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Dans le cadre des accords de 1959, le Soudan s'est engagé dans"la construction des barrages de Roseires sur le Nil bleu, achevé en 1966, et de Khashm e1-Girba sur l'Atbara, achevé en 1964. Mais ces réser-voirs retiennent des quantités considérables de sédiments issus des plateaux éthiopiens, et s'envasent très vite: la profondeur du réservoir de Roseires est passée de 50 à 17 m de 1966 à 1975. La capacité de stockage et de production électrique de ces ouvrages se trouve donc très réduite;à long terme, elle remet en cause les projets de dévelop-pement énergétique et agricoles qui leur étaient liés. Le gouvernement soudanais se trouve, lui aussi, confrontéà la question de la pérennité de sa ressource en eau.

Pour l'heure, toute politique d'aménagement d'envergure al: Soudan est compromise par l'instabilité chronique du pays, instabilité :'ssue du clivage entre le Nord, majoritairement Arabe et aride, et le Sud, plus humide, aux populations chrétiennes et animistes africaines. Mais la dynamique des besoins croissants en eau et de la guerre civile, dans laquelle le gouvernement, un temps menacé par la guérilla sudiste, semble consolider ses positions, a conduit le gouvernement de Khartoum à concevoir de nouveaux projets. Un projet de bl'.rrageà Dongola, au nord de Khartoum, ainsi que la mise en valeur de 1,5 million d'ha de nouvelles terres agricoles, notamment dans le désert, sont sérieusement envisagés, au grand déplaisir du Caire.14

Ces projets soudanais s'inscrivent dans le cadre d'une politique de mécanisation de l'agriculture, politique décidée par le gouvernement de Khartoum à la fin des années 1960, et peu à peu étendue au sud à partir de la fm de la décennie suivante. Il s'agissait de f2.voriser les grandes exploitations commerciales destinéesàrapporter des devises étrangères nécessaires à l'industrialisation et à l'équipement du pays. Mais ce programme de mécanisation forcé a provoqué un désastre social, privant des milliers de petits fermiers de leurs terres, ce qui a grandement contribuéà la reprise de la guerre civile. Près de 95%des forêts de l'est du pays ont été exploitées et défrichées pour faire placeà de vastes exploitations dont les sols se sont très rapidemec.t dégradés du fait de l'érosion et de pratiques agraires inadaptées; 17 millions

d'hectares ont été perdus du fait de l'érosion. Ces pertes de surfaces exploitables, conjuguées à la pression démographique et à la permanence des projets de grandes exploitations agricoles de la part de Khartoum, ont conduit le gouvernementàenvisager la construction de barrages pour bonifier de nouvelles surfaces encore non-exploitées.15

Dans la région des Grands Lacs

L'augmentation de la population et le désir de développement économique amènent aussi les pays plus en amont à envisager d'exploiter à une plus grande échelle leurs ressources en eau: la Tanzanie, notamment, considère la possibilité de pomper d'importants volumes dans le lac Victoria pour irriguer 250 000 ha. En Ouganda, le gouvernement a fait appelàl'aide israélienne, comme en Éthiopie, pour mettre en place des projets d'irrigation afin de contrer les effets de sécheresses récurrentes.16Avec le temps, les projets de mise en valeur des ressources du Nil se multiplient chez les pays riverains, au grand désarroi de l'Égypte, qui est certes la puissance dominante du bassin du Nil, mais aussi le pays le plus en aval, donc dépendant des décisions des pays d'amont. Force est de constater, dans les pays des Grands Lacs comme au Soudan et en Éthiopie, la très petite part des surfaces irriguées dans la surface agricole totale. On constate une tendanceà l'augmentation des surfaces irriguées dans les pays du sud du bassin du Nil blanc comme l'indique le tableau de la page suivante.

L'Égypte voit avec inquiétude ces projets de mise en valeur foisonner depuis quelques années. Au total, ce sont près de 2,9 millions d'ha que les gouvernements des pays d'amont envisagent d'irriguer à moyen terme, près de 4,5 millions d'ici 10à15 ans,àpartir de surfaces insignifiantes en 1980 et encore peu étendues en 1997. De tels projets, en supposant que des techniques d'irrigation plus efficaces soient introduites, nécessiteraient environ 25 milliards m3. «La prochaine guerre dans notre région sera livrée pour de l'eau», aurait affirmé l'ancien ministre des Affaires étrangères d'Égypte, Boutros Boutros-Ghali, en 198517, une petite phrase désormais célèbre qui résumait clairement la position officielle de son pays. «La sécurité nationale de l'Égypte repose dans les mains des huit autres pays africains du bassin du Nil», aurait-il précisé au Congrès américain en 1989.18Le Caire est

pourtant. et de loin. le principal utilisateur des eaux du fleuve. alors que cette eau ne provient pas. pour l'essentiel. de son territoire.

Au contraire, argumentent les Éthiopiens. l'essentiel de l'eau du fleuve provient des hauts plateaux d'Éthiopie qui n'en retire pourtant qu'une faible partie:ilne serait que juste. selon Addis-Abeba. que la part de l'Éthiopie augmente quelque peu.

Surfaces Irriguées en milliers d'ha.

Kenya Tanzanie OU2'anda Burundi 1980... ... .40.. . .120..

1985... .42 127 .

1990.. .54....144 .

1995 73 .150

1997... ...62 .440 .

1999 67 157 .

... 6. .. 53

. 9 66

.. 9... 70

. 9.1.. 74.4

... 32

. 9,1.. 74.4

Part dans la surface

cultivée en 1999... .. .. 1.8%... ...2.4% 0,2% 9,3% Variation moyenne

annuelle, 1980-1999 2.8% 1,4% 2,2% 1,8% Sources: FAO Stats. 2001 ; pour 1997 :P.Howell et

J.

Allan (dit.), The Nife, Shan'ng a scarn mOllrre.Cambridge University Press, Cambridge. 1994 p.132 ;

COllncilof Ministers

of

Wa/Ir AJfairs of the Nile Basin States, Nile Basin Initiative, Shand Vision Program: Efficient lIIater ifficient lIIatlrliS'

for lISefor agriCIIltllraiprodllction.Entebbe, mars 2001 ; http://www.nilebasin.org/Documents/svp_agric.pdf.

accès le 11 décembre 2001.

Ces différences soulignent la faible fiabilité des statistiC}ues agricoles.

Volumes du bassin du Nil en provenance de chaque pays du bassin, et volumes prélevés, 1998

(enkm' jan)

Pays Ressources internes Prélèvements

renouvelables

Burundi 3,6 0,1

Rwanda 6,3 0,8

Congo nd 0,36

Ouganda 39 0,2

Kenya 20,2 2,1

Tanzanie 80 1,2

Soudan 35 17,8

Inclus dans les

Érythrée 2,8 prélèvements

éthiopiens

Éthiopie 110 2,2

Égypte 1,8 55,1

Ne sont pris en considération que les volumes provenant du territoire du pays, non les volumes qui proviennent d'outre-frontières. Source: FAO.