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SOUS-SECTION 2 CONTRIBUTION DU POUVOIR EXÉCUTIF AU CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITÉ DES LOIS

LE CONTRÔLE A POSTERIORI DE LA CONSTITUTIONNALITÉ DES LOIS EN FRANCE ET EN COLOMBIE, CONSTRUCTION

SOUS-SECTION 2 CONTRIBUTION DU POUVOIR EXÉCUTIF AU CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITÉ DES LOIS

Quel rapport existe-t-il entre pouvoir exécutif et contrôle de constitutionnalité ? Ce pouvoir public a-t-il contribué au développement ou au ralentissement de la construction historique des dispositifs de contrôle de constitutionnalité en France et en Colombie ? Bien que les hypothèses abordées à continuation permettront de construire une réponse affirmative, il est toutefois fondamental de réfléchir ici à la terminologie même du pouvoir exécutif661. Entre 1814 et

1870, cette terminologie employée décrit le Roi et le Président et leurs déclinaisons, dont la figure de l’Empereur et le dictateur.

Un examen de la période sub examine nous amène d’emblée à l’affirmation suivante : la France comme la Colombie ont subi la domination du chef de ce pouvoir public662. Cependant, leurs institutions politiques étaient différentes. Le

Président s’est imposé en Amérique Latine de façon incontestable. À l’ombre de la Constitution étatsunienne de 1787, les jeunes républiques de la région nord- andine ont aisément embrassé les caractéristiques générales des institutions politiques de leur voisin. Le chef du Pouvoir exécutif ne fut certainement pas une exception, car il était vu comme un « archétype » – un de plus – depuis 1787663.

La définition, jusqu’alors acceptée, de Président proposait ainsi un chef choisi par un grand nombre d’électeurs, responsable auprès de ses électeurs, dépourvu du pouvoir explicite de faire la loi, irresponsable devant le Pouvoir législatif – bien que surveillé par celui – et du pouvoir de dissoudre les chambres. Ergo, une définition nord-américaine664. Il semble d’ailleurs nécessaire, sur de point, de

signaler que cette institution a été adoptée en Colombie.

661 Aborder chacune en profondeur n’est point un but envisageable dans ce texte, mais il est possible nonobstant d’y faire

une distinction permettant les identifier.

662 De l’autre côté de balance, la pression exercée par le Pouvoir législatif n’a pas défailli.

663 CHEIBUB ; ELKINS ; GINSBURG. « American Presidentialism in comparative and historical perspective », Texas

Law Review (Vol 89, XXXX). University of Texas Press, Austin, 2011, p.7-10.

664 ZOLLER, E. Histoire du gouvernement présidentiel…, op.cit, p.13-65 ; CHEIBUB ; ELKINS ; GINSBURG. «

Le statut constitutionnel du Président a connu des phénomèmes d’hybridations, lesquels l’ont fait gagner en puissance, ou en faiblesse, notamment face aux assemblées législatives. Le premier cas de figure a été celui des Constitutions entre 1828 et 1843, tandis que le second encadre la Constitution de 1821 et celles de la période 1853-1886. La première période représente celle du constat de sa force, tandis que la seconde, celui de son affaiblissement.

A contrario, ayant joui d’une plus grande stabilité que les Américains du Sud, les Français changèrent leur régime politique à trois reprises, avec trois types différents de chef de l’exécutif. L’Empereur a conditionné le développement du contrôle de constitutionnalité des lois entre 1852 et 1870. De même, concernant la Colombie, peu de présidents tentèrent de prendre directement ou indirectement parti pour ledit contrôle. Par ailleurs, en 1852 la France plongea dans un régime introuvable qui avait été mis en pratique par Napoléon Bonaparte et qui mélangeait la République et la Monarchie.

Le Prince président s’est d’ailleurs servi d’une série d’organes et d’institutions lui rendant service en tant que « Constituant secondaire ». Le cas échéant, le chef de l’État constituait le cœur de ce régime autoritaire puisqu’il animait l’activité législative de façon plus invasive, contrairement aux régimes imposés par les Constitutions colombiennes entre 1821-1843 et où les assemblées législatives exerçaient une véritable pression sur le Président. À la différence du cas français où une telle possibilité était contemplée dans l’article 4 de la Constitution française du 14 janvier 1852665, les normes constitutionnelles du pays nord-

andin ne permettaient pas au chef de l’État d’exercer « collectivement » la puissance législative aux côtés des chambres.

