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Clauses statutaires restreignant l’engagement des actions nominatives à impression différée ou supprimée

Dans le document Journée 2008 de droit bancaire et financier (Page 142-149)

sur les titres intermédiés

VII. Clauses statutaires restreignant l’engagement des actions nominatives à impression différée ou supprimée

De nombreux statuts de sociétés anonymes suisses contiennent une clause limi-tant l’engagement des actions nominatives à impression différée ou supprimée13. Ces clauses ont été adoptées pour éviter le risque inhérent à des mises en gage multiples. Puisque ces actions ne sont pas incorporées dans un papier-valeur, leur mise en gage s’effectue aujourd’hui par simple acte écrit, sans aucune mesure de publicité. L’acquéreur du gage n’a donc aucun moyen de s’assurer que les actions qu’il reçoit en gage ne sont pas en réalité déjà grevées d’un autre gage. Et comme le droit actuel ne prévoit pas de protection de l’acquéreur de bonne foi d’un gage sur les titres dématérialisés, ce créancier gagiste acquiert un gage qui sera primé par le gage qui grève par hypothèse déjà les actions (dont il ignore pourtant

134 ATF 11 III 23/2.

13 Cf. Eigenmann, La réalisation, p. 133.

13 Cf. notamment l’art. 243 al. 2 LP.

13 Cf. M. Lanz (V. , note de bas de page ), qui relève que l’art. 31 al. 2 LTI n’est pas de droit impératif.

13 Voir à ce sujet Eigenmann, La réalisation, p. 134.

13 Voir par exemple l’art. al. 3 des statuts de Novartis, disponibles sur le site internet de cette société (www.novartis.com/downloads/investors/Statuten-F.pdf) : “Des actions nominatives dématérialisées ne peuvent être gagées qu’en faveur de la banque qui est chargée de les gérer, le contrat devant être conclu par écrit. Il n’est pas nécessaire d’en informer la société. Le droit d’exiger la délivrance d’un titre peut être transféré à la banque bénéficiaire du gage. Pour être valable, la mise en gage d’actions nominatives requiert par ailleurs impérativement le transfert du titre”. Voir aussi l’exemple proposé par Forstmoser / Lörtscher, p. .

142 Bénédict Foëx l’existence)140. C’est pour éviter ce risque que des clauses statutaires prévoient que les actions dématérialisées ne peuvent être gagées qu’en faveur de la banque qui les gère141.

La validité de ces clauses en droit actuel est controversée. Une bonne partie de la doctrine estime en effet qu’elles ne sont pas compatibles avec les dispositions du droit des sociétés anonymes concernant les actes de disposition sur les actions142. On peut dès lors se demander s’il ne faudrait pas saisir l’occasion de l’entrée en vigueur de la LTI pour les supprimer. A cet égard, on peut relever que la mise en gage des titres intermédiés représentant des actions ne s’effectuera plus selon le Code civil, mais moyennant soit une bonification sur le compte du créancier, soit une convention de contrôle avec la banque dépositaire. Dans les deux cas, le risque de sûretés multiples et non coordonnées est pratiquement exclu143. Il ne se justifie dès lors plus de n’ouvrir qu’à la seule banque qui gère le compte la titularité du gage sur des actions “intermédiées”.

Les clauses statutaires en cause devraient pouvoir être supprimées (si les ac-tions sont des titres intermédiés) et être remplacées par une disposition indiquant que la constitution de sûretés sur les actions est soumise à la LTI144. Ces clauses constituent une entrave à la libre disposition des titres intermédiés difficilement justifiable au moment où un système nouveau, réputé cohérent et efficient, est mis en place. Il est temps que le constituant récupère la faculté de choisir la personne à qui il remettra ses actions en gage.

Conclusion

La LTI a été adoptée pour clarifier les relations et apporter de la sécurité juridique dans un domaine qui en a besoin14. Elle y contribuera grandement.

140 Cf. Forstmoser / Lörtscher, p. 3 s.

141 Cf. par exemple : Forstmoser / Lörtscher, p. ; Zobl / Lambert, p. 130 s. ; Brunner, p. 1.

142 Voir par exemple Zobl, Art. -0 ZGB, n. 10 ad art. 00 ; Brunner, p. 1 s.

143 Il faut toutefois rappeler que l’art. 30 al. 3 LTI réserve – de façon regrettable – la possibilité de disposer des titres intermédiés “hors LTI”, moyennant cession civile (les art. 14 ss CO étant alors applicables ; Message, pp. 0 et ; von der Crone / Bilek, p. 1 ; Foëx, Les actes de dis-position, p. 0). Cela ne devrait en principe pas mettre en péril les droits du créancier gagiste (et justifier le maintien des clauses statutaires en cause), l’art. 30 al. 3 LTI indiquant (dans des termes qui auraient pu être mieux choisis ; cf. Foëx, Les actes de disposition, p. 1) que les droits acquis selon la LTI priment les droits du cessionnaire, indépendamment du moment de la cession.

144 Simultanément, il serait souhaitable que les statuts règlent la conséquence de la conversion des titres intermédiés (art. LTI), de l’extinction des titres intermédiés (art. LTI) et de la cession des titres intermédiés (art. 30 al. 3 LTI) sur la constitution de sûretés.

