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Les sociétés qui échappent au champ d’application de la LPCC A. Les SICAF

soCiété ou plACement ColleCtif ?

IV. Les sociétés qui échappent au champ d’application de la LPCC A. Les SICAF

Un moyen apparemment simple de se soustraire à la LPCC est offert aux socié-tés par la LPCC elle-même : les sociésocié-tés anonymes d’investissement cotées à une bourse suisse ou celles qui ne comptent parmi leurs actionnaires que des inves-tisseurs qualifiés1 sortent du champ de la loi1. En pratique, la cotation en bourse n’est cependant pas toujours une option aisée, en raison notamment des coûts qu’elle implique1. Quant à la limitation exclusive du cercle des actionnaires à des investisseurs qualifiés, elle peut se heurter à d’autres difficultés, de nature com-merciale ou juridique (notamment en cas de disqualification d’un actionnaire en cours de vie de la société1).

B. Les sociétés hors numerus clausus

On pourrait penser qu’au vu du numerus clausus des formes de sociétés dispo-nibles pour créer un placement collectif au sens de la LPCC, le recours à une autre forme d’entité juridique (par exemple une Sàrl) devrait également permettre de sortir du champ de la LPCC20.

Cela serait cependant confondre l’obligation d’assujettissement (Bewillingungs-pflicht) avec la capacité d’assujettissement (Bewilligungsfähigkeit). Dès qu’une so-ciété exerce une activité de placement collectif, elle doit solliciter une autorisation de l’autorité de surveillance, quelle que soit sa forme juridique. En revanche, si sa

1 Art. 10 al. 3 LPCC et OPCC.

1 Art. 110 LPCC.

1 On notera par ailleurs que, d’un point de vue systématique, l’exemption des sociétés cotées en bourse constitue une dérogation au principe same business, same risks, same rules.

1 Cette question n’a pas été examinée par le Parlement lorsqu’il a adopté la solution qui est fi-nalement devenue loi. Théoriquement, une “SICAF” qui échappe au champ d’application de la LPCC par le simple fait qu’elle n’a pour actionnaires que des investisseurs qualifiés tombe ipso facto dans le champ de la loi dès lors qu’un seul de ses actionnaires perd sa qualité, pour quelque raison que ce soit. Même s’il est peu douteux que l’autorité de surveillance saura faire preuve de pragmatisme dans ce type de circonstances (par exemple en accordant un délai à la société pour régulariser la situation), il n’en reste pas moins que ce cas de figure soulève de nombreuses inter-rogations (faut-il systématiquement prévoir un droit d’option en faveur de la société permettant à cette dernière, dans ce type de cas, de racheter les actions de l’actionnaire disqualifié ? Quid si le pourcentage de ses actions excède les limites admissibles en matière d’autocontrôle ?).

20 Sous la seule réserve des cas d’abus de droit. Cette question relève de la distinction entre le caractère obligatoire de l’assujettissement à la LPCC (dès lors que les éléments constitutifs du placement collectif de capitaux sont réunis) et la capacité à obtenir une autorisation ou une approbation (liée au respect des conditions légales).

42 Lionel Aeschlimann forme juridique n’entre pas dans le cadre du numerus clausus de la LPCC, elle ne pourra pas prétendre à une autorisation et deviendra “hors-la-loi”.

C. Les sociétés exclues de par la loi 1. Justification

Le but de la loi visant à protéger les investisseurs qui ne sont pas à même, en raison de leur collectivisation, de négocier les contours de leurs investissements, d’ins-truire le gestionnaire ou de le surveiller efficacement, il convient de ne pas élargir son champ d’application à toute société qui procède à des investissements. Elle n’a en effet pas pour vocation de s’étendre à la protection de tous les actionnaires.

C’est la raison pour laquelle la LPCC elle-même, après avoir indiqué que toutes les formes de placement collectif tombaient dans son champ d’application, précise en son art. 2 al. 2 lit. d, en guise d’exception, que les sociétés qui exercent une activité commerciale ou industrielle échappent à la loi. De même, l’art. 2 al. 2 lit. e LPCC confirme que les sociétés qui rassemblent dans un groupe, sous une direction unique, une ou plusieurs sociétés par le biais d’une majorité de voix ou par d’autres moyens (holdings) ne sont pas soumises à la LPCC.

