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Chapitre 4 : Socialisation politique et poursuite d’études supérieures

4.1.5 Les limites

Nous devons prendre en compte que ces différents propos nous sont rapportés par des étudiant(e)s ayant majoritairement suivi une formation en sciences humaines, puis ayant poursuivi des études universitaires au sein de la faculté des sciences sociales. Nous n’avons interrogé que peu d’étudiant(e)s ayant obtenu un Diplôme d’Études collégiales en sciences de la nature par exemple, soit un cursus mettant dans une moindre mesure en contact avec des matières connectée directement au politique ou à la sphère sociale de manière générale. De plus, si les étudiant(e)s interrogés parlent du Cégep comme d’une étape « première » dans la construction de leur identité politique (ou du moins de sa réelle conscientisation) et de leur esprit critique, la plupart mentionnent déjà cependant un relatif intérêt pour la chose. Ainsi, sur les 13 personnes rencontrées, 11 se disent « beaucoup » intéressées par la politique, les deux autres se disent « un peu » intéressées. et pour les 12 ayant réalisé des études collégiales. Seule une étudiante de 24 ans (Kim) ayant obtenu un DEC en sciences humaines et alors en baccalauréat de relations industrielles se dit à l’époque de ses études collégiales « peu intéressée » par la politique, bien que se considérant cependant plus politisée que la moyenne de son entourage d’alors :

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J’ai beaucoup d’étudiant(e)s que j’interroge qui me parlent du Cégep comme un moment déclencheur pour eux…

Pas du tout [elle rit].

Toi tu as fait un DEC en quoi ?

En sciences humaines. […] En fait j’ai évité les cours de politique. Parce que moi quand j’étais au Cégep, je m’en allais faire mon baccalauréat en psycho, c’était mon plan, du début à la fin depuis que je suis toute petite. Donc, quand je suis rentrée au Cégep j’ai pris que des cours de psycho, ces choses-là. Pis politique pas du tout. Je me suis dit : « Je vais pas prendre pas un cours là, à faire de la politique, quand je pourrais prendre un autre cours qui touchent plus l’humain ».

Ceci rejoindrait l’idée que la politisation par le Cégep n’est pas forcément condition du contexte d’études dans lequel se trouve l’étudiant, ici la filière d’études et l’environnement plus globalement propice, mais qu’il est surtout condition de la volonté propre de l’étudiant. Ceci nous renvoie à cette idée d’un sujet actif dans le processus de socialisation [Percheron, 1991; Darmon, 2006]. Cette idée est renforcée par les propos de l’étudiante de 26 ans, Marie-Ève, ayant poursuivi un cursus en sciences de la nature et préparant alors un double diplôme en service social et en gestion des ressources humaines, pour qui l’intérêt pour la politique ne dépend pas de la formation académique poursuivie :

T’sais mettons, sciences humaines, on pourrait présupposer qu’ils sont intéressés. Mais y’en a qui étaient en art, dans des programmes d’urbanisme et pis tout ça, et qui s’y intéressaient pareil. Je pense c’est vraiment des intérêts personnels […]

Enfin, ajoutons que le passage par cette institution est mentionné comme vecteur d’une politisation et que si certains étudiant(e)s abordent des thématiques politiques particulières (le fédéralisme versus la souveraineté, etc.), la formation collégiale n’est que peu citée quant à l’influence qu’elle aurait pu avoir sur les représentations politiques des étudiant(e)s en matière même d’enseignement supérieur.

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4.2 L’université

Après le Cégep, vient le temps de l’entrée à l’université pour les étudiant(e)s ici interrogé(e)s. Ayant fait le choix de nous attarder sur ces deux institutions pour appréhender au mieux la « socialisation politique étudiante », nous nous devons d’établir ce qui les distingue, mais également comprendre s’il existe entre elles une continuité. C’est ce que nous chercherons dans un premier temps à établir dans cette partie, ceci devant nous permettre d’affirmer au mieux l’influence singulière de l’université sur la formation et la transformation des représentations, opinions et attitudes politiques des étudiant(e)s, tout particulièrement en matière d’enseignement supérieur.

Aussi, lors de la présentation de notre cadre théorique, mais également en introduction de ce chapitre, plusieurs facteurs internes à l’institution universitaire ont été présentés comme étant potentiellement actifs quant à la socialisation politique des étudiant(e)s. En effet, des recherches ont tenté de démontrer et d’évaluer l’influence que pouvaient avoir les professeurs, les enseignements ou bien encore le contact avec les autres étudiant(e)s (paris), dans le processus de socialisation politique des étudiant(e)s [Newcomb, 1943; Tournier, 1997; Michon, 2006; Dostie-Goulet, 2009; Darmon, 2012]. Par la mention de ces différents agents, nous exposons la multiplicité des contextes d’études dans lesquels ils se retrouvent et dont nos enquêtés sont issus. Ainsi, comme le souligne Sébastien Michon : « Les contextes scolaires, composés d’élèves, d’enseignants et d’enseignements, sont des univers de socialisation dans lesquels les étudiant(e)s acquièrent des connaissances, endossent des rôles, développent des manières de faire, d’être et de penser », et ces derniers peuvent donc varier aussi bien en terme d’organisation pédagogique que de contenu des matières ou encore de recrutement social de la population étudiante, etc. [2006 : 23]. Nous souhaitons ainsi appuyer cette idée que la variabilité des contextes d’études peut engendrer des socialisations politiques différenciées, aussi bien en terme de niveau de politisation des enquêtés, qu’en matière de représentations politiques et plus particulièrement concernant celles relevant de l’enseignement supérieur. Le terrain nous a amené à nous concentrer sur certains facteurs plutôt que d’autres. En effet, l’enquête par questionnaire et les entretiens semi-dirigés proposent des données plus approfondies pour certains d’entre eux ou en voit certains

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mentionnés de manière plus récurrente. De plus, l’étude a permis de récolter des informations pertinentes sur d’autres facteurs, plus ou moins présents ou actifs selon le contexte d’études des enquêtés. Ainsi, la socialisation politique universitaire sera principalement abordée à travers deux éléments spécifiques du contexte d’études. Tout d’abord, celui de la filière d’études où nous tenterons de voir en quoi des étudiant(e)s de différents programmes sont confrontés à des facteurs (enseignements, pairs, etc.) ayant un pouvoir de socialisation politique plus ou moins affirmé, mais aussi une capacité d’influence variable d’un point de vue qualitatif. Nous tenterons ainsi de comparer les étudiant(e)s de la FSA à ceux de la FSS. Ensuite, nous considérerons la socialisation politique universitaire sous l’angle de la condition socioéconomique estudiantine de nos enquêtés. Autrement dit, nous voulons vérifier si les ressources économiques des enquêtés pour mener à bien leurs études (aide parentale, emplois occupés parallèlement aux études, prêts et bourses) peuvent conditionner leurs représentations politiques en matière d’enseignement supérieur.

4.2.1 L’université comme deuxième temps de la socialisation politique