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4 – « ceux de l’extérieur de Diên Biên Phu »

Deux éléments sont à prendre en compte dans ce nouveau groupe de ceux qui, de l’arrière, ont eu à prendre en charge et à travailler pour Diên Biên Phu : d’une part, les effectifs de l’Armée de l’Air et de l’Aéronavale dans leurs missions d’entretien et de soutien du Camp retranché, et d’autre part, ceux du Haut Commandement.

Armée de l’Air et Aéronavale

Parmi les soldats de Diên Biên Phu n’appartenant pas aux FTNV et extérieurs au Camp retranché, les plus visibles restent d’abord les aviateurs. Leur cas nous semble particulier car la bataille et son évolution ont nécessité un engagement de plus en plus important des nombreuses formations de l’Armée de l’Air et de l’Aéronavale. Ces treize formations de l’Armée de l’Air ainsi que les quatre flottilles de combat de l’Aéronavale, pourraient faire partie des effectifs de « Ceux de Diên Biên Phu », étant donné l’engagement et l’investissement qu’elles ont mis dans la bataille. Elles sont d’ailleurs toutes citées à l’Ordre de l’Armée pour cela. D’autant plus que les personnels, qui pour diverses raisons (appareils abattus, détruits au sol, …), n’ont pas pu retourner à Hanoï, se sont investis dans la bataille ; ou blessés, ils sont entrés dans les antennes médicales du Camp retranché. Il est donc très probable, qu’ils aient été comptés dans les chiffres de pertes ou de combattants valides, selon les cas, au 7 mai. Ils sont alors totalement indifférenciés de « Ceux de Diên Biên Phu » n’ayant pourtant pas été comptabilisés comme « Ceux de Diên Biên Phu des FTNV ». P. C. Renaud dans son étude sur l’aviation à Diên Biên Phu83, indique cinquante-et-un personnels

Air faits prisonniers à Diên Biên Phu le 7 mai, auquel il ajoute dix personnels navigants capturés après que leur appareil ait été abattu par la DCA vietminh. Les cinquante-et-un prisonniers ont sans conteste été considérés comme « Ceux de Diên Biên Phu » ; les dix capturés pendant la bataille n’ont sans doute pas été considérés comme véritablement « Ceux de Diên Biên Phu », tout comme ceux ayant participé à la bataille. Encore une fois, l’élément

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déterminant est la situation physique du soldat, plus que son rôle et son engagement dans un même combat commun.

Haut commandement

Qu’en est-il des autorités militaires en charge de cette bataille et du Gono, aux échelons des Etats-Majors des FTNV et du Commandant en chef ? Faut-il les intégrer dans le groupe des acteurs de Diên Biên Phu ? Par une certaine extension, oui. Ils n’ont pas combattu au premier sens du terme. Mais les fonctions qu’ils occupent sont définies comme leurs « postes de combat » : leur métier consiste à prendre des décisions qu’ils doivent faire appliquer aux divers échelons subalternes, jusqu’à ce que l’ordre, la décision prise au plus haut degré du Commandement, soit adapté sur le terrain et réalisé dans les actes de l’homme de troupe dont le métier consiste à obéir, à se battre. Ils n’ont évidemment pas été retenus comme « ceux (les combattants) de Diên Biên Phu », car ils n’étaient pas de « ceux à Diên Biên Phu ». Le critère fondamental d’appartenance réelle au groupe est bien ici encore la présence physique sur le champ de bataille, le vécu de la bataille et de l’enfer des combats.

Les officiers d’Etat-Major à Hanoï comme à Saigon, mais surtout les deux généraux officiellement en charge de ce territoire et de toute opération qui s’y déroule, peuvent être considérés comme des acteurs de Diên Biên Phu par les études qu’ils ont menées, les décisions qu’ils ont prises concernant directement la préparation et la réalisation de « Castor » d’une part, et de la bataille du Nord-Ouest d’autre part. Le général Masson,

travaillant dans l’entourage direct du général Cogny aux FTNV, a un bon mot pour résumer

cela : « on ne lâche pas ses troupes au moment critique »84. Certes, cette phrase n’a pas été

écrite pour l’affaire de Diên Biên Phu seule. Elle a été écrite pour justifier la position FTNV par rapport au Delta, pendant la bataille et voyant la chute du Camp retranché arriver. La question qui se posait alors était de savoir combien de temps encore tiendrait Diên Biên Phu et comment faire face aux conséquences de sa chute dans le reste du Tonkin. Certes, « on ne lâche pas ses troupes au moment critique » est une formule qui ne s’adresse pas directement aux combattants de Diên Biên Phu, mais ils sont intégrés dans cette réflexion qui est en tout

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état de cause, représentative du rôle que se donnent les autorités extérieures au Camp retranché : leur combat est de gérer diverses situations presque individualisées dans un ensemble beaucoup plus large et d’un point de vue englobant. Les troupes sont de toute façon tous les soldats de toutes les unités engagées sur un théâtre d’opérations relevant du Nord- Vietnam. À l’échelon même du général Commandant en chef, la réflexion est la même : chacun de par sa fonction est à un poste de combat, d’autant plus lorsqu’une bataille décisive est engagée. Dans cette structure, c’est bien l’implication de tous et de chacun à son poste qui doit mener le combat.

Ceux de « l’extérieur de Diên Biên Phu » sont donc aussi indéfectiblement liés et engagés dans les combats de Diên Biên Phu qu’ils gèrent depuis quelques centaines de kilomètres. Ils n’ont pas été intégrés aux statistiques des effectifs du fait de cette situation, mais ils peuvent être intégrés dans le reste des analyses du fait de cette implication.

Toutefois si nous ne nous attardons encore ici uniquement sur le groupe des combattants à et pour Diên Biên Phu, nous pouvons poser la question de savoir si il y eut, ou non, une espèce de soldat type. Quelles sont les caractéristiques générales de ce combattant ayant participé aux combats à Diên Biên Phu entre le 21 novembre 1953 et le 7 ou 8 mai 1954 ? Existe-t-il des critères permettant d’identifier un soldat « type Diên Biên Phu » ou n’est-ce qu’une idée finalement très éloignée des réalités du moment ?

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II. UN SOLDAT TYPE DIEN BIEN PHU ?

À partir des informations officielles purement comptables et relevant de considérations militaires classiques, il est intéressant de se pencher de plus près sur le profil des combattants présents à Diên Biên Phu. Etant donné d’une part, la diversité des unités et de leur composition ethnique, et d’autre part, le manque de sources concernant certaines unités composées des combattants de l’Union française, l’idée d’un profil type du combattant à Diên Biên Phu s’éloigne. Seules quelques caractéristiques générales sur les combattants, gradés, d’origine française ou européenne, restent possibles.