2. Les sociétés commerciales ou industrielles a) L’activité opérationnelle ou entrepreneuriale

Les sociétés exerçant une activité commerciale ou industrielle sont exclues de la LPCC “[…] étant donné qu’elles n’ont pas pour objectif principal, contrairement aux SICAF, de réaliser des rendements ou des gains en capitaux, mais sont au contraire davantage actives comme ‘entreprises’”21. C’est donc le critère entre-preneurial qui apparaît comme étant déterminant. Les sociétés qui participent au développement entrepreneurial des affaires des entités dans lesquelles elles investissent, ou qui visent à l’influencer d’une manière importante, échappent à la LPCC, par opposition à celles qui ont pour objectif principal de réaliser des rendements ou des gains en capitaux.

21 Message LPCC, FF, p. 033. Ce critère se retrouve dans la définition que la SIX donne des sociétés d’investissement (c’est-à-dire des placements collectifs de capitaux constitués sous forme de société anonyme) : “les sociétés d’investissement au sens du présent règlement visent exclusi-vement ou principalement à la réalisation de revenus et/ou de gains en capitaux et ne pour-suivent aucune activité d’entreprise” (cf. Règlement complémentaire de cotation des sociétés d’investissement).

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De toute évidence, une société qui ne procède à des placements collectifs qu’à titre subsidiaire, à côté d’une activité entrepreneuriale principale, ne doit pas en-trer dans le champ d’application de la loi.

b) Les sociétés à activité mixte

Cela étant dit, une société peut se livrer à des activités mixtes, à la fois entrepre-neuriales et financières, sans que l’une ou l’autre ne soit clairement prépondérante.

Elle peut ainsi exploiter une entreprise commerciale tout en procédant à l’achat et à la vente d’actifs. Le simple fait qu’elle procède à des investissements ou achète et vende des participations ou autres actifs, en parallèle à ses activités d’entreprise, ne devrait pas conduire à l’assujettir à la LPCC. A l’inverse, une société de placement collectif, en particulier si sa politique d’investissement se concentre sur le private equity, pourra être amenée à gérer et administrer activement ses participations, ce qui peut la mener à s’immiscer activement dans la politique d’entreprise de ses participations, à désigner des administrateurs, voire à faire nommer des membres de la direction (CEO, CFO, COO, etc.), à fournir des activités de conseil ou in-fluencer les politiques commerciales ou industrielles de toute autre manière.

Les sociétés immobilières offrent une autre illustration de cette probléma-tique : la loi permet expressément aux fonds immobiliers et aux SICAV d’acqué-rir des terrains à construire et de réaliser des projets immobiliers22. De même, les SCPC peuvent investir dans des projets immobiliers et de construction23. Il est ainsi souvent difficile de distinguer clairement ce qui relève d’une activité de placement collectif de ce qui constitue une activité entrepreneuriale. Certains auteurs ont proposé que le choix soit donné à ce type de sociétés de s’assujettir ou non à la LPCC24.

c) Les critères servant à révéler l’activité entrepreneuriale

Dans l’examen de cas pratiques, il convient ainsi de procéder, pour tous les cas limites, à une pesée des différents éléments en présence avant de conclure à un éventuel assujettissement à la LPCC. Le critère fondamental qui devra servir de guide sera ainsi toujours celui de l’exploitation entrepreneuriale, par opposition à un but essentiellement financier. L’activité entrepreneuriale peut se révéler sous plusieurs angles :

22 Art. al. 1 LPCC.

23 Art. 121 al. 1 lit. a OPCC.

24 M. Courvoisier / R. Schmitz, “Grenzfälle kollektiver Kapitalanlagen”, SZW/RSDA /200, p. 414.

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− celui du but de la société : Exploite-t-elle une entreprise, avec pour but un béné-fice d’exploitation (activité entrepreneuriale) ou vise-t-elle au contraire avant tout, par l’achat et la vente d’actifs, à générer des rendements ou à réaliser des gains en capitaux ?