14 Cf. en particulier l’art. 1 al. 2 LTI.

Les sûretés selon la loi sur les titres intermédiés 143

Il nous sera cependant permis d’exprimer trois regrets. Le premier d’entre eux tient en ce que la LTI n’exige pas que les inscriptions en compte soient plus précises. Car la LTI permettra non seulement de transférer les titres (aux fins de garantie ou non) et de créer des gages, mais également (et à raison) de constituer un usufruit sur les titres intermédiés. Cela sans exiger que la nature de ces diffé-rents droits ne résulte de l’inscription en compte. Il est dommage que l’on n’ait pas saisi l’occasion de l’adoption de ce nouveau système juridique pour apporter un peu de clarté là aussi.

Deuxième regret, que la LTI recoure à la notion de “sûreté” : il n’est pas dit qu’employer un mot pour trois institutions juridiques différentes contribue à cla-rifier les choses. A cela s’ajoute que les parties pourront être tentées de créer une

“sûreté”, sans vouloir choisir entre les trois types de droits que recouvre cette ap-pellation : la LTI ne les y oblige pas. On risque de devoir alors construire de toutes pièces un régime juridique pour cette sûreté anonyme, cette sûreté désincarnée, cette sûreté générique, car la loi ne le fait pas. Là non plus, la sécurité juridique n’y trouvera pas nécessairement son compte.

Enfin, avec le professeur Paul-Henri Steinauer, on regrettera que la LTI “ne comporte aucune disposition donnant une garantie institutionnelle” que la ges-tion des titres intermédiés par les dépositaires “respectera les disposiges-tions légales et qu’en cas de litige, le juge pourra disposer rapidement et de façon sûre des informations nécessaires”14. L’expérience démontre que, dans le domaine ban-caire aussi, la réalité dépasse parfois la fiction et que ce qui paraît impossible ou impensable peut arriver. Des garanties accrues quant à la qualité et la fiabilité de la détention intermédiée mise en place n’auraient pas été un luxe.

14 Cf. Steinauer, Les droits réels face à la dématérialisation, p. 14.

144 Bénédict Foëx

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Jurisprudence civile en droit bancaire et financier 200-200 14

JurisprudenCe Civile en droit bAnCAire et finAnCier 2007-2008

Nicolas de Gottrau*

I. Introduction

Lors de la Journée de droit bancaire et financier 2002, le Prof. Luc Thévenoz prenait des accents viticoles pour rappeler que “l’automne [étan]t la période des vendanges”, c’était “le moment de se pencher sur les grappes de la jurisprudence, d’en sonder le suc, d’en apprécier la qualité et la nouveauté”1. Las ! Il en va des vendanges comme de la jurisprudence, il est des années plus ou moins exception-nelles. Cette cuvée 2007-2008, contrairement à certains millésimes précédents qui nous avaient valu de nombreux grands crus, est abondante, certes, mais moins riche d’enseignements que les années antérieures. Cette année, donc, pas de revi-rements spectaculaires de jurisprudence, ni de nouveautés fracassantes, mais des arrêts qui nous permettent néanmoins de passer en revue certains des principaux cépages (de droit bancaire privé) des vignobles de Mon Repos.

Dans cette revue des principaux arrêts rendus en matière civile bancaire et financière, nous suivrons la summa divisio établie par les auteurs de la chronique de droit privé bancaire suisse publiée chaque année dans la Revue suisse de droit des affaires et du marché financier (RSDA/SZW)2. Le parti pris ici n’est pas de présenter tous les arrêts recensés dans cette chronique – on en compte 503 –, mais seulement ceux qui nous semblent les plus intéressants ; on y ajoutera quelques arrêts rendus après la publication de la chronique susmentionnée. On présentera ainsi quelques décisions en matière de contrats bancaires, plus spécifiquement

* Docteur en droit, LL.M., avocat, Python & Peter, Genève.

1 Thévenoz, L., “Développements récents en droit privé”, in Journée 2002 de droit bancaire et finan-cier, Berne (Stämpfli) 2003, p. 1.

2 Pour l’année qui nous concerne, voir Thévenoz, L. / Emmenegger, S., “Le droit privé bancaire suisse 200-200 / Das schweizerische Bankprivatrecht 200-200”, RSDA 4/200, p. 41 à 43.

Dans la suite de cet article, référence sera aussi faite aux sommaires bilingues publiés par ces deux auteurs (par exemple : “rés. in [r2]”). A noter que les principaux arrêts du Tribunal fédéral font l’objet d’un commentaire dans la rubrique “Actualités” du site du Centre de droit bancaire et financier (CDBF) de la Faculté de droit de l’Université de Genève, www.unige.ch/cdbf (ci-après

“actualité CDBF”).

3 Certains de ces arrêts ont d’ailleurs déjà été examinés dans la Chronique de jurisprudence civile de la Journée de droit bancaire et financier 200.

14 Nicolas de Gottrau en matière de devoir d’information de la banque, ainsi que de convention de banque restante (ch. II), et surtout en matière de gestion de fortune et conseil en placements (ch. III). On examinera ensuite quelques arrêts relatifs aux crédits (ch. IV) et aux sûretés (ch. V), avant de présenter des décisions rendues en matière de reddition de comptes et de devoir de renseignements de la banque (ch. VI).

II. Contrats bancaires – Devoirs d’information et de diligence

Dans le document Journée 2008 de droit bancaire et financier (Page 142-149)