Louis-Napoléon Bonaparte a prononcé la formule emblématique, le summum, de sa doctrine : « …je n’étais pas sorti de la légalité que pour entrer dans le droit. », alors au cœur de la dynamique institutionnelle imprimée à son régime politique. Elle est d’ailleurs également un point de rencontre de plus dans le laboratoire

665 PRÉLOT, M. « La signification constitutionnelle du Second Empire », RFSP (n°1), Paris, 1953, p.31-56; HERVÉ, R.

constitutionnel atlantique 1814-1870. À l’instar de Napoléon I, Louis-Napoléon Bonaparte et Simon Bolivar ont souhaité dépasser les bornes juridiques imposées au pouvoir exécutif, à l’abri de l’institution présidentielle.

D’un côté, le putsch du 2 décembre 1852 permet au Prince président de reconfigurer « la légalité » à son profit. D’où qu’il ait pu passer de Président de la IIè République à Empereur. De l’autre, le Président le plus célèbre de la Colombie

imposa peu à peu – entre 1819 et 1830 – une forme de gouvernement axée sur un chef de l’exécutif ayant des prérogatives qu’il est possible de qualifier d’exorbitantes.

Après avoir abordé les notions fondamentales du Pouvoir exécutif, il convient désormais de mettre l’accent sur cette phrase attribuée à Louis-Napoléon Bonaparte. Bien que sa signification ait été interprétée auparavant666, il est

également possible de l’envisager sous un autre angle, à savoir, le contrôle de constitutionnalité des lois. L’esprit du contrôle de constitutionnalité s’est manifesté en effet dans certains dispositifs all’uso nostro permettant la suspension de la légalité, et ceci, au profit du Pouvoir exécutif. Régulièrement, la doctrine s’intéressant aux origines du constitutionnalisme offrit plusieurs études sur l’importance du Sénat – celui de l’an VIII et ses émanations des deux côtés de l’océan Atlantique entre 1814 et 1870 – en négligeant quelque peu le fait qu’il ait été instrumentalisé par le pouvoir exécutif.

L’objet ponctuel de cette recherche est de mettre en évidence un élément précis de la culture constitutionnelle en France et en Colombie au XIXème siècle ayant

d’ailleurs permis une ouverture pour l’implémentation d’un contrôle de constitutionnalité des lois. Cet élément est la suspension de la légalité ou la possibilité de s’en soustraire, dans un contexte juridico-politique plaidant pour

666 Marcel Morabito est catégorique dans ces mots : « C’est ainsi qu’il faut comprendre l’expression « entrer dans le

droit »… « Droit » équivaut au terme moderne « légitimité » » (v. Histoire constitutionnelle…, op.cit, p.257.). Cependant, il est possible d’y voir une charge sémantique différente lorsque le contrôle de constitutionnalité est abordé. Par ailleurs, une version plus drastique, toutefois que dans le même sens, est attribuée à Alexis de Tocqueville. À propos des élections du 10 décembre 1848 il disait : « La majorité de l'Assemblée est entre les mains des ennemis de la République ; la droite monarchique d'une part, la gauche révolutionnaire de l'autre, n'attendent qu'une occasion pour sortir de la légalité et violer la Constitution ». L’auteur de De la Démocratie en Amérique montra la face caché d’une culture autoritaire qui grimpait au pouvoir pour se servir des moyens et des procédures constitutionnelles de l’État pour le ronger de l’intérieur.

le légicentrisme et la valeur supérieure des assemblées parlementaires667.

Nonobstant, une telle affirmation exige une analyse approfondie des quelques moments où le pouvoir exécutif a servi de moteur au constitutionnalisme, lesquels, pour ce faire, seront abordés par ordre chronologique.

Ainsi, dans un premier temps, le système d’administration imposé par la Couronne espagnole contribua à façonner la culture constitutionnelle de l’Amérique espagnole, tout en rendant possible deux idées, la première étant celle d’une concentration importante de pouvoir dans une seule personne, la seconde, la possible suspension de l’ordre juridique liée à l’aphorisme « J’obéis, mais je n’exécute pas », déjà évoqué et expliqué auparavant ; id est, une culture de l’illégalité668. En revanche, entre 1808 et 1819, le déroulement des

événements se fit d’une telle manière que ces deux idées se sont finalement mélangées à la foi républicaine, déjà répandue entre les élites locales. Le retour à la monarchie n’était dès lors pas envisageable.

