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Chapitre 5 : Liens et ruptures entre socialisation familiale et universitaire

5.2 Trajectoires individuelles et socialisation politique

5.2.4 L’expérience universitaire

Les deux étudiant(e)s ne conçoivent à la base leurs études de la même façon. Si l’un regrette qu’un grand nombre d’étudiant(e)s ne voient dans les études universitaires, qu’un moyen pour atteindre des objectifs professionnels via l’obtention d’un diplôme, Kim les considère de manière justement relativement pragmatique. Néanmoins, elle aime étudier, explique qu’elle aime apprendre, comprendre, analyser et que ses études lui apporte cette satisfaction. Philippe et Kim reconnaissent tous deux que leur passage à l’université a eu une influence sur leurs représentations politiques et tout particulièrement celles qui touchent à l’enseignement supérieur. Cependant, il l’exprime et l’explique de manière différenciée et ne semblent pas tout à fait accorder à leur contexte d’études respectif le même pouvoir d’influence.

Kim ne considère pas que son contexte d’études ait modifié ses opinions politiques, qu’ils s’agissent de questionnements politiques relatifs à l’université ou non. Néanmoins elle estime que son baccalauréat en relations industrielles l’a inévitablement politisé, car plusieurs cours touchent à la politique (elle mentionne les cours sur l’histoire du syndicalisme notamment). Elle estime également que ses études l’ont rendue plus apte à écouter les opinions des autres, même si cela n’ébranlera pas les siennes. Enfin, elle mentionne surtout l’influence de son engagement au sein de son association étudiante comme vice-présidente aux affaires externes et de son impact sur sa socialisation politique, notamment en matière d’enseignement supérieur. Occuper cette fonction lui a permis de mieux comprendre le système universitaire et de ce dont il avait besoin selon elle. Cela l’a poussé à s’informer. Nous revenons donc ici sur cette idée d’expérimentation de l’université pour mieux la comprendre et avoir des opinions à son égard. Elle avait décidé tout d’abord de remplir cette fonction pour son « CV », mais elle

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s’est découvert un attrait profond pour la chose et regrette de ne pas s’y être engagée avant. Elle conclut cependant que son passage par l’université et les expériences qui lui sont reliées (l’association étudiante) n’ont pas eu d’impact direct sur son idéologie politique de manière globale, ni sur ces opinions en matière d’accès aux études, de financement universitaire, du rôle de l’institution universitaire etc. Mais elle présente l’université comme un moyen : « L’université c’est une banque d’informations et d’expériences, qui va venir appuyer et approfondir le pourquoi je pense comme ça ».

De son côté, Philippe semble accorder de manière un peu plus explicite un rôle à son passage par l’université et au contexte d’études qui lui est associé. S’il ne vient pas remettre en cause ses valeurs « profondes », ce qu’il appelle le « normatif », il estime avoir acquis une certaine « objectivité » par son passage à l’université, modifiant donc inévitablement ses opinions en un sens.

Mais tu dirais que tu es passé de cette normativité à cette objectivité comment ? Comment ton esprit est arrivé de ce point A à ce point B?

Bah, je crois que l’éducation à l’université a beaucoup aidé. Parce qu’au Cégep, je veux dire on a eu certaines notions, mais c’est des prénotions. On est dans le pré- universitaire, on fait juste comme effleurer les choses, que ça soit psychologie, politique etc. On voit pas les choses en profondeur. Donc ça nous donne une idée, mais ça rend pas capable de bien saisir l’essence des choses. Mais je crois que mon parcours universitaire m’a beaucoup aidé à avoir une projection de la réalité qui est beaucoup plus juste, pis beaucoup plus objective aussi. Parce que ça permet de prendre en considération davantage de facteurs, pis c’est ça d’avoir un calcul qui tient davantage.

Il replace d’ailleurs le contexte universitaire dans un ensemble : son expérience au Parti Québécois, son expérience professionnelle. La somme de ces expériences est venue « cadrer » sa pensée, ses valeurs restant les mêmes.

En ce qui a trait à ses positions autour de questions reliées à l’enseignement supérieur, Philippe affirme là aussi avoir constaté une évolution de sa pensée, l’expliquant lui aussi par le fait « d’expérimenter » le cadre universitaire pour pouvoir formuler une réflexion de meilleure qualité sur des points qui le concerne.

As-tu vu une évolution toi entre le début et la fin de ton bac sur tes idées, principalement sur ce qui touche à l’université ?

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Ouais, quand même. Bah surtout, je veux dire que quand j’ai quitté l’entreprise, comme je te disais en 2012 j’étais plus ou moins d’accord [il se positionnait contre la grève]. Mais quand on tombe dans le bain aussi… T’sais, souvent, on juge les choses sans les connaître, ça l’amène une conclusion qui est biaisée parce que…T’sais c’est un petit peu comme si tu as un problème avec ton auto, pis tu m’appelles moi, mais moi j’y connais rien là-dedans. Fait que ce que je vais te dire, c’est de la merde. Fait que, je crois que plus on connaît le sujet, plus on est à même d’avoir une réflexion censée dessus. Ca fait que je te dirai oui, ça l’a amené une évolution dans la façon de voir et de changer mon positionnement par rapport à l’université. Parce que j’ai pataugé dedans, j’ai compris davantage comment ça fonctionnait, parce que j’ai vécu des réalités que j’avais pas vécues avant.

Il souligne lui aussi de plus l’impact de son engagement associatif à l’Université Laval quant à ces représentations et connaissances :

J’étais un peu en première ligne parce que, j’étais membre de l’exécutif de l’AESS [Association des étudiant(e)s en sciences sociales]. Donc, puis ça a été une belle expérience, parce que ça m’a permis vraiment de saisir un petit peu le contexte, pis le déroulement de tout ça.