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Une solution inadéquate : l’application forcée du régime du cautionnement

Dans le document Les garanties indemnitaires (Page 129-146)

L’ORIGINALITÉ CONTESTÉE : L’ASSIMILATION AU CAUTIONNEMENT

CRITIQUES FONDÉES SUR LE CARACTÈRE INSTITUTIONNALISÉ DU CONTRAT NOMMÉ

B. La méthode d’avenir : le droit commun des sûretés personnelles

II. Une solution inadéquate : l’application forcée du régime du cautionnement

199. L’étrange solution retenue : deux mécanismes différents, un même régime – Ne sont-ce pas les craintes de contournement des règles protectrices de la caution, dont il a été montré qu’elles sont largement exagérées, qui justifient la solution retenue ? La Chambre commerciale de la Cour de cassation a décidé de reconnaître une identité propre au mécanisme du porte-fort d’exécution, assorti pourtant d’un régime d’emprunt : celui du cautionnement. Elle n’en a pas nié l’ori-ginalité, sans quoi elle eût procédé à une requalification. Et pourtant, son régime serait le même que celui de la sûreté personnelle de référence. L’équation classique

« différence de nature = différence de régime »508 n’est pas vérifiée.

200. La conclusion d’une lente évolution – La Haute juridiction n’est parvenue à cette solution qu’au terme d’un lent processus. Durant de longues

505 N. BORGA, thèse préc., n° 305.

506 L. AYNÈS et P. CROCQ, op. cit., n° 298.

507 V. infra, titre premier de la seconde partie.

508 J.-L. BERGEL, « Différence de nature = différence de régime », RTD. civ., 1984, p. 255.

années, quelques décisions discrètes ont semblé aller dans le sens d’une reconnaissance digne de ce nom. À l’issue de ce laborieux processus, la montagne accoucha finalement d’une souris. Entre-temps, les lettres d’intention, y compris celles qui renferment précisément un engagement de porte-fort d’exécution, étaient accueillies par la Cour de cassation, puis par le Code civil, ce qui est pour le moins paradoxal.

201. Divergences au sein des juridictions du fond – Il ne faut pas s’attarder sur les décisions qui ont pu être rendues, en la matière, par les juges du fond, car elles ne présentent aucune homogénéité globale. Ainsi, dans la plus grande tradition des auteurs classiques509, le Tribunal de commerce de Paris a-t-il pu juger : « que se référant à une jurisprudence constante, il faut distinguer la situation du porte-fort de celle de la caution. Que le porte-fort s’engage seulement à ce qu’un tiers assume une obligation déterminée, qu’il ne promet pas qu’une fois cet engagement pris, il sera exécuté et qu’ainsi dès qu’intervient la ratification, le porte-fort est dégagé »510. Cette figure juridique continue donc de pâtir d’avoir été rattachée à l’article 1120 du Code civil, alors qu’il a été démontré que cette référence est tout à fait inutile511.

Inversement, la Cour d’appel de Douai a très nettement reconnu l’existence du porte-fort sûreté, lui accolant un régime juridique original, affirmant que : « la promesse de porte-fort au sens de l’article 1120 du Code civil constitue un engagement irréductible du promettant envers le bénéficiaire, dont l’inexécution est sanctionnée par l’allocation de dommages-intérêts », ce dont il résulte que

« l’absence de déclaration de créance du bénéficiaire à la procédure collective ouverte à l’encontre du tiers visé par le porte-fort est sans effet dans les rapports entre celui-ci et le bénéficiaire, le caractère autonome de la promesse de porte-fort n’ouvrant pas au promettant la possibilité de se prévaloir des exceptions qu’aurait pu soulever le débiteur principal, contrairement à l’engagement de caution »512.

202. Plan – Face à ces divergences des juges du fond, il appartenait à la Cour de cassation de trancher. Dans l’évolution de sa jurisprudence jusqu’à l’application du régime du cautionnement au porte-fort, un axe majeur se dessine : il y eut un avant (A) et un après (B) l’année 2005.

A. La jurisprudence et le porte-fort d’exécution avant 2005 : la prudence 203. Plan – Certains ont cru pouvoir déceler, dans les décisions rendues avant 2005, des marques d’hostilité de la Cour à l’endroit du porte-fort sûreté, mais les exemples cités ne sont pas convaincants (1). L’attitude qui prévaut alors est plutôt celle d’une reconnaissance accordée du bout des lèvres (2).