En France, la situation diffère fortement. Tout d’abord, la Sainte Alliance triompha en 1815 sur le Premier Empire, amenant au renversement d’un régime qui était, mutatis mutandis, porteur du legs de la République. À partir du rétablissement de la monarchie en France et des structures constitutionnelles que cette dernière implique, les tentatives de mise en place ont dû cohabiter avec la réalité de l’absolutisme. Par la suite, les idées républicaines et son droit parviennent à s’imposer après la Révolution de février 1848. Entre 1830 et 1851, la concentration de pouvoir en une seule personne – μονάρχης – n’était pas l’ennemi à vaincre, tout au moins jusqu’à l’arrivée de Napoléon Bonaparte au pouvoir.

Ces situations ont en effet conduit à une crise dont un autre visage était l’épanouissement du pouvoir exécutif. La notion de chef de l’exécutif étaitalors fondamentale. La période 1814-1870 a en effet constitué le théâtre de maintes évolutions constitutionnelles en ce sens. D’une part, en France, le rêve d’une

667 Cette lutte a été un processus sous-jacente dans l’histoire constitutionnelle française, car le clivage était marqué par la

formation du gouvernement parlementaire à l’insu d’une forte présence des gouvernements monocratiques.

possible transposition de la Constitution anglaise s’était vu frustré depuis la déclaration de Saint Ouen du 2 mai 1814, bien qu’il fût par la suite repris à l’aulne de la Monarchie de Juillet. C’est à partir de ce moment que la mise en œuvre d’une Constitution politique capable de faire face à l’absolutisme demeura irréalisable. Ceci, notamment, parce qu’une fois l’Empire restauré, les régimes monarchiques (1814-1830 et 1830-1848) furent aussitôt renversés au nom de la IIème République.

La République s’inaugura, d’autre part, comme tradition grande-colombienne (1819-1831) – fruit d’une union « éphémère » entre le Venezuela et l’Équateur avec la Nouvelle-Grenade – depuis sa création. Toutes les métamorphoses de la république néo-grenadienne ont, invariablement, eu un Président. Jamais un roi ou un empereur. La stabilité d’une telle institution demeura toutefois précaire, la première magistrature de la République ayant en effet connu des périodes d’élargissement et de diminution de ses pouvoirs.

Force est de constater que les voies du constitutionnalisme – id est, la défense de la Constitution par des moyens en droit – et du pouvoir exécutif se sont croisées avec plus d’intensité du côté des Français, sous le Second Empire (1852-1870) et, du côté colombien, sous la présidence de Bolivar (1819-1830), du Général Pedro Alcántara Herrán (1841-1845) et du Général Tomàs Cipriano de Mosquera (1863-1867669). Rappelons, à ce sujet, que l’épisode républicain français (1848-

1852) a été la cause d’un effet : le retour à l’« absolutisme ». Par ailleurs, dans la Grande-Colombie comme dans la République de Nouvelle-Grenade et dans les États-Unis de Colombie, le pouvoir acquis par ces trois entités doit être envisagé de manière différente du fait qu’ils marquent une croissance exponentielle des rapports entre le Président et le constitutionnalisme.

L’exemple du Prince président illustre en effet la complexité de la source de légitimité de l’exécutif. Cette affirmation s’applique d’ailleurs aussi bien à la

669 La période présidentielle de ce général n’a pas été si longue dans la durée. Cette glose a pour but de montrer qu’il a été

Président à plusieurs reprises, cependant il a fait usage du contrôle de constitutionnalité à sa faveur depuis l’établissement des États-Unis de Colombie. Dans un premier temps, il convoqua la Convention de Rionegro et restera à sa tête entre (14 mai 1863 à 1e avril 1864). Dans un deuxième temps, il a été élu comme 3e Président des États-Unis de la Colombie (1e

République qu’à l’Empire. Leurs pouvoirs étaient, en première instance, de facto, à cause du coup d’État du 2 décembre, mais leur nature même fut changée : le rétablissement d’un Sénat archétypique all'uso nostro avait permis au chef de l’exécutif de bâtir le Second Empire à force de Sénatus-consulte670, ce qui rendit

possible, par conséquent, de modifier la nature des pouvoirs de Louis-Napoléon, lesquels deviendront finalement pouvoirs de jure.

