• Aucun résultat trouvé

Perte des avantages du statut de mineur (logement, charbon, protection médicale) et résistances solidaires:

grévistes et organisations syndicales

1) Perte des avantages du statut de mineur (logement, charbon, protection médicale) et résistances solidaires:

Le statut de mineur procure divers avantages, concernant en particulier le logement, la prime de charbon et la protection sociale, qui sont supprimés en cas de licenciement, ce qui constitue ainsi une double, triple, quadruple peine…

L’expulsion du logement :

Les mineurs licenciés font souvent l’objet d’expulsion de leur logement par les Houillères qui en sont propriétaires, Il est difficile de quantifier ces expulsions, qui semblent toutefois assez systématiques de la part des Houillères640. Celles-ci évoquent une perte de

droit au logement suite au fait de ne plus faire partie du personnel : « L’article 3 du règlement d’occupation que vous avez signé stipule notamment : l’occupant devra vider les lieux dans un délai d’un mois à dater du jour de sa radiation de l’effectif » (annexe 45). Ces expulsions entraînent la solidarité syndicale, comme dans le Tarn, pour le mineur Roger V. natif du Tarn et Garonne : « venant de Mazingache, fosse 5 groupe de Béthune, licencié pour fait de grève et expulsé de son logement avec sa femme et ses 3 enfants (cette expulsion a été opérée par les services des gardes des Houillères). Actuellement à Albi Hôtel du Square. Versé ce jour un secours de 5 000 F. à titre d’avance. Carmaux le 7 janvier 1949641 ».

Par ailleurs elles ne sont pas toujours finalisées, en raison de la solidarité des autres mineurs et de la population s’y opposant dans les corons, comme le rapporte Georgette Elgey, qui écrit « quinze gendarmes retirent le mobilier de l’expulsé, cinq cent mineurs le remettent » et cite un responsable des houillères commentant un de ces échecs d’expulsion642 :

« Nous avons choisi de laisser à ces grévistes condamnés au chômage les maisons des houillères. Vivant au milieu de leurs camarades qui voyaient leurs difficultés, ils sont devenus pour tout le bassin minier les témoins vivants et permanents des conséquences d’une grève, de la misère qu’elle entraîne. Ce fut un enseignement très salutaire qui porte encore aujourd’hui ses fruits ».

Au-delà de l’acharnement que dénotent ces propos, cette volonté de punir le plus possible les mineurs grévistes et d’en faire un exemple, il y a aussi, non avouée, la difficulté d’imposer la mesure d’expulsion qui avait été décidée. En effet, ces expulsions font l’objet d’une mobilisation de la presse communiste, comme par exemple le quotidien régional du P.C.F.

Liberté du 17 mai 1949 qui titre : « NON ! Les enfants de mineurs révoqués ne seront pas jetés à la rue ». La répression, qui s’est voulue sans concession, se heurte ici à la solidarité de la

population. : par exemple dans le même journal « Liberté », du dimanche 15 mai 1949, qui indique en première page : « A Avion, 50 gosses de mineurs devaient être jetés à la rue – la population s’y

640 Archives C.G.T. de Carmaux, HBA36. 641 Archives C.G.T. de Carmaux, HBA19

642 Georgette ELGEY, Histoire de la IVe République - Première partie : La République des illusions 1945-1951 ;

Paris, Fayard, 1965, (p. 499-500), repris par Annette WIEVIORKA, Maurice et Jeannette – Biographie du couple Thorez ; Paris, Fayard, 2010, (p. 416).

oppose 643». Même chose dans « La tribune des mineurs », hebdomadaire n° 233 du samedi 21 mai 1949, qui écrit à propos d’un mineur licencié, père de 3 enfants, devant être expulsé : « les gens du coron nous ont dit : jamais nous ne permettrons qu’on le jette à la rue ».

