• Aucun résultat trouvé

la Chine viennent renforcer la gravité de la crise de la gestion des eaux.

En moyenne, 35 tempêtes de sable traversent le nord de la Chine chaque année, contre moins de 20 voici deux décennies.28 Mais les scientifiques précisent que ces perturbations ne suffisent pas à expliquer la chute dramatique du débit du fleuve, de 20 milliards de m3 en module normal à 1,8 milliard de m3en 1997. Il s'agissait d'une année de sécheresse importante, mais non pas la plus sévère du siècle. Durant la période de 1920 à 1940, les précipitations avaient diminué de 35% sur la même région, et pourtant le fleuve n'a jamais cessé de se jeter dans le golfe de Bohai.29 Cependant, on note une tendance à la poursuite de la dégradation du bilan des précipitations.3o

Le rôle de la désertification et de la déforestation

Les sécheresses de ces dernières années ont aboutiàune plus grande rareté du fourrage, et à une hausse marquée de son prix, ce qui encourage les fermiers à le récolter plus tôt malgré de plus faibles rendements. La rareté relative croissante du fourrage a conduit les éleveurs àdéplacer leurs troupeaux dans des zones de pâturage plus fragiles, ce qui renforce la dégradation des sols, leur érosion et la désertification.35 Dans le nord de la Chine, la remise à vif, par sur-exploitation, des aires sableuses encore couvertes de végétation voici quelques décennies, est la cause principale de la désertification.

Les aires sableuses désertifiées ont gagné en moyecne 1560km2 par an entre1955et 1975,et2100 km2 par an entre 1980et 1990.36 La désertification affecte directement28%duterri~oirechinois, tandis que90%de ses prairies sont affectées modérément0'.1sévèrementY

De plus, malgré des appels répétés du premier ministre, Zhu Rong;i, en faveur de la préservation des espaces boisés pour maintenir les précipitations et l'humidité dans les sols, les abattages illégaux se poursuivent, indices d'une corruption toujours enracinée dans l'admi-nistration chinoise38 et d'un usage ancré dans les ha1:itudes rurales chinoises: le manque de combustible, dont souffrent ::I->:.:>niquen:ent 500 millions de paysans, a accéléré la déforestation, ce qui aggrave la sécheresse (par plus faible rétention des eau:, dr.ns les sois) et entraîne des inondations dévastatrices (par ruissellement très rapide que ne vient plus ralentir la forêt).39 La déforestatio:l. e~ Mongolie Intérieure prend des proportions inquiétantes. PIcs au sud, le dérèglement du cours du Yangze et la récurrence de plus en plus fréquente des inondations dévastatrices ont conduit ~es autorités à imposerun moratoire complet sur toute coupe forestiè:e au Sichuan et à limiter la délivrance de permis de coupe pour d':mtres forêts.40 C'est qu'en plus de ces inondations dévastatrices,ily a en réalité moins d'eau dans le Yangze également, moins d'eau dont la répartition de l'écoulement est de surcroît plus concentrée dans le temps, d'où les désastres récents: en1997,le volume du Yangze avait diminué de 15% ; de plus, la pollution du fleuve commence à prendre des proportions inquiétantes.41

La poursuite du développement des villes et la recherche de nouvelles terres agricoles conduisent au graduel mais continu empiètement de berges artificielles dans les lacs, tandis que le harnachement des rivières produit leur envasement progressif. Ces phénomènes expliquent la diminution de 40%des surfaces des lacs en Chine et de 47%de leur volume depuis 194942, diminuant d'autant la capacité de retenue de ces réservoirs naturels comme leur rôle dans l'afunentation des nappes souterraines.