Dans le territoire connu de nos jours comme Colombie, les sources de légitimité des pouvoirs du Président ont, en revanche, rarement convergé. Même dans le cas de Simon Bolívar, les pouvoirs constitutionnels consacrés ont toujours constitué une contrainte effective face à la puissance brute de certains hommes politiques, à savoir, ceux maitrisant l’art de la guerre et de la politique, et qu’il était ainsi possible d’« apparenter » à Napoléon I. Notons, à ce sujet, qu’il s’agit ici d’une vielle stratégie issue du césarisme.

Les trois présidents colombiens déjà mentionnés sont l’exemple des differentes nuances de cette absence d’harmonie entre les pouvoirs de facto et de jure. Quoique différemment, c’est à ce carrefour que le droit constitutionnel, le pouvoir exécutif et le constitutionnalisme se croisèrent au milieu du XIXème

siècle. Premièrement, bien qu’élu Président de la Grande-Colombie de 1819 à 1830, Simon Bolivar continuait de constituer une menace pour une faction de la classe politique néo-grenadine. Ce vénézuélien était en effet un grand militaire et sa façon de concevoir le droit n’était pas très éloignée de sa formation. C’est pourquoi ses idées n’ont pas été complétement partagées par l’aile plus civiliste, ni lors congrès constituant de Villa del Rosario de Cúcuta (1821), ni lors de la Convention d’Ocaña (1828).

Deuxièmement, depuis le Congrès d’Angostura (1819), le grand général n’a pas pu mettre en œuvre un texte constitutionnel à caractère conservateur portant en

670 Le plébiscite du 21-22 novembre qu’approuva le rétablissement de l’Empire est réponse positive au Sénatus-consulte

du 7 novembre 1852. Pour approfondir sur le rôle du Sénat dans les révisions constitutionnelles sous le Second Empire v. MORABITO. Histoire constitutionnelle, op.cit, p.263 et ss ; CHOISEL. « La procédure de révision constitutionnelle

germes ses idées d’un exécutif fort671. Ainsi – et en conséquence de la

polarisation politique générée par Bolívar – la première Constitution de la République de la Grande-Colombie de 1821 a été mal reçue par Libertador. De plus, cette polarisation était d’autant plus complexe que l’opposition était targuée de libérale, civiliste et constitutionnaliste, ses adversaires représentant surtout l’armée672.

Autrement dit, le fait d’être partisan du Général Bolívar était, mutatis mutandis, une dénomination antimoderne, car son droit constitutionnel trouvait ses fondements dans la concentration – lato sensu – du pouvoir politique, tandis que l’« opposition » aspirait à l’instauration d’institutions libérales. Un design constitutionnel basé sur un parlement et la notion d’autonomie provinciale673

constitue un exemple du projet politique et constitutionnel de la faction dite civiliste. Étant donné que, dès l’origine, le Libertador et ses condisciples aient dû négocier avec eux, ledit texte constitutionnel a été perçu comme un obstacle dès sa promulguation.

Afin de mieux comprendre le rapport entre constitutionnalisme et développement du système Présidentiel en Colombie il semble nécessaire d’évoquer quatre événements ayant marqué la sous-phase bolivarienne du constitutionnalisme dans ce pays. Primo, en tant que Président élu, Simon Bolivar s’est montré hostile à la Constitution de Cúcuta car, selon lui, ce texte était en décalage avec la réalité de la Grande-Colombie674. Dès lors, la Section II

de cette norme a été consacrée aux Fonctions, devoirs et prérogatives du Président

671 DISCOURS D’ANGOSTURA ; D’ailleurs, et juste à titre de commentaire, il a toujours mi signalé les risques d’imiter

la Constitution étatsunienne, conseil qui n’a pas été entendu très longtemps.

672 Dans une lettre du 13 juin 1821 adressée au Général Santander, Bolivar s’était montré préoccupé sur le caractère

« civiliste » qui prenait alors la Constitution de 1821. D’ailleurs, celui-ci a écrit ceci : «…ces monsieurs (législateurs) pensent que leur volonté est la voix du peuple, sans savoir qu’en Colombie le peuple est du côté de l’armée » (« …esos señores (legisladores) piensan que la voluntad de ellos es la opinión del pueblo, sin saber que en Colombia el pueblo está en el ejército »). Pour en savoir plus v. Obras completas de Vicente Lecuna, tomo 1. p. 565 ; URIBE VARGAS. op.cit, p.93.

