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Chapitre 3 : Socialisation politique et héritage familial

3.1 Des étudiant(e)s issus de familles « privilégiées »

Tout d’abord, l’analyse statistique des questionnaires révèle que ces étudiant(e)s sont issu(e)s de familles que l’on pourrait qualifier de « privilégiées ». Entendons par cette appellation que les enquêtés sont globalement issus de familles avec un capital économique et culturel supérieurs à la moyenne québécoise. Différents travaux récents portant sur les étudiant(e)s font le constat d’un accès aux études supérieures encore à ce jour fortement conditionné par l’origine sociale malgré une massification de l’enseignement supérieur. Ainsi, Georges Solaux atteste de la permanence des conclusions des Héritiers de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron en affirmant que le niveau socioculturel (catégorie sociale des parents et diplômes) comme le niveau de vie (revenu moyen du foyer) demeurent des facteurs prééminents pour accéder à l’université dans la France des années 2000 [Bourdieu et Passeron, 1964; Solaux, 2011 : 83-92]. Dans le cas québécois, le rendement scolaire, l’influence et l’environnement socioéconomique des parents, ainsi que la qualité de l’école secondaire expliqueraient à hauteur de 84% l’écart de participation aux études universitaires entre les personnes de familles à faibles revenus et celles issues de familles aisées [Frenette, 2007]. Les données récoltées dans le cadre de notre enquête par questionnaire ne doivent donc pas ici nous surprendre, elles s’inscrivent dans la continuité des constats d’études scientifiques récentes sur le monde universitaire occidental.

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3.1.1 Des revenus familiaux élevés

Ainsi, pour ce qui a trait au capital économique, que l’on peut définir comme « l’ensemble des ressources financières et patrimoniales, mobilières et immobilières, d’un individu » [Coulangeon, 2012 : 47], nous constatons que les parents des étudiant(e)s participants ont des revenus financiers supérieurs à la moyenne québécoise. Le salaire moyen annuel d’une femme au Québec en 2012 s’élevait à 35 932 dollars (691 dollars hebdomadaires) [Institut de la statistique du Québec, 2012]. Or les mères des étudiant(e)s, à hauteur de 51 %2 d’entre elles, touchent un salaire annuel supérieur à

40 000 dollars. Pour ce qui est des hommes, ces derniers touchent en moyenne dans la province québécoise en 2012 un salaire hebdomadaire de 872 dollars, soit environ un revenu annuel de 45 344 dollars [Institut de la statistique du Québec, 2012]. Selon les réponses des enquêtés, on constate que 46 % des pères touchent un salaire supérieur à 60 000 dollars annuels, sur lesquels 32.5% d’entre eux affichent des revenus de plus de 80 000 dollars.

Tableau 9. Répartition des étudiant(e)s selon les revenus annuels du père et de la mère

Revenus annuels du père en dollars Effectifs % Revenus annuels de la mère en dollars Effectifs %

Moins de 20 000 3 3.6 Moins de 20 000 14 16.9

Entre 20 000 et 40 000 8 9.6 Entre 20 000 et 40 000 15 18.1

Entre 40 000 et 60 000 20 24.1 Entre 40 000 et 60 000 25 30.1

Entre 60 000 et 80 000 11 13.3 Entre 60 000 et 80 000 10 12

Plus de 80 000 27 32.5 Plus de 80 000 7 8.4

Ne sait pas 7 8.4 Ne sait pas 6 7.2

N’a pas répondu 7 8.4 N’a pas répondu 6 7.2

Source : enquête par questionnaire N=83 3.1.2 Des parents diplômés

Quant au capital culturel, nous pouvons ici l’appréhender sous sa forme « institutionnalisée », en considérant le niveau de diplômes des parents des enquêtés [Bourdieu, 1979 : 5]. D’après l’Institut de la statistique du Québec, le pourcentage de la population québécoise entre 44 et 55 ans ayant un Certificat, diplôme ou grade

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universitaire atteint en 2014 les 25.9%. Quant au niveau collégial, 21.7% d’entre eux en sont diplômés. En cumulant ces deux proportions, nous atteignons un pourcentage de 47.3% d’individus âgés de 44 à 55 ans, ayant un diplôme relevant au moins du niveau collégial [Institut de la statistique, 2015]. Bien que certains parents puissent ne pas correspondre à cette tranche d’âges ici désignée, nous pouvons cependant estimer de manière relativement sûre, que les parents des enquêtés sont plus diplômés que la moyenne provinciale ici présentée. En effet, 64% 3 des pères des enquêtés ont un diplôme

relevant au minimum du collégial (Attestation d’Études Collégiales ou Diplôme d’Études Collégiales)4 et allant jusqu’au doctorat. Quant aux mères, le pourcentage est équivalent,

64 %5 d’entre elles ont également obtenu au minimum un AEC ou un DEC et peuvent

être jusqu’à titulaires un doctorat.