509 V. supra, n° 52 s.

510 T. com. Paris, 5 oct. 1998, n° RG 97/001564, cité par I. RIASSETTO, « Porte-fort d’exécution », art.

préc., n° 150-10.

511 V. supra, n° 103 s.

512 CA Douai, 2e ch., 2 déc. 1999 : Banque et Droit, sept.-oct. 2000, p. 42, obs. N. RONTCHEVSKY. Sur

le régime des garanties indemnitaires dans le cas d’une procédure collective ouverte contre le débiteur principal, V. infra, n° 587 s.

1. L’hostilité prétendue

204. Des requalifications en cautionnement ? – Un auteur affirme que la Haute juridiction « a, déjà, à deux reprises, requalifié des promesses de porte-fort d’exécution en autant de cautionnements dans des décisions passées inaperçues. [...]

quoique ces décisions n’aient pas été publiées au Bulletin, il semble que la Cour de cassation [...] ne paraisse pas disposée à laisser des institutions à l’originalité dis-cutable empiéter sur le vaste territoire dévolu au cautionnement »513. Et il est vrai que la requalification est la sanction logique face à un mécanisme manquant d’ori-ginalité. Des deux décisions citées, l’une émane de la Chambre commerciale, l’autre de la Première chambre civile.

205. L’arrêt de la Chambre commerciale du 7 octobre 1986 – Dans l’acte considéré, il était stipulé qu’une personne « se port[ait] fort et garant solidaire » de l’exécution de certaines obligations514. Les premiers juges, déjà, avaient qualifié l’opération de cautionnement, approuvés par la cour d’appel – très maladroitement515 – puis par la Cour de cassation.

Que faut-il en conclure ? Rien d’extraordinaire. La qualification choisie par les parties contenait une contradiction intrinsèque. En effet, un porte-fort d’exécution ne peut en aucun cas être un engagement de « garant solidaire ». L’idée de solidarité avec le débiteur principal exprime nécessairement que le garant est tenu de la même chose que lui, ce qui n’est compatible qu’avec la mise en place d’un cautionnement516. L’obligation de celui qui se porte fort est nouvelle et personnelle.

Le problème est le même que celui des pseudo-garanties autonomes :

« L’engagement de payer (a fortiori de rembourser) à première demande “ce que doit ou devra” ou “ce que pourra devoir” le débiteur garanti, ou “les sommes dues aux termes du contrat”, ou encore “si le débiteur manque à son obligation” ne peut être un engagement réellement autonome, quelles que soient les autres clauses de l’acte »517. De même, il faut restituer son exacte qualification à un cautionnement affublé d’un faux-nez de porte-fort. Le partisan de cette nouvelle sûreté approuvera le raisonnement autant qu’un autre, et peut-être davantage.

206. L’arrêt de la Première chambre civile du 27 février 1990 – Dans cette deuxième affaire, deux personnes déclaraient « se porter fort du remboursement par la société à M. Z... de Mota de sa créance »518. La Cour de cassation approuva les juges du fond d’avoir requalifié l’engagement en cautionnement : s’agirait-il, pour le porte-fort d’exécution, du désaveu redouté ? La réponse est non. Car, dans la même convention, le bénéficiaire de la sûreté déclarait

« que pour le cas éventuel où ladite clause de porte-fort serait conduite à jouer, il

513 P. DUPICHOT, thèse préc., n° 425.

514 Cass. com., 7 oct. 1986, inédit, pourvoi n° 84-14553, Lamyline.

515 La cour d’appel avait jugé que « si l’on ne devait pas retenir la thèse du cautionnement et chercher une

autre qualification juridique on ne trouverait que la délégation », ce qui dans les deux cas permettait la condamnation. Pour écarter le grief du pourvoi qui reprochait aux juges du fond, à juste titre, de n’avoir pas su choisir une qualification, la Cour de cassation fut obligée de recourir à la notion de motif surabondant, et élimina celui relatif à la délégation pour ne retenir que le cautionnement.

516 Ou, évidemment, avec un engagement de codébiteur solidaire non intéressé à la dette.

517 P. SIMLER et P. DELEBECQUE, op. cit., n° 287.

518 Cass. 1re civ., 27 févr. 1990, inédit, pourvoi n° 88-16726.

accorde aux garants un délai supplémentaire d’un mois à chaque échéance ci-dessus visée pour régler en lieu et place de la société la créance ou le solde dû ». Il est difficile d’imaginer formule plus typique d’un cautionnement que ce « régler en lieu et place » du débiteur principal. Dès lors, il n’est absolument pas surprenant de lire que les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, ont affirmé « que les parties, abusées par des connaissances juridiques inexactes, n’ont pas entendu se placer dans la situation prévue par l’article 1120 du Code civil mais ont pris un engagement de caution pour le cas où la société n’honorerait pas ses engagements de remboursement ». L’importance prêtée à ces deux décisions ne résiste pas à l’analyse. Elles ne sont pas représentatives de l’attitude de la Haute juridiction face au porte-fort d’exécution.

