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3 La rotation des unités

Comment la répartition des unités dans ce dispositif a-t-elle été gérée et réalisée ? En fonction des besoins exprimés par le Commandement, des moyens conséquemment mis en œuvre dans le Camp retranché, ainsi que des périodes et des missions qui lui ont été assignées, le dispositif des unités a évolué.

Parmi toutes les unités qui sont passées par Diên Biên Phu sur l’ensemble de la période, seuls les 1er BEP et 8e choc restent sur place pendant ces cinq mois et demi complets.

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Certains bataillons sont venus, partis puis revenus. D’autres sont venus s’installer pour former la garnison du Gono. Les derniers, enfin, sont venus en renforts aux moments difficiles de la bataille. Mais d’autres encore n’ont fait que passer par Diên Biên Phu pendant les mois d’attente, comme par exemple le 2e Tabor marocain de début décembre à début janvier34 : ils

n’ont en fait pas vécu la bataille.

Ainsi après l’opération « Castor » et jusqu’au moment de la création du Gono, sont présents à Diên Biên Phu, six bataillons parachutistes issus de l’opération « Castor » avec un bataillon d’infanterie, ainsi que quatre batteries d’artillerie, une compagnie de mortiers et des éléments du Génie. Dans la première quinzaine de décembre 1953, quatre unités de parachutistes retournent à Hanoï, alors qu’à partir du 1er décembre se posent les premières unités de

fantassins de l’Armée de Terre35. Un chassé-croisé d’unités qui se relèvent et laissent une impression d’intense activité. Beaucoup de mouvements ont lieu en peu de temps mais ils correspondent au déroulement habituel des opérations : les parachutistes investissent un lieu et des unités fixes, de poste, les relèvent pour occuper et tenir ce lieu. À Diên Biên Phu, les parachutistes devaient s’emparer du village, du site, ainsi que de la piste d’aviation, puis remettre le terrain en ordre ; une fois leur mission accomplie, ils repartent et sont envoyés vers d’autres objectifs. Une directive du 30 novembre 195336 explique ainsi au commandant

du Groupement opérationnel de Diên Biên Phu, que l’échange entre les bataillons paras qui repartent, doit se faire avec des bataillons « standard ». Les unités relevées ne doivent quitter Diên Biên Phu que vingt-quatre à quarante-huit heures après l’arrivée des unités de relève. Pourquoi alors les parachutistes du 8e choc et du 2e Bataillon Etranger de Parachutistes sont-

ils restés ? Il semble que cela puisse être attribué à un choix du Haut commandement de laisser deux unités parachutistes en unités d’intervention. Leurs uniques points communs sont que ces deux unités sont celles qui ont sauté sur Diên Biên Phu pour « Castor » le deuxième jour de l’opération, soit le 21 novembre 1953, et que, de ce fait, elles appartiennent au Groupement aéroporté n°2 du colonel Langlais.

34 SHD, série 10H, Etat-major interarmées et des forces terrestres (EMIFT), C : moral, carton 10H 365, dossier

Tabors Marocains, sous dossier 2e tabor, zone d’Haiphong, compte rendu trimestriel sur l’état d’esprit de la

troupe nord-africaine, n° 429, 1er trimestre 1954, 19 mars 1954, signé Cdt Borie, commandant le 2e tabor

marocain.

35 Cf. Annexes, Effectifs, p. 427-435.

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Au cours de cette période du mois de décembre 1953, a également lieu le repli de la garnison de Lai Chau sur Diên Biên Phu. Cette opération, baptisée « Pollux », vient compléter les unités déjà en place. Le repli de ces unités présentes dans la capitale politique du pays Thaï, a commencé le 5 décembre, par transport aérien pour le détachement africain, le 2e tabor

marocain, la 1ère Cie du BT2, le 301e BVN, l’Etat-Major de la Zono, et une Cie de Thaïs

Blancs. Les Compagnies de Supplétifs Militaires ont dû également se replier sur Diên Biên Phu, par voie terrestre. Tous n’y arrivent pas. Cette partie de l’opération « Pollux » a été l’un des moments difficiles de la garnison avant la bataille, avec d’importants combats contre des éléments du Viet Minh autour de Diên Biên Phu. Ainsi lors de cette opération, environ 1 900 partisans Thaïs « disparaissent »37 , et n’atteignent jamais Diên Biên Phu.

La composition du Camp retranché est encore très mouvante en janvier 1954 pendant que le Camp prend petit à petit sa configuration définitive. Les dernières unités de parachutistes désignées pour partir, continuent leur rotation. D’autres unités quittent Diên Biên Phu, complètement ou en partie, et d’autres encore, arrivent. La petite société s’étoffe et se structure, avec notamment des effectifs liés aux Services.

Nous pouvons ajouter à cela, les mouvements strictement internes à la garnison, c’est-à- dire les relèves traditionnelles de postes : une unité est désignée pour aller en relever une autre sur tel Point d’appui ou Centre de résistance. Le BT3 par exemple, première unité non aéroportée arrivée à Diên Biên Phu les 1er et 2 décembre 1953, est d’abord stationné dans le

secteur central en bordure de la rive gauche de la Nam Youm, entre la rivière et la RP 41. Puis les 5 et 6 décembre, il quitte cet emplacement pour aller occuper le Centre de résistance « Eliane » à la place du 5e BPVN sur le départ pour Hanoï. Début janvier 1954, le 1/4e RTM

remplace le BT3 sur « Eliane », envoyé relever le 1er Bataillon Etranger de Parachutistes

désigné comme unité de réserve près du PC Gono, sur « Anne-Marie » où il reste jusqu’à l’attaque du 17 mars. Les soldats vivants du BT3 et restés au combat, sont récupérés à partir de cette date, dans le Secteur Sud sur « Isabelle ». Ces mouvements internes au Camp retranché sont issus d’un schéma classique pour les unités combattantes.

37 Les sources ne sont pas plus claires que cela à ce sujet : il est probable que le mot de « disparition » englobe

des tués au cours des combats mais aussi des départs de partisans comme « évanouis » dans la nature qui est la leur, pour rentrer dans leurs villages. Le gal Cogny dans son compte-rendu du 13 mai 1954 évoque le chiffre de 1 800 partisans qui disparaissent.

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La société de Diên Biên Phu est pour le moment, composée de nombreuses unités variées, « disparates » selon les mots du général de Castries38, mais nécessaires au bon

fonctionnement de ce poste de garnison voulu comme base défensive et base aérienne. Ces unités ont toutes un rôle et des missions bien précises dans le Camp retranché, ainsi que leur propre culture et leurs propres symboles qui ont largement conditionné les comportements et ressentis des individus qui les composent.

II. SOCIOLOGIE DES UNITES

Le fonctionnement de la société de Diên Biên Phu dépend largement de sa structure et des unités qui la composent. Si nous considérons le bataillon comme le groupe intermédiaire structurant la société de Diên Biên Phu, il est nécessaire de revenir plus précisément sur la composition de la garnison et sur son organisation du point de vue de ces groupes, afin de pouvoir répondre à la question du rôle du bataillon, dans la cohésion du groupe global de « Ceux de Diên Biên Phu ».

38 SHD, 2009 PA 7-9, sous-dossier 2, Rapport du gal de Castries ; rapport du gal Langlais ; Rapport du gal de

Castries, commandant le Groupement opérationnel Nord-Ouest, sur les opérations menées par ce groupement à DBP, du 7 décembre 1953 au 7 mai 1954, Saigon, 15 octobre 1954, exemplaire n°3/8.

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