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Chapitre 4 : Socialisation politique et poursuite d’études supérieures

4.2.3 Socialisations et situations socioéconomique

Si nous avons déjà lors de la première partie apporté un certain nombre d’informations sur le milieu socioéconomique dont sont issus les étudiant(e)s, il est important de considérer la situation actuelle de ces derniers, soit au moment même où ils poursuivent leurs études. En effet, la majorité d’entre eux nous ont dit (66.3%) ne plus vivre plus chez leurs parents et ont donc des dépenses plus conséquentes à réaliser, notamment pour poursuivre leurs cursus. Nous avons déjà précédemment fait mention des liens possibles entre caractéristiques socioéconomiques et intérêt et opinions politiques. Nous souhaitons ici voir si la condition économique de l’étudiant peut avoir à un impact sur ses représentations en matière d’enseignement supérieur, notamment sur la question du coût des études. Tout d’abord, nous avons cherché à dresser un portrait de la condition économique des étudiant(e)s interrogés dans le cadre de l’enquête par questionnaire.

Nous nous sommes attardée en premier lieu sur le budget mensuel des enquêtés. La moyenne s’élève à 825 dollars par mois en excluant les non-répondants. Notons qu’en retirant les étudiant(e)s vivant chez leurs parents (ayant a fortiori un budget moindre), on atteint un budget mensuel de 958 dollars en moyenne par étudiant(e). Aussi, la majorité des étudiant(e)s interrogés travaillent en même temps que leurs études, 71% d’entre eux nous ont dit avoir un emploi. Sur cet ensemble, on note qu’ils effectuent en moyenne 16.9 heures de travail hebdomadaires pour un salaire horaire moyen de 16.4 dollars. Ajoutons que 50.6% des répondants se sont dits bénéficiaires des prêts et bourses. Les prêts et bourses étant octroyés selon les revenus familiaux, nous avons présumé d’une aide financière relativement conséquente de la part des parents, puisque la moitié des étudiant(e)s ne mentionnent pas d’aides financières gouvernementales pour la réalisation

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de leur cursus académique. Ainsi 59% des étudiant(e)s déclarent recevoir une aide financière de la part de leurs parents. Cette dernière se concentre majoritairement sur ce que nous avons appelé les « factures courantes », telles les factures d’électricité, de téléphone cellulaire, etc., avec 44.6 % des répondants affirmant recevoir une aide parentale sur ce type de frais.En second lieu, on constate que les parents aident à payer le loyer de leurs enfants (30.1% d’entre eux déclarent recevoir une aide parentale), puis l’épicerie (24% des étudiant(e)s ont dit recevoir une aide en la matière). L’aide financière parentale est par contre très faible concernant les frais relatifs à la scolarité universitaire. Seuls 9.6% des enquêtés déclarent recevoir une aide financière pour payer leur frais de scolarité et 15.7% d’entre eux reçoivent une aide parentale sur l’achat du matériel didactique (livres, etc.).

Nous voulions constater d’une éventuelle corrélation entre les moyens financiers des étudiant(e)s et leurs positions quant à la question de l’augmentation des frais de scolarité et la gratuité scolaire. Nous avons alors réalisé un tri croisé entre la variable « Avis sur la gratuité scolaire » et celle nous renseignant sur le fait de bénéficier ou non des prêts et bourses. On constate alors que parmi les étudiant(e)s bénéficiant des prêts et bourses (étant a priori celles et ceux issu(e)s de milieux familiaux aux moyens financiers plus modestes), 52.4% d’entre eux se disent en faveur de la gratuité scolaire contre 41.9% de ceux n’en bénéficiant pas.

