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B) à laquelle répond une solidarité forte avec les emprisonnés et leurs familles :

2) Solidarité entre emprisonnés, soutiens en prison et à la sortie :

Les mineurs emprisonnés reçoivent également un fort soutien sur le plan moral, organisé par le Secours Populaire, le parti communiste et la C.G.T.

Sous le titre « Le Vaucluse travaille à la solidarité aux emprisonnés », La Défense546,

hebdomadaire du Secours Populaire écrit que le S.P.F. organise des collectes à Avignon, Cavaillon, Carpentras, Beaumes-de-Venise, Bollène, Pertuis, L’Isle-sur-Sorgue, et fait signer des pétitions pour les mineurs de Gardanne en prison. Dès la fin de la grève, il lance un appel « Parrainons les mineurs en prison547 », et la semaine suivant indique qu’« il a, dans la région parisienne, la responsabilité de l’aide aux 700 emprisonnés de la seule prison de Béthune, et lance un pressant appel aux sections de la Seine548 ».

La Défense n° 205 du 7 au 13 janvier, sous le titre « Noël et le Nouvel An au Pays Noir »,

publie des lettres de mineurs emprisonnés et de leur famille qui répondent à leur parrain et/ou marraine. Des courriers sont envoyés régulièrement aux emprisonnés549. En plus de la

solidarité financière apportée à leurs familles que nous venons de voir, les lettres qui leur sont envoyées régulièrement sont accompagnées souvent d’un peu d’argent pour leur permettre de faire face à leur dépenses personnelles en prison, comme le montrent les archives de la C.G.T. de Carmaux550. Les mineurs emprisonnés sont très sensibles à ce soutien, comme en témoigne

Denis Navarro, incarcéré 15 jours à la prison de Villefranche de Rouergue suite à des incidents avec des non-grévistes, qui se souvient encore avec émotion551 de ces deux semaines

de répression qu’il a vécues en fait dans un climat exceptionnel de solidarité depuis l’extérieur

545Archives de la Fédération C.G.T. des Mines-Energies, 455J 202, Grèves n° 2, dossier solidarité nternationale. 546La Défense n° 196 du 5 au 11 novembre 1948.

547La Défense n° 200 du 3 au 9 décembre. 548La Défense n° 201 du 10 au 16 décembre.

549Archives de la Fédération des Mines-Energies, 455J 203, Grèves n° 3, lettres de prison.

550Archives C. G. T. Carmaux, Boîte HBA 20, des courriers sont accompagnés de mandats adressés aux mineurs

emprisonnés à Albi : le 27/11/48, lettre à 7 mineurs: « Chers camarades, Bon courage à tous, nous pensons à vous et à vos familles. Par même courrier chacun de vous recevra 1 000 francs. Le Comité de Solidarité », avec talon d’envoi d’un mandat postal de 7 032 francs (y. c. frais d’envoi) - le 2/12, lettre à 6 d’entre eux « Chers camarades, Le travail a repris, mais nous ne vous oublions pas, vos familles toucheront la journée et les allocations que nous leur verserons à partir du lundi 29 novembre. Par même courrier chacun de vous recevra 1 000 francs. Le Comité de Solidarité », avec talon d’envoi d’un mandat postal de 6 032 francs.

de la prison, mais aussi à l’intérieur de celle-ci. Roland Weil, avocat de la Fédération du Sous- Sol, témoigne de cette ambiance en prison: « Mais la solidarité n’était pas derrière nous : elle était devant, et ce qui nous portait, c’étaient ceux qui étaient dans les prisons ; la visite dans ces prisons était pour nous aussi notre école552 ».A l’intérieur de la prison les mineurs continuent à se faire entendre, et utilisent souvent pour cela la grève de la faim, dont l’annonce est relayée par la presse communiste. Sous le titre « A Avignon et Nîmes 147 emprisonnés font une grève de la faim de 24h »

L’Humanité du 17 novembre écrit : « pour demander la mise en liberté provisoire des mineurs arrêtés qui

font l’objet d’une inculpation que rien ne peut justifier et un non-lieu pour les autres, au nombre de 147 les mineurs encore emprisonnés ont décidé de faire aujourd’hui une grève de la faim de 24 heures ».

