Deuxièmement, le Libertador fit une sorte de reprend un peu son argument et l’adapte à la Constitution étatsunienne. Pour connaître les documents v. ROZO ACUÑA. Simón

SOUS-SECTION 1. CONTRIBUTION DU POUVOIR LÉGISLATIF