Aussi, nous jugions que les entretiens étaient plus à même de nous fournir des informations précises quant à ce lien entre situation socioéconomique et représentations de l’enseignement supérieur. Les questionnaires nous ont en effet principalement permis de dresser un portrait de la condition économique des étudiant(e)s interrogés, mais ce sont les entretiens qui nous ont fourni des informations plus poussées afin de réaliser une analyse plus concrète quant à l’influence de cette condition sur leur rapport aux études et les représentations qu’ils ont quant à la question de l’accès à l’enseignement supérieur. Ainsi, par rapport aux résultats précédemment exposés (extraits de l’enquête par questionnaire), l’analyse des entretiens donne par exemple à voir des prises de positions différentes sur la question de l’accès aux études chez des étudiant(e)s aux profils socioéconomiques pourtant a priori similaires (notamment ceux prestataires de prêts et

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bourses « restreints » et ne recevant qu’une aide parentale extrêmement limitée). Si certains, par leur manque de moyens et les difficultés financières qu’ils rencontrent, estiment que le système des prêts et bourses devraient être plus généreux ou l’accès à l’université rendu moins cher, d’autres en tirent au contraire une certain « mérite ». Ils ont des difficultés pour réussir à poursuivre leurs études, mais ils y parviennent car « se donnent la peine » d’y arriver et pointent du doigt ceux qui ne font pas les mêmes efforts qu’eux pour y parvenir. C’est le cas d’Émilie, ancienne étudiante au BIAPRI, maintenant en maîtrise à l’École nationale d’administration publique (ENAP) :

Au début j’étais contre la hausse des frais de scolarité, sauf qu’en en discutant et tout…Bah moi j’étais contre parce que je payais moi-même mes études, je trouvais ça dur. Mais après réflexion, oui je payais mes études, pis j’avais le financement, j’avais des prêts, j’avais pas accès aux bourses parce qu’on gagnait trop moi et ma mère, mais avec le recul, probablement que j’aurais pu me priver beaucoup plus dans ma vie personnelle, quitte à avoir moins de fun. Je sais qu’il y a plusieurs achats que j’aurais pu mettre de côté pour payer beaucoup plus de frais de scolarité.

C’est quoi alors qui fait que ton opinion a changé ?

C’est le fait que je pense que l’éducation c’est… Pour moi l’éducation c’est pas facile. Moi je pense que y’a certaines personnes qui sont peut-être pas faites pour aller à l’université. Pis y’en a d’autres qui sont prêtes à mettre les efforts et tout, qui peuvent aller à l’université. Puis je trouve que dans notre système l’université est pas si chère que ça. Je trouve que oui, elle coûte de l’argent, mais il faut qu’elle coûte de l’argent pour lui donner une certaine valeur. Puis si je regarde aux États-Unis, ils vivent le jour et la nuit. Donc moi je mets une grande valeur à l’éducation à l’université pour moi. Si les prix augmenteraient, je boycotterais pas ça. Pis je pense que ça ferait juste augmenter la valeur.

[…]

Pis je trouve que je suis la preuve vivante que si tu veux vraiment, tu peux y aller. Pis si t’as pas d’argent, oui ça va être plus dur, mais si tu vas à l’université, si tu es brillant, je pense pas que notre société bloque à ce point-là l’accès.

En conclusion, on peut dire que ce sont donc les étudiant(e)s ayant a priori des situations économiques plus difficiles qui semblent être directement influencé(e)s quant à leurs représentations en matière d’accès aux études universitaires, peu importe l’opinion exprimée. Les étudiant(e)s sans réelles difficultés financières ne semblent pas faire de liens entre leur position en la matière et leur propre condition économique. Le traitement

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statistique des réponses obtenues lors de l’enquête par questionnaire nous a permis de constater de l’existence d’une corrélation entre situation socioéconomique des étudiant(e)s et leur opinion quant à la gratuité des études supérieures. Les étudiant(e)s bénéficiaires des prêts et bourses sont ainsi plus nombreux à se positionner en faveur de la gratuité scolaire que ceux n’en bénéficiant pas (ces derniers ayant a priori une situation socioéconomique plus élevée que les premiers). Les entrevues nous ont permis quant à elles de constater que les étudiant(e)s expliquant avoir des difficultés financières n’ont pas tous les mêmes opinions en matière d’accès aux études, leur condition personnelle semblant avoir une influence beaucoup plus directe sur leurs représentations.

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Chapitre 5 : Liens et ruptures entre socialisation familiale et