En novembre également, Joseph Sanguedolce et les centaines de mineurs emprisonnés avec lui (225 le 26 octobre à son arrivée en prison, 368 à la fin de la grève) entament une grève de la faim à la prison Bellevue à Saint-Etienne et obtiennent le statut de prisonniers politiques, le droit de recevoir les familles, des colis, d’avoir accès à la presse, le droit de réunion dans la prison. Ils organisent la distribution des cigarettes et des denrées alimentaires provenant de la solidarité extérieure, et mettent en place conférences et causeries dans les cellules553. Selon Roland Weil qui se remémore ses sentiments de jeune avocat engagé : « Une vie intense régnait dans les prisons. Des cours s’étaient organisés et lorsqu’il se sentait un peu démoralisé par l’apparence de relative inopérativité de son rôle, le jeune avocat en ressortait ragaillardi par le moral et la combativité de ces hommes 554».

Plusieurs grèves de la faim ont lieu en janvier et février. L’Humanité signale la grève de la faim commencée par 11 mineurs à la prison d’Issoire le 12 janvier pour protester contre le traitement qui leur est fait555, selon Le Patriote plusieurs obtiennent ainsi leur remise en

liberté à la fin du mois : « Le tribunal correctionnel d’Issoire vient de décider la mise en liberté provisoire de 5 mineurs, qui ont poursuivi jusque-là la grève de la faim556». Fin février, L’Humanité titre557 : « 7 mineurs emprisonnés à la citadelle d’Arras depuis plusieurs mois sans être jugés font depuis samedi la grève de la faim. Depuis une semaine le docteur Versquel (emprisonné pour avoir prodigué ses soins à un gréviste blessé) continue à refuser toute nourriture ».

Fin janvier, début février, des mouvements de protestations sont organisés dans le Nord- Pas-de-Calais pour demander la libération de mineurs emprisonnés et parfois non encore jugés après plusieurs mois de détention, en particulier à Béthune où sont détenus plusieurs

552 Déclaration de Roland Weil, colloque des 22-23 novembre 1978, numéro spécial Le droit minier de nov-déc.

1978 La grande grève des mineurs de 1948 (p . 38)

553 Joseph SANGUEDOLCE, op cité, (p. 52 et s.).

554Roland WEIL,Une robe pour un combat ; Paris, Messidor/Editions sociales, 1989, (p. 50). 555L’Humanité du mercredi 12 janvier 1949.

556Le Patriote du 29 janvier 1949. 557L’Humanité du lundi 28 février 1949.

centaines de mineurs. L’Humanité des 27 janvier et 2 février rapporte que les épouses mobilisées autour de Julie Dewintre de l’Union des Femmes Françaises obtiennent ainsi l’accélération des procédures et pour les familles un droit de visite régulier. Une délégation d’une quarantaine de femmes à la préfecture du Pas-de-Calais remet une pétition de plusieurs milliers de signatures exigeant la libération immédiate de tous les emprisonnés. De son côté, le préfet du département relativise fortement ces mobilisations dans son rapport mensuel : « les meetings organisés à grand renfort de propagande à Oignies, à Hénin-Liétard, et surtout à Béthune pour y libérer les mineurs emprisonnés ont été autant d’échecs eu égard aux réserves de manifestants que renferment les énormes cités minières558».

Ce soutien se manifeste aussi à la sortie de prison par des manifestations qui peuvent être importantes, comme à Clermont-Ferrand où des débrayages sont organisés et mobilisent selon

L’Humanité 10 000 personnes pour accueillir les mineurs libérés de prison et sortant affaiblis

de leur 15 jours de grève de la faim559. Autres exemples, de moindre ampleur, le 21 février

une manifestation est organisée à Carmaux pour la libération de deux mineurs condamnés à 3 mois de prison pour entrave à la liberté de travail et violences, avec selon les renseignements généraux560 « un succès des plus restreints – une trentaine de personnes », selon les mêmes sources le 9

mars un meeting à Cagnac-les-Mines réunit à la Bourse du Travail environ 150 personnes pour la libération d’un mineur après deux mois de prison. Le 29 mai la CGT d’Aubin (Aveyron) organise la réception à la maison du peuple de deux mineurs, arrêtés le 28 novembre 1948, condamnés à 6 mois de prison pour « entraves à la liberté de travail et menaces » et libérés le 29 mai561, avec une quarantaine de présents.

Par ailleurs, la répression pénale, particulièrement forte, se traduit souvent par une double peine pour les étrangers.

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