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solidaire qui persiste à l’époque actuelle

C) La lutte pour l’amnistie :

1) La prise en charge par le S. P. F. :

Fin novembre, le Secours Populaire Français a créé une commission d’enquête, avec Me Blumel, ancien secrétaire de Léon Blum du temps du gouvernement du Front Populaire, le général Petit, Charles Désirat, secrétaire général du S.P.F., pour aller dans les corons, en particulier dans le Nord-Pas-de-Calais qui était alors selon lui en « état de siège », et rendre compte ensuite au Président de la république des souffrances endurées par les mineurs. A la

707 Archives nationales du Monde du Travail, HNBPC 2004 001 367, lettre FO du 7/9/49. 708Archives départementales du Pas de Calais, 1W815.

suite de cela, le S.P.F. décide de « lancer une campagne d’amnistie, parce que nous voulions l’arrêt des poursuites709 »

Du côté de la S.F.I.O., dès le mois de novembre, il y a une forte opposition à une éventuelle amnistie, en particulier d’élus de régions minières, comme Camille Delabre, représentant du Pas-de-Calais qui déclare le 13 novembre : « La Fédération du Pas-de-Calais félicite les ministres pour leur action qui a libéré les Corons de la dictature stalinienne. Nous ajouterons que la population demande que des sanctions sévères soient prises et qu’il ne saurait s’agir de prévoir, dans quelques semaines, des mesures d’amnistie. Telles sont les paroles de nos camarades 710». Le 30 décembre 1948

une proposition de résolution (n° 5974) est déposée par M. Patinaud, Mme Schell, MM. Camphin, Fievez, Gabriel Roucaute et les membres du groupe communiste711 :

« Motifs : en violation du droit de grève reconnu par la Constitution, le Gouvernement prive d’emploi des milliers de mineurs coupables d’avoir demandé des salaire décents et des conditions humaines de travail.

Résolution : L’Assemblée Nationale invite le gouvernement à réintégrer, immédiatement, avec tous leurs droits, les mineurs licenciés à la suite des grèves. »

Dans sa lettre du 29 janvier à Vincent Auriol712, Robert Lacoste s’oppose dès ce moment-là à

une loi d’amnistie générale, et n’envisage que des « mesures individuelles de grâce amnistiante ». Il justifie cela par l’amélioration de la situation des Houillères, selon lui « due en partie à une certaine restauration de l’autorité entraînée par l’échec de la grève de novembre-décembre713. Il ne faudrait pas compromettre par des mesures d’apaisement par trop généreuses ces heureux résultats ».

La campagne d’amnistie est portée nationalement par le Secours Populaire Français et la presse communiste. La Défense, hebdomadaire du S.P.F., titre pendant la grève sur la libération des mineurs emprisonnés : « Plus de mille arrestations en une semaine – Libérez les mineurs ! » (n° 197 du 12 au 18 novembre, p. 1), « Près de 2 000 mineurs à libérer ! » (n° 198 du 19 au 25 novembre, p. 1), « Le front de la liberté passe par les prisons » (n° 199 du 26 novembre au 2 décembre, p. 1) puis sur la demande d’amnistie : « AMNISTIE des mineurs – Plus de deux siècles de prison à effacer » (n° 215 du 18 au 24 mars 1949, p. 1). La campagne pour l’amnistie est lancée dès le mois de janvier, Le Patriote714 cite des intellectuels qui prennent position en sa faveur

(Claude Roy, Francis Jourdain, Henri Wallon, le professeur Marcel Prenant,…). L’Humanité

709 Intervention de Charles Désirat au colloque des 22-23 novembre 1978, numéro spécial Le droit minier de nov-

déc. 1948 La grande grève des mineurs de 1948, (p. 22).

710 Archives socialistes de la Fondation Jean Jaurès : conseil national SFIO des 13-14 novembre 1948,

intervention de Camille Delabre, http://62.210.214.184/cg-ps/documents/pdf/cons-1948-11-13.pdf (p 29).

711 Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, Fédération C.G.T. des Mines-Energies, Cote 455J-287,

Propositions de lois 1948-61.

712 VincentAURIOL,Journal du septennat 1947-1954 : Tome III – 1949, Paris, Armand Colin, 1977, (p. 472-

475).