La perte de la prime de charbon :

Les mineurs de charbon bénéficient d’un avantage en nature lié à ce qu’ils produisent : il leur est alloué une attribution de combustible, très réglementée, dont la quotité de base est de 5 tonnes par an pour un chef de famille, et de 3 tonnes par an pour un célibataire644. Cela

leur permet de se chauffer correctement et gratuitement toute l’année.

Mais le licenciement des Charbonnages signifie évidemment la perte de cet avantage conséquent, sanction qui vient s’ajouter à la perte d’emploi, ainsi qu’à celle du logement gratuit. Pour les grévistes qui ne sont pas licenciés et retrouvent leur emploi aux Houillères, la sanction est également appliquée, au prorata de la durée de leur participation à la grève : c’est ce qu’indique une note de service des Houillères d’Aquitaine : « Allocation de charbon pendant les grèves : en application de la Circulaire A.N. N° 1110 du 17 novembre 1948 des Charbonnages de France, l’allocation de charbon sera réduite pendant la durée de la grève. En conséquence, le tonnage annuel alloué sera réduit de 1/365° par journée calendaire de grève effective. Les tonnages perçus en trop seront retenus sur la carte 1949645 ». De la même façon, le 6 décembre, dans les Houillères du Nord-Pas-de-Calais, une note pour MM. Les Directeurs de groupe, prévoit, pour l’allocation de charbon des mois de novembre et octobre :

« - au mois de novembre : agents ayant eu au cours du mois plus de quinze jours de travail effectif : allocation totale du mois - agents ayant eu au cours du mois plus de huit jours de travail effectif : 2/3 de l’allocation normale - agents ayant eu au cours du mois de 0 à 8 jours de travail effectif : Néant

- au mois d’octobre : plus de quinze jours de travail effectif : allocation complète - plus de huit jours de travail effectif : 2/3 de l’allocation normale - de 0 à 8 jours de travail effectif : 1/3 de l’allocation normale646 ».

La note prévoit en outre : « pour les agents ayant repris le travail le lendemain ou le surlendemain de la libération de l’établissement percevront un supplément de 1/3 de l’allocation normale, sans toutefois que ce complément puisse avoir pour effet de porter au-delà des droits normaux le tonnage servi au titre des deux mois d’octobre et de novembre ».

643 Archives du Secours Populaire Français, ANMT 1998 020 0018

644 Archives des Houillères d’Aquitaine à Carmaux, HBA Direction – notes de service 1947-1948, « Attribution

de combustible (Application de la décision du Ministère de la Production Industrielle du 16 juin 1947 – J.O. du 17 juin 1947).

645 Archives des Houillères d’Aquitaine à Carmaux, HBA Direction – notes de service 1947-1948, note de

service n° 871 du 30 novembre 1948.

La perte de la protection médicale :

Bien après la loi du 29 juin 1894 qui crée les Sociétés de Secours Minières, Ambroise Croizat, ministre communiste de la Santé, développe cette protection sociale en instituant en 1946 une organisation de la Sécurité Sociale dans les mines647. Celle-ci comprend trois

branches (maladie, maternité et congé de paternité et décès ; accidents du travail et maladies professionnelles ; vieillesse et invalidité) qui garantissent les travailleurs de la mine et leurs familles. Cette protection est bien sûr justifiée par la difficulté et la dangerosité très forte du métier de mineur et les risques professionnels importants, conjugués à la nécessité de conserver une force de travail dans le meilleur état possible. C’est un avantage conséquent pour le mineur et sa famille, qui disposent par exemple d’une médecine gratuite et souvent de bonne qualité. Les mineurs y sont très attachés, ainsi qu’à leurs médecins « de la mine », qui les soignent mais aussi les soutiennent dans leurs conflits. C’est ainsi que le docteur Versquel intervenant, sans doute pour soigner des mineurs blessés, dans une manifestation qui tourne à l’affrontement avec les forces de l’ordre, se retrouve emprisonné à la prison de Béthune648.

2) Sanctions vis-à-vis de la maîtrise et sanctions diverses, auxquelles

Outline

Documents relatifs