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La surveillance des banques

Comment lA réCente Crise des mArChés

II. La surveillance des banques

Les deux grandes banques suisses (UBS et Credit Suisse) se sont retrouvées au cœur de la crise ; leur surveillance par la Commission fédérale des banques pré-sente la particularité de mêler surveillance directe3 par l’autorité et surveillance traditionnelle par l’entremise des sociétés de révision. Pas plus que la surveillance très directe exercée par les autorités étrangères confrontées à la même crise, la

* Docteure en droit, avocate, chargée de cours à l’Université de Genève. L’auteur est membre de la Commission fédérale des banques et du conseil d’administration de la FINMA ; les opinions exprimées ici n’engagent bien entendu qu’elle-même.

1 Certains n’ont d’ailleurs pas hésité à annoncer en mai 200 que le pire de la crise était passé.

2 A jour au 2 novembre 200.

3 Circulaire 04/1 du 21 avril 2004 (remplacée au 1er janvier 200 par la circulaire FINMA 0/ du 20 novembre 200).

2 Anne Héritier Lachat surveillance mixte n’a-t-elle permis d’éviter les problèmes liés aux produits, à leur évaluation et au contrôle des risques4.

A cet égard, on rappellera que la gestion des risques, leur contrôle et leur maî-trise appartiennent en premier lieu aux instituts concernés, à leurs organes et leurs spécialistes. La question se pose alors de savoir si et comment la surveillance pourrait, respectivement devrait être réorganisée.

Une piste évidente consiste à renforcer les équipes à disposition de l’autorité de surveillance, pour permettre en particulier un dialogue plus critique et plus ap-profondi avec les entités en cause. Il convient de favoriser à la fois une surveillance courante efficace, mais aussi une mise en question de certaines pratiques et une réflexion plus prospective, quand celle-ci est possible. Cette voie présente cepdant au moins deux difficultés pratiques : tout d’abord, il faut recruter, mais en-core conserver, les personnes adéquates (ce qui malgré des licenciements dans la branche n’est peut-être pas si facile) ; ensuite, il faut pouvoir leur offrir des condi-tions de travail attrayantes, sans bien entendu tomber dans les excès reprochés à juste titre à certains instituts.

Ce deuxième obstacle pourrait être en partie surmonté dans le cadre des nou-velles conditions d’emploi de la FINMA, qui ne sont certes pas ce qu’on aurait pu souhaiter pour une nouvelle autorité intégrée, mais qui présentent quand même une certaine flexibilité par rapport aux règles usuelles de l’administration fédérale.

L’instauration d’un plus grand scepticisme à l’égard des affirmations et des in-formations des banques nécessite en partie l’instauration d’une nouvelle culture, culture qui ne se décrète pas, ni à l’interne, ni par des interventions extérieures.

Il faut bien plutôt réorganiser le travail, insister sur les échanges d’informa-tions, favoriser la formation continue (par exemple en instaurant des possibili-tés de “stage” au sein des instituts pour les collaborateurs de l’autorité de sur-veillance et en permettant simultanément à ceux qui travaillent dans ces instituts de passer du temps au service de l’autorité de surveillance ; ce système du sec-ondment prôné par la FSA britannique peut certainement amener aussi quelques bénéfices).

Il ne s’agit pas de mettre un surveillant ou un réviseur derrière chaque ban-quier, mais de mieux utiliser et développer les ressources, surtout humaines ; il

4 Voir sur ces points les constatations et recommandations par exemple du Financial Stability Fo-rum dans son rapport publié en avril 200, Report on Enhancing Market and Institutional Resilience, disponible sous : www.fsforum.org/publications/r_004.pdf, ainsi que l’état des réactions et mesures des divers intéressés sous : www.fsforum.org/publications/r_010.pdf.

Cf. infra III.C.

Dans le cadre des enchères actuelles relatives à l’intervention indispensable et/ou urgente du Parlement, certains adversaires acharnés de cette flexibilité contractuelle et salariale en sont maintenant les chantres… Ces prochains mois fourniront peut-être une réponse.

La crise des marchés financiers, la régulation et la surveillance 2

faut aussi prévoir dans certains cas des analyses directes et indépendantes par l’autorité de surveillance, l’étude de scénarios alternatifs. Il convient en effet de viser à diminuer la dépendance de l’autorité vis-à-vis des systèmes de données et de mesure des risques mis en place par les banques elles-mêmes. Cette exigence reste en l’état difficile à mettre en œuvre dans la mesure où les banques génèrent ces données et surtout ces risques par leur activité. Dans ce contexte, un certain nombre de compétences économiques qui se trouvent auprès des banques cen-trales pourraient probablement mieux être utilisées. Une collaboration plus sys-tématique, en Suisse avec la Banque nationale, devrait être promue. L’autorité de surveillance des banques doit avoir un meilleur accès aux spécialistes employés par cette entité, que ce soit pour bénéficier de leurs compétences et analyses ou pour y confronter ses propres déductions. Le Memorandum of Understanding de 2007 entre les deux autorités prévoit déjà un large échange d’informations et fournit, si nécessaire, une base pour une coopération accrue en la matière.

La crise a aussi démontré la nécessité de coopérer encore plus et/ou mieux, au niveau international, dans la surveillance des banques qui agissent de manière globale ; cette coopération avec les autres autorités nationales doit être intensifiée.

Il ne faut cependant pas minimiser les difficultés de cette voie (difficultés un peu aplanies en cas de crise, mais qui vont sans aucun doute renaître avec vigueur lorsque le calme reviendra). En effet, les autorités restent très largement concur-rentes, comme les établissements qu’elles supervisent, et l’échange d’informations n’est en particulier pas toujours aussi candide que l’on pourrait le souhaiter. De plus, selon les juridictions, les autorités compétentes sont plus ou moins spéciali-sées et les compétences “éclatées”, ce qui complique les contacts et ralentit le flux d’informations.

Néanmoins, une série de questions ne peuvent être traitées que de manière globale, transfrontalière. Global capitalism needs global rules, au moins dans une certaine mesure…

Faut-il en conclure que la surveillance ne doit pas être modifiée en profon-deur ? A ce stade, tous les systèmes existants n’ont pas suffit à prévenir une crise ; aucun n’apparaît cependant pour le moment a priori, voire a posteriori, supérieur ou inférieur aux autres. On peut toutefois estimer qu’à l’avenir, la surveillance devrait relever plutôt d’autorités intégrées, qui puissent prendre en compte les risques globaux et disposer d’informations suffisantes. Dans ce cadre, le mode de surveillance (direct, semi direct ou indirect) ne devient plus le critère primor-dial. Le système mixte adopté actuellement pour les deux principaux instituts suisses devrait pouvoir encore être maintenu, mais aussi amélioré ; cela suppose

Disponible sur le site internet de la CFB, sous : www.ebk.ch/f/publik/medienmit/20001/

MoU_FR.pdf.

2 Anne Héritier Lachat encore, compte tenu de leur rôle essentiel, un dialogue sérieux et critique avec les réviseurs, dialogue qui n’a peut-être pas encore eu lieu de manière suffisante ou suffisamment approfondie. Il reste là un chantier très important.

La modestie et la lucidité imposent toutefois de rappeler qu’aucune autorité ne peut éviter une crise et que la responsabilité première du contrôle des risques et de la stratégie à poursuivre repose (comme l’ont voulu les auteurs de la loi suisse sur les banques en 1933 déjà) sur les épaules des banques.

III. La réglementation, quelques mesures