2. La bienveillance timide

207. Circonspection – Il semble que la jurisprudence a longtemps ressenti un certain malaise face au porte-fort d’exécution, ayant parfois à statuer sur des situations où il avait été utilisé, mais évitant de se prononcer sur la validité du mécanisme de manière générale, sous forme d’attendu de principe. Cette juris-prudence dispersée, sans ligne directrice claire, se prête à une présentation chronologique.

208. Garantie d’un pas-de-porte – Dès 1962, la Chambre sociale était confrontée à une situation dans laquelle un promettant, bailleur rural, s’était fait fort – il avait « déclaré faire son affaire personnelle » – de ce que le nouveau preneur paierait un pas-de-porte à l’ancien519. Mais cette convention était nulle. La Cour décide en effet que : « l’accord ayant pour objet la cession du bail rural moyennant finance est radicalement nul [et] qu’il en va de même de l’engagement de faire payer un prix de cession par le fermier entrant, que cette nullité s’étend à la convention de porte-fort portant sur l’exécution d’une telle promesse ».

Il faut préciser cependant que, si l’obligation du nouveau preneur de payer un pas de porte à l’ancien préexistait à la garantie, il s’agissait bien d’un simple porte-fort d’exécution. Mais, si le nouveau preneur n’avait pas encore pris un tel engagement, il pesait sur le bailleur une double obligation de garantir la conclusion, puis l’exécution de l’obligation ainsi contractée. La Cour, en tout cas, ne semble pas s’étonner que l’article 1120 du Code civil puisse être utilisé pour promettre l’exécution d’une obligation. De surcroît, elle fournit des éléments de régime : ainsi qu’il a été exposé auparavant, le porte-fort d’exécution n’est pas insensible à la nullité de l’obligation principale520.

209. Garantie du paiement de travaux – L’arrêt de la Troisième chambre civile du 8 novembre 1978521 est plus ambigu. Un architecte avait garanti à un entrepreneur de plomberie que le maître de l’ouvrage accepterait son devis en le signant, et en l’accompagnant de la mention « Vu l’architecte avec promesse d’accord du client, mettez-vous au travail le plus vite possible ». S’était-il également, ce disant, engagé à ce que l’entrepreneur soit payé ? Le pourvoi

519 Cass. soc., 15 févr. 1962 : Bull. civ., V, n° 195.

520 V. supra, n° 122 s.

521 Cass. 3e civ., 8 nov. 1978, pourvoi n° 77-12801 : Bull. civ., III, n° 339.

contenait un argument qui intéresse directement la présente étude : « la promesse de porte-fort, seule caractérisée en l’espèce, garantit seulement l’engagement du tiers et non l’exécution effective de la convention ». La Haute juridiction répond ainsi : « il apparaissait que non seulement l’architecte s’était porté fort de la ratification du contrat par le maître de l’ouvrage, mais encore s’était porté garant de son exécution ».

Mais que signifie ce terme de « garant » ? Faut-il comprendre que l’architecte s’était porté fort, successivement, de la ratification puis de l’exécution de l’obligation, ou, selon une solution plus classique, qu’il s’était porté fort de la ratification puis s’était rendu caution de l’obligation ? La condamnation au paiement des travaux ne nous éclaire pas sur ce point, car le préjudice étant dans cette affaire égal aux obligations de sommes d’argent non exécutées, un cautionnement et un porte-fort d’exécution aboutissent au même résultat. Certains auteurs semblent avoir identifié ici la solution classique522.