− celui de l’origine des revenus : La société tire-t-elle ses revenus, réalise-t-elle son bénéfice, de l’achat et de la vente d’actifs ou de l’exploitation d’une entre- prise ?

− celui du profil de risques : L’investisseur/actionnaire est-il prêt à supporter essentiellement un risque de placement (risque de marché) ou est-il disposé à également porter un risque d’exploitation2 ? S’attend-il à réaliser, dans un délai à ses yeux raisonnable, ses parts ou actions dans le placement collectif ? S’attend-il à ce que le rachat de ses parts ou actions soit essentiellement déter-miné sur la base de la valeur des actifs nets de la société ?

− celui des moyens mis en œuvre : Le personnel de la société est-il chargé de tâches opérationnelles et entrepreneuriales ou se concentre-t-il sur une “mise en valeur” des actifs, telles les participations, de la société (dans la seule op-tique d’une revente avec plus-value), est-ce qu’il “administre des placements”

ou est-ce qu’il influence la politique commerciale ou entrepreneuriale des so-ciétés dans lesquelles la société a pris des participations ?

− et, bien entendu, celui de la prépondérance : Si la société exerce les deux types d’activité (placement et exploitation d’une entreprise), laquelle est prépondé-rante, laquelle est accessoire ?2

Le cas échéant, il conviendra de faire également appel au critère de la gestion

“exclusivement pour le compte des investisseurs”, qui constitue, comme nous l’avons vu, un des éléments constitutifs de la définition du placement collectif, pour conforter ou non un assujettissement. Ainsi, une société dans laquelle les ac-tionnaires ou les associés exercent eux-mêmes la gestion et ont les moyens de pré-server personnellement leurs droits, ne devrait pas être assujettie à la LPCC. Les

2 Sur la question du risque, il a été proposé comme critère de considérer que l’on était en présence d’un placement collectif dès que le véhicule était à même de modifier rapidement et de ma-nière substantielle le profil de risque de l’investissement (M. Courvoisier / R. Schmitz, op. cit., note 24, p. 41). Toutefois, moins le placement collectif est liquide (hedge fund, private equity, etc.), moins ce critère apparaît-il comme approprié, ce que reconnaissent d’ailleurs les auteurs.

Cela étant dit, il est juste à notre sens de mener une réflexion sur le risque, dès lors qu’un inves-tisseur cherchant à effectuer un placement aura moins d’appétence pour les risques entrepreneu-riaux ou d’exploitation directement liés à une entreprise commerciale ou industrielle.

2 Il a été proposé d’appliquer une règle analogue à celle de la SIX en matière de sociétés immobi- lières, qui considère qu’une société dont plus du 2/3 des revenus sont générés par des activités im-mobilières et dont plus du 2/3 des actifs sont des actifs immobiliers est une société immobilière ; C. Luchsinger Gähwiler, “Die SICAF : Versuch einer Grenzziehung anhand der Immobilienge-sellschaft” in : G. G. Zindel et al. (éd.), Wirtschaftsrecht in Bewegung : Festgabe zum 65. Geburtstag von Peter Forstmoser, Schulthess, Zurich, 200, p. 21.

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investisseurs n’ont dans ces constellations pas besoin d’une protection étatique accrue dès lors que, en quelque sorte, ils gardent leur destin financier entre leurs mains. Cette vision est confortée par l’art. 2 al. 2 lit. f LPCC qui prévoit que les clubs d’investissement ne sont pas soumis à la loi “lorsque leurs membres sont en mesure de défendre eux-mêmes leurs intérêts”. Les possibilités concrètes dont disposent les actionnaires/associés/investisseurs pour exercer leurs droits (“dé-fendre eux-mêmes leurs intérêts”) devront ainsi également être prises en compte dans l’examen d’un éventuel assujettissement.