Tableau 10. Répartition des enquêtés selon les diplômes de leurs parents

Diplômes obtenus par le père Effectifs % Diplômes obtenus par la mère Effectifs %

Secondaire et moins 21 25,3 Secondaire et moins 17 20.5

DEP6 4 4.8 DEP 2 2.4

Collégial (AEC et DEC) 13 15.7 Collégial (AEC et DEC) 25 30.1

Diplôme universitaire (sans précision) 5 6 Diplôme universitaire (sans précision) 3 3.6

D DU 1er cycle 13 15.7 DU 1er cycle 19 22.9

DU 2e cycle 10 12 DU 2e cycle 4 4.8

DU 3e cycle 5 6 DU 3e cycle 2 2.4

Ne sait pas 1 1.2 Ne sait pas 1 1.2

N’a pas répondu 11 13.3 N’a pas répondu 10 12

Source : enquête par questionnaire N=83 3.1.3 Des parents relevant des classes moyennes supérieures

Notre analyse statistique nous montre qu’en adéquation avec ce niveau d’études, les parents des étudiant(e)s occupent principalement des emplois relevant de groupes professionnels demandant un haut niveau de compétences. Nous avons fait le choix d’utiliser pour notre recherche le système de catégorisation socio-professionnel français. En effet, ce dernier nous semblait plus synthétique que celui utilisé au Québec,

3 Ont été retirés les individus n’ayant pas répondu à la question pour établir ce pourcentage 4 AEC et DEC

5 Ont été retirés les individus n’ayant pas répondu à la question pour établir ce pourcentage 6 Diplôme d’études professionnelles

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notamment car permettant de réunir au sein d’une seule catégorie plusieurs groupes professionnels québécois. De plus, il permet de classifier les différents types d’emplois non pas uniquement par secteur d’activité, mais également dans une dimension hiérarchique. Ainsi, les catégories socioprofessionnelles françaises nous informent sur le niveau de compétences des individus, ceci étant plus à même de nous renseigner sur la position socioéconomique de ces derniers et sur leur potentiel niveau académique. En un sens, cette nomenclature permet au-delà d’une simple catégorisation des emplois occupés, de subsumer des informations relatives au capital économique et culturel des individus.

Ainsi, 35% des pères et 27% des mères relèvent de la catégorie des « Cadres et Professions intellectuelles supérieures » que l’on pourrait rattacher à l’appellation « professionnels » au Québec. La seconde catégorie la plus fournie, qu’ils s’agissent des pères ou des mères, est celle dite des « Professions intermédiaires». Cette catégorie socioprofessionnelle requiert elle-aussi un degré de compétences relativement élevé.

Tableau 11. Répartition des étudiant(e)s selon la catégorie professionnelle de leurs parents

Catégorie professionnelle (père) Effectifs % Catégorie professionnelle (mère) Effectifs %

Agriculteurs 3 3.6 Agriculteurs 0 0

Artisans, commerçants et chefs

d’entreprise 8 9.6 Artisans, commerçants et chefs d’entreprise 1 1.2 Cadres et professions intellectuelles 29 34.9 Cadres et professions

intellectuelles

22 26.5

Professions intermédiaires 12 14.5 Professions intermédiaires 24 28.9

Ouvriers 11 13.3 Ouvriers 1 1.2

Employés 6 7.2 Employés 14 16.9

N’a pas répondu 14 16.9 N’a pas répondu 21 25.3

Source : enquête par questionnaire N=83 On peut donc en conclure que les étudiant(s) ayant participé à cette enquête sont issu(e)s de familles relevant des classes moyennes et supérieures. Nous tenons cependant à ajouter que les pères et mères des étudiant(e)s interrogé(e)s peuvent avoir connu une ascension professionnelle dans le temps. Ainsi, si nous leur avions demandé quel type

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d’emploi les parents occupaient durant leur enfance et adolescence, peut-être aurions- nous dû faire un constat différent.

3.2 Intérêt et orientations politiques : ce qui se joue dans l’espace