210. Droit de la distribution – C’est ensuite à la Chambre commerciale qu’il est revenu de se prononcer sur une hypothèse de porte-fort, dans un arrêt en date du 14 janvier 1980523. L’arrêt est cité par M. Simler comme l’une des

« premières applications jurisprudentielles » du porte-fort d’exécution524. Le con-texte était celui du droit de la distribution : dans le cadre d’un contrat de bière, un débitant de boissons avait contracté vis-à-vis de son fournisseur une obligation d’approvisionnement exclusif et une obligation de vendre un montant minimum de marchandises ; il s’était « porté fort » qu’un éventuel cessionnaire ou locataire-gérant du fonds tiendrait ces engagements. Le pourvoi, ici encore, s’appuie sur les solutions de la doctrine classique lorsqu’il affirme que : « le porte-fort n’est, à la différence de la caution, tenu que de procurer l’engagement d’autrui et nullement l’exécution de cet engagement par autrui ». Mais la Cour de cassation adopte une position inverse : « en constatant que [le débitant de boissons] s’était porté fort de l’exécution par son locataire-gérant des obligations dont il était tenu envers [son fournisseur], et que [le locataire-gérant] n’avait pas tenu ses engagements, la cour d’appel a décidé, à bon droit, que [le fournisseur] qui n’avait traité qu’avec [le débitant de boissons] était recevable à agir directement en responsabilité contre ce dernier ».

La Cour n’esquiva donc pas l’argument du pourvoi et répondit clairement que le porte-fort peut être utilisé autrement qu’il ne l’est classiquement. Pour autant, était-on face à un porte-fort d’exécution tel qu’il est habituellement envisagé ? Probablement pas : le distributeur initial des boissons, qui avait promis au producteur qu’un éventuel locataire-gérant ou cessionnaire respecterait à son tour les obligations pesant précédemment sur lui, avait très certainement retranscrit ces obligations dans le contrat de location-gérance. Ce faisant, le distributeur avait promis la conclusion et l’exécution d’obligations contractées... envers lui, et pas envers le bénéficiaire525 ! Il ne s’agit plus d’une sûreté personnelle, car il n’y a pas adjonction d’un second patrimoine pour garantir une créance principale. Le producteur, ici, n’a toujours qu’un seul et unique débiteur : le distributeur initial. En

522 I. RIASSETTO, « Porte-fort d’exécution », art. préc., n° 150-10, a).

523 Cass. com., 14 janv. 1980, pourvoi n° 78-10.696 : Bull. civ., IV, n° 16.

524 P. SIMLER, op. cit., n° 1020.

525 En ce sens : I. RIASSETTO, thèse préc., n° 1141.

cas d’inexécution de ses obligations par le second débiteur, le débiteur initial dispose contre lui de toutes les possibilités qui sont celles d’un créancier contre un débiteur dans un rapport obligataire normal ; le créancier initial, lui, ne peut que réclamer des dommages et intérêts au débiteur initial à raison de l’inexécution de son engagement de porte-fort.

211. Inapplicabilité de l’article 1326 – Les faits soumis à l’examen de la Première chambre civile, le 16 avril 1991526, étaient les suivants : un médecin quittant la clinique où il avait exercé avait signé un protocole d’accord avec le directeur de l’établissement, par lequel ce dernier s’engageait « à obtenir le versement » par la clinique d’une certaine somme. Il y avait certainement là un double porte-fort, consistant à promettre, d’une part, que la clinique contracterait cette obligation de payer une somme d’argent, d’autre part, qu’elle l’exécuterait bel et bien. Les juges, y compris de cassation, n’ont pas eu besoin de raisonner en termes de porte-fort d’exécution puisque la clinique, refusant de s’engager, avait ainsi violé la première partie de l’engagement : un classique porte-fort de ratification. L’arrêt est toutefois intéressant en ce qu’il décide que : « l’engagement de porte-fort ayant pour objet, non le paiement d’une somme d’argent, mais une obligation de faire, l’écrit qui le constate n’est pas soumis aux dispositions de l’article 1326 du Code civil ». Il affirme également, de manière contestable, que la cour d’appel n’avait pas à rechercher le préjudice réel, mais qu’il était normal d’allouer au bénéficiaire « une indemnité égale à la somme dont le défaut de la ratification promise l’avait privé »527.

212. Une obligation de moyens ? – Un arrêt quelque peu étrange, rendu le 29 février 2000, vient s’intercaler dans cette série528. Un homme s’était porté fort du paiement de diverses sommes d’argent dont une société était débitrice. Une procédure collective fut ouverte contre cette société. Les juges du fond avaient rejeté une action contre le promettant, arguant de ce que seule la procédure collective avait empêché le débiteur de s’exécuter, et en déduisant que le promettant n’avait pas manqué à sa parole, raisonnement tout à fait contestable529.