3. Les sociétés holding

S’agissant des sociétés holdings au sens de l’art. 2 al. 2 lit. f LPCC, la délimita-tion avec les placements collectifs n’est pas aisée non plus. On rappellera à cet égard qu’une holding est définie par l’art. 671 al. 4 CO comme une société dont le but principal est la prise de participations. Le règlement complémentaire de cotation de la SIX se réfère quant à lui plutôt au critère de la direction unique ou de l’unité économique du groupe contrôlé par la holding2. Ici également, le cri-tère entrepreneurial devrait servir comme principal outil de différentiation, bien que de manière consolidée cette fois-ci : une holding aura pour objectif premier de contrôler et développer les activités entrepreneuriales d’un groupe de sociétés certes indépendantes juridiquement mais unies économiquement. En pratique, les holdings auront généralement tendance à rechercher des prises de participa-tions majoritaires ou de contrôle.

Même si certains fonds spécialisés de private equity peuvent également acqué-rir des positions de contrôle, leur but premier ne résidera pas dans l’exploitation d’un groupe d’entreprises de manière coordonnée, mais plutôt dans la recherche, à terme, de plus-values. Même si l’élément temporel des investissements n’est pas en soi déterminant, un placement collectif aura généralement en vue, à l’instar de ses investisseurs, le désinvestissement (exit) déjà au moment de la prise de participation.

Bien entendu, une holding qui vise à gérer et développer, sous l’angle entre-preneurial, des participations devra échapper au champ de la LPCC même si elle n’exerce pas elle-même les tâches de direction du groupe (par exemple en raison du fait qu’une société de gestion ou de services s’en charge)2.

2 “Une société qui contrôle la majorité des voix ou qui, d’une autre manière, réunit par des place-ments directement ou indirectement une ou plusieurs sociétés sous une direction unique (Kon-zern), n’est pas incluse dans la définition de la société d’investissement”, art. 3 du Règlement complémentaire de cotation des sociétés d’investissement de la SIX.

2 Voir en particulier F. Hasenböhler, op. cit., note , p. 1, no 0 s. et C. Luchsinger Gähwiler, op. cit., note 2, p. 23.

4 Lionel Aeschlimann

V. Conclusion

En conclusion, il existe de toute évidence une tension entre l’objectif de la LPCC de s’étendre à toutes les formes de placement collectif, d’une part, et la nécessité d’éviter de soumettre à autorisation et surveillance prudentielle toutes les socié-tés holdings, industrielles ou commerciales. La LPCC a pour but de protéger les investisseurs et le bon fonctionnement du marché. Elle n’a pas pour vocation de protéger les actionnaires des entreprises commerciales.

En présence d’un cas limite, il conviendra tout d’abord de s’attacher à la défi-nition du placement collectif et de vérifier si la société en réunit tous les éléments constitutifs : la présence d’un patrimoine constitué par les apports des investis-seurs, une gestion collective de ce patrimoine et une gestion effectuée par un tiers au sens économique du terme dans l’intérêt exclusif des investisseurs.

Il conviendra ensuite d’examiner si la société poursuit de manière prépondé-rante un but financier ou des objectifs opérationnels ou entrepreneuriaux. Pour ce faire, il conviendra d’examiner le but poursuivi par la société, l’origine de ses revenus et bénéfices, la prépondérance d’une activité sur l’autre, son profil de risques, les moyens qu’elle met en œuvre et, le cas échéant, le rôle et le pouvoir des investisseurs.

Dans les cas limites, il conviendra de toujours garder à l’esprit le but de la loi, à savoir la protection des investisseurs et du marché des placements collectifs de capitaux. Comme toute loi-cadre de police administrative, venant restreindre la liberté économique, sa mise en œuvre doit répondre à un intérêt public et sa-tisfaire en tout temps au principe de proportionnalité. Cela est particulièrement important en ces temps de crise financière, où les tentations d’aller vers plus de réglementation peuvent être grandes. N’oublions pas que l’un des objectifs prin-cipaux de la LPCC était précisément d’augmenter l’attractivité et la compétitivité de la place financière suisse.

La LPCC, une réglementation aux confins du système 4

lA lpCC, une réglementAtion Aux Confins