Partager t'eau, un exercice source de tension

En 1983, les provinces chinoises, villes et régions autonomes du bassin du Huanghe ont formulé leurs besoins en eau pour un avenir prévisible. Sur les 58 milliards de m3de débit global moyen du fleuve, la somme des besoins formulés par l'ensemble de ces administrations s'élevait déjà à 74,7 milliards de m3... Le partage de l'eau du fleuve Jaune est d'autant plus délicat qu'un volume considérable est nécessaire pour s'assurer que l'énorme charge solide en suspension43 ne se sédimente pas encore plus vite le long du parcours du fleuve, déjà exhaussé44, et ne provoque davantage d'inondations: c'est un minimum de 20 milliards de m3 qui seraient ainsi nécessaires pour chasser les sédiments vers la mer, ce qui ne laisse que 38 milliards de m3 à partager.45 La différence entre cette eau disponible et les besoins actuels est compensée par le pompage des aquifères; on mesure alors la tension qui s'exerce sur eux. De plus, le fleuve ne parvient pas toujours à la mer, ce qui provoque déjà des problèmes de sursédimentation. Sur la période 1985-1995, un débit plus faible de fleuve a certes réduit le volume sédimentaire en suspension à 758 millions de tonnes par an (-53%),mais les dépôts se sont malgré tout élevés à 2080 millions de tonnes sur l'ensemble de la période, dont 86%dans les chenaux principaux: la fréquence des inondations, à débit égal, s'est accrue.46Qui plus est, la déforestation, en accroissant l'érosion directement (sols dénudés) et indirectement (par une plus forte fréquence des crues), et donc la charge sédimentaire, contribue donc à accroître le besoin en eau pour évacuer cette charge sédimentaire supplémentaire. Lors d'une crue majeure en 1981, le Huanghe s'est exhaussé de près de 60 mètres...47

"t'l

~

0-~

... •

~

:t;

"" -

t'\

t=

...

~

...

CI)

....

-o z o ...

... ...

... •

C

~

z n

~

~

Z

,-",,~.\

L.,,'0~~\f _ __ ,

.l~/

.,

J.

ir~

,,\

RUSSIE

~~

":-,..."

KAZAKHSTAN

r '

1 .-- 1 \

1''''-' '\\

Zones d'allllude désertiques

~ Zonesd'altitude

b dQS\l!?~~ l'INDE

~, Principale~ZOOIlS 1

irriguées 1

' " Avancéedela 1 désertification Projeldeclériviation 1

-- - d~~ftewes ~

...

~co

La rareté de la ressource en eau provoque déjà des tensions entre les provinces. Au Shanxi, en Chine du nord, l'eau est devenue si rare que les habitants de Taiyuan, une ville industrielle de 3 millions d'habitants, ne consomment en moyenne que 20 à 30 litres d'eau par jour, contre 160 dans les autres grandes villes; la Banque mondiale considère le seuil de 20 litres comme «le minimum absolu pour subvenir aux besoins physiologiques et d'hygiène»48.Le manque d'eau devient une contrainte majeure pour les entreprises, qui pourtant recyclaient déjà 84%des volumes qu'elles utilisaient en 1993 ; certaines envisagent de fermer ou de déménager, quand elles ne sont pas massivement subventionnées pour éponger les pertes dues aux fréquents arrêts de production. Souscrivant en cela aux appels du gouvernement central à l'industrialisation de la Chine de l'intérieur, bon nombre d'entreprises en aval du Huanghe envisagent de se délocaliser vers l'amont, afin d'espérer un approvisionnement en eau plus régulier - ce qui ne fera que déplacer le problème. De plus, l'eau du fleuve, aussi rare puisse-t-elle devenir en aval, suscite des convoitises: on parle d'un nouveau projet de détournement de l'eau du cours supérieur du fleuve pour alimenter les demandes résidentielle et industrielle croissantes à Hohhot, capitale de la Mongolie intérieure; les travaux devraient débuter en 2003.49Le manque d'eau et la pollution, selon le Rapport sur l'État de l'Environnement en Chine en 1997 de la State Environmental Protection Administration (SEPA), «sont devenus suffisamment graves pour constituer des facteurs limitant la croissance et le développement social».50

Le barrage de Wanjiazhai, en construction, permettrait de dériver 1,2 milliard ml du Fleuve Jaune, pour les acheminer,via220kmde tunnels souterrains, vers les villes assoiffées de Taiyuan, Datong et Shuozhou.

Les estimations pour le coût du projet se chiffrent, à l'heure actuelle, à environ 2,4 milliards d'euros, dont 400 millions provenant de la Banque mondiale. Mais le barrage suscite déjà l'opposition des provinces en aval, Henan et Shandong, elles aussi confrontées à des problèmes de disponibilité de l'eau: elles craignent que le projet de Wanjiazhai ne remette en cause leurs propres projets de diversion du Fleuve Jaune.51 Malgré les tensions croissantes, les autorités centrales chinoises semblent privilégier l'approvisionnement de Tianjin, frappée par de graves pénuries, par pompage accru du fleuve Jaune (Fig. 6.2 p. 148)52.