Mais la réponse de la Cour est plus étonnante encore : « en se déterminant ainsi, sans rechercher si M. X..., qui s’était porté fort[...] de l’exécution d’obligations déjà contractées par le tiers, ce dont il résulte qu’il était tenu d’une obligations de moyens à l’égard de son cocontractant, n’avait pas, avant la mise en redressement judiciaire [du débiteur], mis en œuvre tous les moyens pour obtenir l’exécution par la société de ses engagements, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard [de l’article 1120] ». Elle reconnaît indubitablement l’utilisation du porte-fort aux fins de garantie, mais affirme qu’il est tenu d’une obligation de moyens, ce en quoi la décision reste isolée530.

526 Cass. 1re civ., 16 avril 1991, inédit, pourvoi n° 89-17982. Sur cet arrêt, V. aussi supra, n° 147.

527 V. supra, n° 147.

528 Cass. com., 29 février 2000, inédit, pourvoi n° 96-13604.

529 L’ouverture d’une procédure collective contre le débiteur principal matérialise en effet l’échec du

promettant à rapporter l’exécution : V. infra, n° 587 s.

530 V. supra, n° 100.

213. Promesse d’embauche – Un mois et demi plus tard, la Première chambre civile, dans un arrêt du 18 avril 2000531, eut quant à elle à se prononcer sur les faits suivants : le cessionnaire de parts d’une société avait promis au cédant une embauche dans l’entreprise pour une période déterminée, mais n’avait pas tenu parole. Il y avait là un porte-fort, par lequel le promettant s’engageait non seulement à ce qu’un contrat de travail soit conclu avec la société – c’était un porte-fort de conclusion –, mais encore à ce que ce contrat soit maintenu pour une durée précise – c’était également un porte-fort d’exécution532.

La Cour de cassation juge : « qu’ayant relevé que la société Pneus station Marceau Legros et compagnie s’était portée fort pour la société Auto pneu marché de faire bénéficier M. X... d’un contrat de travail jusqu’à l’âge de 60 ans, et que le contrat souscrit avait été rompu par la société Auto pneu marché, alors que le salarié était âgé de 55 ans, ce dont il résultait qu’il n’y avait pas eu ratification de l’engagement pris par la société Pneus station Marceau Legros et compagnie, la cour d’appel en a exactement déduit que celle-ci n’était pas déchargée de son obligation à l’égard de M. X... ». Ce disant, la Haute juridiction admet que le porte-fort poursuivait ses effets après la conclusion du contrat de travail, durant son exécution.

Elle use cependant du terme de « ratification », qui n’est véritablement adapté qu’à l’hypothèse du porte-fort classique.

214. Bilan : reconnaissance du mécanisme – Certes sans éclat, discrètement, et dans des arrêts non publiés, mais clairement et à plusieurs reprises, la Cour de cassation a donc admis l’utilisation du porte-fort dans de multiples configurations, qui sont toutes différentes de sa classique fonction de ratification.

Cette lente maturation prit fin en 2005, mais sous forme de désastre plutôt que d’apothéose.

B. La jurisprudence et le porte-fort d’exécution depuis 2005 : la confusion 215. Plan – L’année 2005 pourrait, au premier abord, être considérée comme la grande année du porte-fort d’exécution en jurisprudence – et, par contrecoup, en doctrine, car les arrêts adoptés suscitèrent une avalanche de commentaires et un intérêt jamais vu encore pour le mécanisme533. La vérité est tout autre : de ces décisions, le concept ressort obscurci, ce qui pourrait le condamner à l’abandon. Les praticiens ne quitteront les rives friables du cautionnement que pour la terre ferme, non pour des sables mouvants. Nous constaterons en effet que l’arrêt rendu par la Première chambre civile en 2005 est d’une interprétation particulièrement difficile (1). La Chambre commerciale trancha quant à elle bien plus nettement, mais semble

B. La jurisprudence et le porte-fort d’exécution depuis 2005 : la confusion 215. Plan – L’année 2005 pourrait, au premier abord, être considérée comme la grande année du porte-fort d’exécution en jurisprudence – et, par contrecoup, en doctrine, car les arrêts adoptés suscitèrent une avalanche de commentaires et un intérêt jamais vu encore pour le mécanisme533. La vérité est tout autre : de ces décisions, le concept ressort obscurci, ce qui pourrait le condamner à l’abandon. Les praticiens ne quitteront les rives friables du cautionnement que pour la terre ferme, non pour des sables mouvants. Nous constaterons en effet que l’arrêt rendu par la Première chambre civile en 2005 est d’une interprétation particulièrement difficile (1). La Chambre commerciale trancha quant à elle bien plus nettement, mais semble

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