713 En fait octobre-novembre. 714Le Patriote du 17 janvier 1949.

titre le 27 janvier « Pour l’amnistie aux mineurs « (p.3), évoque le 9 février « Des comités d’amnistie sont créés dans le Gard » (p. 4), le 5 mars est fait un appel à la généralisation : « QUE PARTOUT se forment des comités d’amnistie aux mineurs » comportant un « APPEL POUR L’AMNISTIE », signé par Victorin Duguet, Jean Chaintron, Georges Plantagenet secrétaire du S.P.F., les écrivains Vercors et Francis Jourdain, Louis Daquin, …. Les articles se multiplient ensuite : le 9 mars « Le Comité National d’amnistie aux mineurs a été constitué hier » (p. 2), le 15 mars « L’amnistie aux mineurs c’est la justice » (p. 3), le 17 mars « Journée nationale pour l’amnistie aux mineurs » (p. 2), …. Cependant la question de l’amnistie disparait assez vite (début avril) de l’Humanité, qui juste avant, pendant et après le congrès du 21-22 mai, ne l’évoque même pas dans ses colonnes, chose étonnante, , préférant mettre en avant fortement le thème de la paix.

Le congrès de l’amnistie à Billy-Montigny est porté par le S.P.F., avec une thématique mettant dans ses affiches fortement en parallèle l’amnistie décidée pour les anciens collaborateurs715 et le refus de l’amnistie pour les mineurs condamnés716 :

Des comités locaux pour l’Amnistie aux Mineurs sont créés, mais selon les renseignements généraux, sans doute en raison d’une certaine lassitude, la mobilisation est très faible : une réunion organisée à Waziers le 15 juin ne mobilise que 6 personnes, et le 5 juillet toujours à Waziers seulement 8 personnes717. Des tracts-pétitions sont alors remis aux quelques présents

pour être distribués dans la population (annexe 48). Par ailleurs, localement la campagne pour l’amnistie développée par le S.P.F. et le P.C.F. se heurte à des oppositions plus ou moins ouvertes. Le 4 juillet une action « de masse » a été décidée, consistant en une grève de 5 mn pour l’amnistie. Cette action est complétée par une pétition du syndicat des mineurs C.G.T. du

715 HenryROUSSO, Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours ; Paris, Seuil, 1990, (p. 70 et 351)

716 Archives nationales du Monde du Travail, HNBPC 1998 0200018, archives du S.P.F., congrès de l’amnistie. 717 Archives départementales du Nord, Sous-préfecture de Douai, rapport des RG sur les mouvements de

Nord-Pas-de-Calais, de 127 feuillets représentant plusieurs milliers de signatures, et par un communiqué du 6 juillet stigmatisant en parallèle l’indulgence envers les collaborateurs718 :

« au même moment, la Corporation minière et le peuple de France, constatent avec indignation les collaborateurs, bénéficiant d’une mansuétude inespérée, compte-tenu des crimes qu’ils ont commis envers la Patrie ». Dans l’Aveyron, le 18 janvier une grève de 1 heure a été observée pour demander l’amnistie des mineurs condamnés, selon un télégramme du commissaire des Renseignements généraux de l’Aveyron au Directeur des renseignements généraux « le pourcentage des mineurs ayant participé à la grève est d’environ 50%719 », sans suite importante ni résultat probant. L’amnistie

générale demandée se heurte en effet à de fortes oppositions.

2) Débats partisans et échec global :

Dans le Pas-de-Calais, Philippe Roger relate720, sur la base des procès-verbaux des

délibérations du conseil général du département, qu’un « vœu communiste demandant une amnistie générale pour les grévistes emprisonnés et la réintégration de tous les mineurs licenciés est très vite déposé mais l’assemblée départementale le rejette en janvier 1949 au nom de l’indépendance de la justice ». Le 13 mai 1949, un deuxième vœu semblable est débattu, en même temps qu’une proposition socialiste proposant « l’amnistie et le réembauchage de certains ouvriers mineurs condamnés ou licenciés uniquement pour faits de grève en octobre et novembre 1948 » en accordant « l’amnistie la plus large à tous ceux qui ont cru défendre réellement des revendications professionnelles » et souhaitant la clémence « en faveur des ouvriers, dont la bonne foi fut trompée par certains agitateurs politiques ». Finalement, après remplacement du terme « amnistie » par l’expression « grâce amnistiante », ce vœu est adopté à l’unanimité (en l’absence du conseiller général communiste).

Dans le Tarn, le 12 mai, le conseil municipal d’Albi721 (8 communistes, 7 S.F.I.O., 3

radicaux-socialistes, 7 M.R.P et 6 R.P.F.) a été saisi de la demande du Comité National d’Amnistie aux mineurs : « que cessent immédiatement les poursuites contre les mineurs intentées pour faits de grève, que soient libérés immédiatement les mineurs encore incarcérés, que soit prononcée l’amnistie pleine et entière de tous les mineurs emprisonnés et condamnés et de tous les travailleurs frappés pour faits et demande un large usage du droite de grâce pour les faits connexes à la grève ou conséquents à la grève ». Maurice Deixonne, député S.F.I.O du Tarn, fait remarquer que « le droit de grève étant inscrit dans la Constitution, il était impossible que des mineurs aient été effectivement condamnés pour faits de grève » et propose à son tour un texte demandant en particulier « que le Gouvernement dépose d’urgence un

718Archives départementales du Pas-de-Calais, Boîte 1W5167-4, Amnistie des grèves 1947-1948. 719Archives départementales de l’Aveyron, boîte 14 W29, grèves 1949-1951.

