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2 – Des soldats de l’Union française

En ce qui concerne les soldats des autres unités présentes à Diên Biên Phu, les informations sont laconiques. Les origines sociales comme géographiques des soldats issus des unités dites de l’Union française, semblent plus évidentes malgré le manque de sources précises. Les soldats intégrés dans les unités marocaines, algériennes, africaines ou indochinoises comportent dans leur propre dénomination leur origine géographique générale. Les origines sociales sont plus difficiles à appréhender mais peuvent apparaître : les hommes de troupe sont issus des milieux modestes voire pauvres des colonies, sans doute aussi plus souvent de régions rurales agricoles ; les cadres sont d’origine française et entrent donc dans les statistiques vues précédemment.

Nous savons simplement par exemple, qu’au 2e bataillon du 4e Régiment

d’Artillerie Coloniale, unité d’artilleurs dans laquelle ont été progressivement employés, en nombre plus importants des soldats africains, la majorité était de jeunes engagés volontaires pour premier séjour, des classes 1951 et 1952, excepté pour les quelques gradés qui peuvent avoir réalisé des séjours antérieurs. Nous ne connaissons pas non plus avec précision, les

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origines précises de recrutement : il n’est indiqué qu’AOF et AEF, ce qui représente tout de même un grand territoire90.

Si nous nous référons à des études plus générales91, nous pouvons penser que les raisons

ayant mené à l’engagement ainsi que le recrutement, étaient les mêmes pour tous les soldats d’une même origine. Nous ne voyons pas en effet, de quelconque raison mettant les artilleurs africains de Diên Biên Phu dans un cadre différent de celui des autres soldats originaires des colonies d’Afrique. Il faut donc y voir un recrutement de villageois attirés par la solde, la gloire militaire, dans la tradition des recrutements des deux conflits mondiaux. Certains ont pu participer aux combats de la Seconde Guerre mondiale, d’autres engagés après, ont fait comme leur père ou grand-père, et se sont engagés dans l’Armée française très présente dans les territoires coloniaux. La grande majorité de ces combattants africains est issue de l’important recrutement ayant eu lieu pour la Seconde Guerre mondiale. Les bureaux de recrutements continuent ainsi d’attirer les démobilisés du conflit précédent, d’autant plus qu’au fur et à mesure de l’avancement du conflit indochinois, les autorités françaises puisent de plus en plus dans ce réservoir de combattants.

Le raisonnement et les informations sont les mêmes pour les soldats des Régiments de Tirailleurs Marocains et Algériens présents à Diên Biên Phu. Les tirailleurs nord-africains relevaient également d’un recrutement régional, cependant plus restreint. Chez les Marocains du 1/4e RTM, les tirailleurs sont regroupés dans les unités en fonction de leur circonscription

territoriale : le régiment est basé à Taza, les tirailleurs sont recrutés dans tous les villages à plus de 50km à la ronde autour de cette base régimentaire. Le recrutement est donc essentiellement rural. Les raisons de l’engagement sont sans doute enjolivées dans les écrits d’un ancien de régiment marocain, par rapport à la réalité : il est peu probable que les engagements aient tous été réalisés volontairement pour faire honneur au village et aux pères et grands-pères ayant également honoré l’Armée française et leur village avant eux. Il en est

90 SHD, 10H 420 Rapports sur le moral des militaires musulmans d’Afrique noire ; Compte-rendu du capitaine

Drabo, chargé des AMA des FTNV sur la visite des prisonniers africains libérés du 20 au 25 août 54 ; parmi lesquels se trouvent des libérés du 2/4e RAC de Diên Biên Phu. Ce compte-rendu indique que 2/3 des libérés

sont AOF et le tiers restant AEF.

91 M. Bodin, Les Africains dans la guerre d’Indochine 1947-1954, Paris : éditions l’Harmattan, collection

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de même pour les Marocains de la 11e Batterie du 4/4e RAC qui sont originaires d’une même

région, et ont déjà effectués un ou deux séjours antérieurs92.

Le cas des soldats d’origine vietnamienne, lao ou thaïe est sans doute le mieux connu. Etant donné que toutes les unités du CEFEO avaient intégré des soldats réguliers autochtones, en proportion variable, comme nous l’avons évoqué précédemment, il est normal de retrouver une grande partie de combattants issus des populations autochtones. À Diên Biên Phu, pour les compagnies de supplétifs et les partisans, il s’agit de populations locales villageoises, très rurales et éloignées de tout pôle urbain, que nous avons évoquées dans le cadre de leurs unités93.

La garnison de Diên Biên Phu est devenue une société complète formée comme une sorte de patchwork de combattants aux origines sociales et géographiques très diverses. Il semble difficile de pouvoir y trouver un profil type.

Cette microsociété militaire multiethnique n’est a priori pas différente en soi du reste du CEFEO de 1954. Il n’y a donc dans sa composition initiale et dans les origines de ses soldats, pas de soldat type Diên Biên Phu mais bien des soldats type CEFEO 1954 à Diên Biên Phu.

Le profil général de ces combattants peut toutefois être encore affiné. Les parcours de ces combattants depuis l’avant-Diên Biên Phu (déjà approché en parlant des origines des combattants), jusqu’aux après possibles pour les rescapés, peuvent apporter des précisions quant à la définition du profil du combattant de Diên Biên Phu.

92 SHD, 10H 388, Artillerie, dossier 4/4e RAC; compte-rendu trimestriel sur l’état d’esprit de la troupe nord-

africaine, CFTNV, commandement de l’artillerie, 4/4e RAC, 8 juin 1954, 2e trimestre, chef d’escadron Marinet.

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CHAPITRE 3 : PARCOURS DE COMBATTANTS

Les parcours des soldats ou sous-officiers ne sont pas toujours simples à retracer car ils dépendent pour beaucoup des témoignages qui ont été faits. Si le témoin n’a pas répondu à une partie des questions, certains éléments peuvent manquer, et ainsi ne pas faire partie des statistiques que nous avons établies, et qui de fait seront incomplètes. Des témoignages plus complets existent, sorte de « Mémoires » retraçant des parcours individuels. Ils sont bien sûr utilisés et complètent utilement les témoignages directs. Les parcours d’officiers sont plus faciles à retracer d’après les dossiers administratifs, et parfois aussi, des témoignages publiés.

Cependant, il n’est possible encore une fois, que de faire des remarques très générales, sur leurs Avant-Diên Biên Phu et, lorsqu’ils sont rescapés, leurs Après. Par ailleurs, il faut noter que ces remarques ne concernent principalement que des anciens combattants européens. Les autres catégories de combattants ne sont pas oubliées, mais en fonction des sources dont nous disposons, les éléments sont beaucoup plus rares.

C’est pourquoi, seuls deux thèmes particuliers sont abordés, et que, finalement, nous essayons de nous pencher sur les parcours d’unités qui nous semblent les seuls à même de nous donner des informations, sur les parcours des soldats de l’Union française, sachant qu’elles sont à la fois plus vagues et plus globales.

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I. L’AVANT

Quelles sont, dans un premier temps, les raisons qui ont poussé tous ces hommes venus d’horizons différents, à s’engager, et se retrouver dans le microcosme de l’Armée française en Indochine ?