673 RESTREPO, J-C. « El Congreso Constituyente de Cúcuta »…, op.cit, p.55-63.

674 Lettre de Bolivar à Santander du 13 juin 1821. Bolivar y critiqua notamment le fait que la posture civiliste des avocats

et hommes politiques de Cundinamarca, en enfin, les Néo-grenadins, n’était le fruit de l’expérience, des a prioris sur le pays et sa géographie. Les décisions et les institutions qu’ils songeaient alors pour le pays n’étaient pas le fruit de l’expérience. À cet égard, il est nécessaire de noter que le néo-grenadin Francisco de Paula Santander était le Vice- président de la Grande Colombie. C’est celui commença à se montrer de moins en moins d’accord avec les décisions prises par le Président, dans le domaine de la guerre notamment ; v. BLANCO BLANCO. « De la Gran Colombia a la

Nueva Granada, contexto histórico - político de la transición constitucional », Prolegomenos (n°20, vol 10). Universidad

de la République. Les articles 129675, 130676 et 131677 ont fixé les règles d’une

responsabilité de la tête de l’exécutif vis-à-vis du législatif. Aux yeux de Bolivar, le Président avait en effet besoin d’outils pour combattre les ennemis de l’Amérique, de telle sorte que la surveillance des chambres constituait un obstacle.

Soulignon, à cet égard, un fait important : Bolivar avait déjà, lors des séances du Congrès d’Angostura en 1819, proposé un projet constitutionnel. En sortant du schéma de la tripartition des pouvoirs politiques – typique du laboratoire constitutionnel atlantique – le Président de l’époque proposa ainsi l’institution d’un Pouvoir Moral (« Poder Moral ») qui n’était ni plus ni moins qu’une troisième chambre au sein du design constitutionnel vénézuélien. Une ébauche de ce dernier apparait dans le discours du 15 février 1819 pour être ensuite précisée dans l’« annexe à la Constitution vénézuélienne » du 15 août de la même année. Évocation de l’antiquité gréco-romaine, cet organe comptait deux chambres – de la Morale et de l’Éducation –, dont les membres étaient nommés à vie par le Sénat entre les candidats des ternes proposées par le Président et la Chambre de Représentants678.

Sa mission, quant à elle, était de veiller, de contrôler et de maîtriser les actions des représentants au sein des institutions. Bien que l’objet de ce contrôle n’ait pas été la loi, cette spécificité tissait un lien entre sa pensée et le constitutionnalisme parce que ce « Pouvoir Moral » avait pour objectif d’interférer dans le processus de formation de la loi. Il n’est point anodin de signaler ici que cette Constitution vénézuélienne de 1819 prévoyait des institutions bel et bien conservatrices ; exempli gratia, les membres du Sénat

675 C. Cuc. 30 août 1821, Seccion II, De las funciones, deberes y prerrogativas del Presidente de la República, art.129. El

Presidente de la República al abrir el Congreso sus sesiones anuales le dará; cuenta en sus dos Cámaras del estado político y militar de la nacion; de sus rentas, gastos y recursos; y le indicara las mejoras ó reformas que pueden hacerse en cada ramo.

676 C. Cuc. 30 août 1821, Seccion II, art.130. Tambien dará á cada Cámara cuantos informes le pida; pero reservando

aquellos cuya publicacion no convenga por entonces, con tal que no sean contrarios á los que presenta.

677 C. Cuc. 30 août 1821, Seccion II, art.131. El Presidente de la República mientras dura en este empleo, solo puede ser

acusado y juzgado ante el Senado en los casos del artículo 89.

678 ROZO ACUÑA, Eduardo. Simón Bolívar…, op.cit, p.LXXIII-LXXIV ; ESCOBAR GIL. El Pensamiento

étaient nommés à vie et le Président très puissant679. Il existait, de plus, une

tendance à la conformation de corps ralentissant l’évolution du droit. C’est pourquoi cette proposition d’un « Pouvoir Moral » ne constituait pas un corps étranger à la culture constitutionnelle de la région, en particulier quand le Président pouvait y exercer son pouvoir de nomination.