720 ROGER Philippe, Les grèves de 1947 et 1948 dans le Pas-de-Calais – Déroulement, Violence et maintien de

l’ordre, Revue du Nord n° 389, 2011/1 - Université Lille-3, (p.151 et s.).

projet d’amnistie comprenant notamment le fait connexe ou consécutif à la grève afin de rétablir dans leurs droits civiques, politiques et professionnels, tous les travailleurs qui ne se sont pas rendus coupables d’atteintes contre les personnes ou contre les biens, publics ou privés ». Enfin, M. Mathieu, adjoint au maire M.R.P. propose « que le maximum de bienveillance soit assuré pour tous les recours en grâce concernant des condamnations pour des faits commis à l’occasion de la grève ». Finalement, les 3 vœux sont adoptés successivement par 22, 21 et 24 voix.

Face à la même demande d’amnistie présentée par le Comité National d’Amnistie aux mineurs, le maire S.F.I.O. de Carmaux fait adopter le vœu : « Le conseil municipal de Carmaux, réuni le 24 avril, demande l’amnistie pour les mineurs pour fait de grève » (demande votée à l’unanimité des conseillers P.C.F., S.F.I.O. et M.R.P.). Mais le 31 mai le préfet du Tarn dans une correspondance aux ministres de l’Intérieur et de l’Industrie (annexe 49) indique que dans une conversation avec le maire de Carmaux, celui-ci lui a précisé que « dans son esprit et celui de ses amis, cette délibération ne pourrait avoir aucune conséquence pratique puisque, dans le département, aucun mineur n’avait été condamné pour faits de grève [souligné par l’auteur], mais uniquement pour agissements connexes, tels que refus d’obtempérer à des réquisitions, violences, entrave à la liberté du travail, etc722» .

Cette amnistie pour faits de grève était ainsi vidée de son contenu. Le 11 juin le comité départemental de la F.N.D.I.R.P., dont le président est Mgr Moussaron évêque d’Albi, demande l’amnistie complète des mineurs condamnés pour faits de grève en invoquant le fait que « beaucoup de ceux-ci sont d’anciens Déportés et Internés » (annexe 50). Le 29 juin le préfet répond « Monseigneur […] Aucun des mineurs condamnés dans le Tarn […] ne peut se prévaloir à un titre quelconque de la qualité d’ancien déporté ou interné de la Résistance », avec copie au cabinet du ministère de l’Intérieur le 1er juillet723. Localement, le gouvernement, par l’intermédiaire de

ses représentants les préfets, refuse donc l’application d’une mesure d’amnistie, en mettant en avant l’atteinte à la liberté du travail reprochée aux condamnés.

La bataille idéologique se poursuit sur le plan national. Le 30 juin 1949, un rapport de la commission de la justice et de la législation de l’Assemblée Nationale est établi, sur la proposition d’amnistie pleine et entière faite par René Camphin et plusieurs députés communistes. Ce rapport propose l’amnistie automatique de « toutes les infractions qui ne présentent pas […] un caractère de gravité particulière […] et aux personnes dont les violences n’ont pas causé d’incapacité de plus de 20 jours » et une grâce amnistiante pour les actes plus graves si « les délits ont été commis non seulement à l’occasion mais aussi en raison de la grève », l’annulation des dommages et intérêts en faveur des sociétés nationales ou d’économie mixte, et la permission de « rentrer en France des étrangers expulsés uniquement en raison des faits de grève et dont certains ont en France une

722Archives départementales du Tarn, boîte 511 W45, chemise « Sanctions prises ». 723Archives départementales du Tarn, boîte 511 W45, chemise « Sanctions prises ».

femme et de nombreux enfants ». Finalement, à l’occasion du 14 juillet un décret du président de la République du 12 juillet attribue simplement des réductions de peine, qui ont selon la directive724 envoyée par le nouveau Ministre de la Justice Robert Lecourt (qui a remplacé

André Marie) le caractère de « grâces collectives ». Il n’y a donc pas d’amnistie générale. En août 1949 il y a encore 11 mineurs emprisonnés, et il faut attendre le 1er janvier 1950 pour qu’il n’y ait plus de mineur en prison725.

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