• Aucun résultat trouvé

L'eau du Nil appartient-elle à l'ÉiJlJpte ?

Volumes du bassin du Nil en provenance de chaque pays du bassin, et volumes prélevés, 1998

(enkm' jan)

Pays Ressources internes Prélèvements

renouvelables

Burundi 3,6 0,1

Rwanda 6,3 0,8

Congo nd 0,36

Ouganda 39 0,2

Kenya 20,2 2,1

Tanzanie 80 1,2

Soudan 35 17,8

Inclus dans les

Érythrée 2,8 prélèvements

éthiopiens

Éthiopie 110 2,2

Égypte 1,8 55,1

Ne sont pris en considération que les volumes provenant du territoire du pays, non les volumes qui proviennent d'outre-frontières. Source: FAO.

permis de constituer de nombreux réservoirs pour réguler le cours du fleuve et virtuellement éliminer tout risque de manque d'eau. Ce projet aurait notamment permis àl'Égypte de s'affranchir des risques d'une diminution des précipitations en Afrique équatoriale; il aurait égale-ment donné un plus grand contrôle sur les ressources en eau aux riverains d'amont, ce que le gouvernement égyptien refusa catégoriquement.19 Dès son indépendance totale en 1922, Le Caire obtint la promesse de Londres qu'aucun ouvrage hydraulique ne serait construit sur le haut Nil (qui coulait alors dans des possessions britanniques) sans l'accord préalable de l'Égypte. L'Accord sur les Eaux du Nil de 1929, issu de ces négociations, instaure un partage entre l'Égypte et le Soudan, allouant 4km3à ce dernier et 48km3au Caire; mais cet accord attribuait toutes les eaux du fleuve tout en négligeant les autres pays d'amont. Il constitue un précédent qui traduisait le refus égyptien implicite de concevoir une gestion globale du bassin versant du Nil.

Du point de vue égyptien, l'indépendance du Souda:l en 1956 semait les germes de graves dangers dans la gestion du potentiel hydraulique égyptien. Afin de contrer les menaces potentielles d'une politique hydraulique par trop autonome du Soudan, l'Égypte a activement promu l'idée d'un nouveau traité bilatéral qui permettrait de partager les eaux du fleuve. En 1959, un accord fut conclu entre l'Égypte et le Soudan, avec 18,5 km3au Soudan et 55,5km3à l'Égypte.

Nulle mention n'était faite des pays d'amont, ce qui amena l'Éthiopie à considérer cet accord, comme tout autre qui se négocierait sans son avis, comme nul et non avenu. Les autres pays d'amont n'ont, d'ailleurs, pas reconnu non plus le traité soudano-égyptien sur le partage des eaux du Nil. Non pas qu'Addis-Abeba souhaitait contrôler l'emploi de l'eau chez les pays d'aval; mais le gouvernement éthiopien récusait toute entreprise de partage des eaux du bassin du Nil qui aurait pour effet de priver l'Éthiopie de toute possibilité de développement de sa ressource en eau.20Avec la fin de la guerre civile éthiopienne, Addis-Abeba a entrepris de mettre en valeur ses ressources hydrauliques, ce qui inquiète considérablement les Égyptiens.

Depuis 1959, les prélèvements égyptiens ont augmenté, au point d'excéder de 1,3 km3la dotation prévue par les l),ccords de 1959, tandis que le Soudan portait unilatéralement sa quote-part à 20km3, Devant

cette épineuse situation qui tourmentait les planificateurs égyptiens, Khartoum et Le Caire lancèrent le projet de construction du canal du Jonglei, pour permettre au Nil de contourner les marais du Sudd où d'importantes quantités d'eau étaient «perdues» par évaporation.

Le canal devait permettre la récupération de 12 km'.

Le projet du canal de Jonglei, pour les populations sudistes, était destiné à permettre l'évacuation du pétrole, dont d'importants gisements avaient été découverts dans le sud du pays, et donc de priver le sud soudanais du contrôle de cette ressource, d'une part; et, d'autre part, de construire une infrastructure de transport qui permettrait à l'armée soudanaise de mieux arpenter le sud, et donc d'y intervenir.21 La guerre civile a de nouveau embrasé le sud du Soudan en 1983 ;les rebelles du sud s'empressèrent de se livrer à des opérations de sabotage des travaux, ce qui conduisit à l'arrêt du projet, alors achevé aux deux-tiers.

Mais le mystérieux bombardement par des avions non-identifiés, évoqué précédemment, aurait aussi contribuéàl'arrêt des travaux. 22

Le gouvernement soudanais, issu du Nord du pays, était histori-quement pro-égyptien; les rebelles du Sud ont longtemps été soutenus par l'Éthiopie. La guerre civile soudanaise, à l'origine issue de ce difficile clivage entre deux populations peu intégrées, s'est vue renforcée par son imbrication dans des enjeux de la géopolitique du contrôle des eaux du Nil.

Dès les années 1950, le gouvernement égyptien commença à considérer l'eau comme un objet de sécurité nationale. 23 Le gouver-nement égyptien a affirmé, à plusieurs reprises, sa détermination à recourir aux armes si son approvisionnement en eau était menacé.

Vers1985,des raids aériens auraient été planifiés parLeCaire contre le Soudan du fait de menaces perçues sur les eaux du Ni1.24 En 1994, leSoudan s'est proposé de construire un nouveau barrage sur le cours du Nil, parallèlement au projet de former avec l'Éthiopie l'Organisation de la Vallée du Nil Bleu, organisme qui aurait étudié plusieurs projets d'infrastructure importants, sans concertation avec l'Égypte.25 En août 1995,insatisfait de l'opposition égyptienne et soucieux de développer davantage ses ressources en eau, le gouvernement soudanais a menacé de dénoncer le traité de1959.26

Estimant là encore que ces gestes représentaient une menace trop importante, l'Égypte a planifié un raid aérien sur Khartoum, annulé apparemment peu avant son déclenchement. Les manœuvres militaires égyptiennes de 1995 à la frontière avec le Soudan ont signifié l'irritation du Caire, certes suite àl'implication de Khartoum dans la tentative d'assassinat du président Moubarak, mais aussi à cause des projets d'aménagement hydrauliques soudanais.27Des incidents de frontière ont opposé les deux pays en 1998.28

Une question qui rend l'Égypte