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Slumbers ou habitants des slums : slums of hope, slums of dispair

PREMIÈRE PARTIE

TIQUES URBAINES

1.3 L ES SLUMS : NOTIONS ET PERCEPTIONS

1.3.4 Slumbers ou habitants des slums : slums of hope, slums of dispair

L’étiquetage des habitants des quartiers défavorisés continue à les encadrer et les exclure. Si un immigrant arrive à quitter son slum et change de quartier, il acquiert un qualificatif spécial employé pour le discriminer. C’est le cas du peladito au Mexique, du cabecita negra de Buenos Aires ou du favelado au Brésil (Romero 1976 : 323).

Au Brésil, le terme favelado suggère un comportement irrégulier ou anomique, caractéristique d’une personne vivant dans la fave-la et qui mérite d’y vivre. Il est utilisé comme stéréotype pour

décrire un comportement individuel, mais aussi le mode de vie d’un groupe social dans des conditions difficiles. Les favelas son reconnues comme des nids de délinquance et de narcotrafi-quants, mais elles sont moins connues en tant qu’espaces abritant les meilleures écoles de samba par exemple (Gilbert 2007 : 703).

Le stéréotype, qui a pesé sur ces espaces d’exclusion dans les villes, a rendu invisibles les efforts des plus démunis dans la lutte pour survivre et pour améliorer leurs conditions de vie. Le pauvre, synonyme de noir, hispanique, immigrant et délinquant, est surtout associé à la catégorie d’incapable.

L’aptitude qui permettra de sortir d’une situation de précarité vers une autre moins incertaine, dépendrait de la capacité à ren-forcer ses ressources personnelles et sociales. Cette condition serait une prémisse dans l’explication de l’hétérogénéité histori-quement liée aux espaces où habitent les plus démunis.

Cette différentiation aurait été introduite en 1960, par Charles Stokes (1962) dans ces deux catégories permettant de différentier les slums et leurs habitants : slums of hope et slums of despair.

Cette catégorisation apportera à la recherche sur ces zones une dimension d’hétérogénéité dans ces espaces, qui mènera à des études approfondies de la diversité que ceux-ci représentent.

Les études commencent à aborder différents aspects des lieux, comme leur origine, les formes de construction et d’occupation dont ils font l’objet, entre autres. A tel point que ces considéra-tions ont permis d’élargir la vision de ces espaces dans les villes, ou l’étiquetage social du pauvre l’associe, depuis un langage qui s’inscrit dans la peur sociale.

Dans sa théorie des slums, Stokes explique comment leur exis-tence est déterminée par la croissance économique, et qu’en même temps, celle-ci définirait le lieu d’habitation des gens dans les villes. Pour l’auteur, les slums en Amérique seraient des lieux de transition pour l’intégration des immigrants à la vie sociale, économique et politique de la ville. Leur fonction serait d’accueillir les classes non intégrées, comme les pauvres et les

étrangers. Les slums de l’espoir accueilleraient les individus qui réus-siraient cette transition, alors que dans les slums du désespoir reste-raient ceux qui n’ont pas les capacités ou le désir de s’intégrer à la ville.

Les slums de l’espoir feraient donc référence à un type de po-pulation qui cherche à s’en sortir et qui possède les dispositions pour le faire. En termes économiques, les employables (définis par Charles Stoke comme étant de type ascenseur). Ce type de slum serait un lieu de transition accueillant les migrants pendant qu’ils acquièrent les ressources nécessaires (linguistiques et édu-catives) pour s’intégrer à la ville. Ces slums auraient tendance à disparaître, situation qui dépendrait du ralentissement des flux migratoires, des taux d’absorption de la main-d'œuvre et du dé-veloppement économique de la ville.

Les slums du désespoir, par contre, ne disparaitraient pas.

Leurs habitants n’auraient pas les ressources nécessaires, ni les capacités, ni les intentions de surmonter leur situation. Dans cette catégorie, l’auteur fait référence aux délinquants, aux prosti-tuées, aux toxicomanes, entre autres. Le manque d’initiative et d’organisation des gens aura de l’influence sur leur ségrégation.

Pour l’auteur, être pauvre et être incapable sont deux situations différentes.

Dans cette différenciation de slums, l’auteur explique com-ment l’appartenance à une caste, peut aussi constituer un moyen alternatif pour monter socialement et s’intégrer. L’appartenance à une caste donnerait des possibilités et des opportunités d’accéder à un emploi, selon une appartenance religieuse ou raciale, tout en contribuant aussi à la disparition des slums.

Quant à la pauvreté, l’auteur signale que selon une comparai-son entre les pays en voie de développement et les pays dévelop-pés, le niveau de vie est proportionnel au niveau de revenus. Les pauvres, dans les premiers, seraient ceux dont le niveau de vie resterait inférieur au niveau général, ceux qui n’arrivent pas à obtenir le minimum pour subvenir à leurs besoins. En revanche, dans un pays développé, le pauvre serait considéré comme tel par

rapport à ses capacités, entendues depuis l’autogestion, plutôt qu’en fonction de ses revenus.

Désormais, le pauvre resterait associé au criminel ou à l’anormal qui habite le slum et qui, par conséquent mérite de vivre là, ce qui laisse comprendre les mesures répressives qui lui sont réservées.

« Slums of ‘hope’ disappear as migration slows down.

Slums of ‘despair’ do not disappear. For in the slums of

‘despair’ live the poor ». (Stokes 1962 : 190)

Pour ONU Habitat (UN 2003 : 45), ces deux catégories font référence, plus qu’à une dynamique économique d’employabilité, à une façon d’habiter et de construire l’espace d’habitation. Les slums de l’espoir feraient donc référence aux territoires squattés pour l’auto-construction du logement dans les périphéries de la ville et les slums du désespoir correspondraient aux logements dété-riorés du centre-ville.

Les slums de l’espoir se caractériseraient par une appropriation collective d’un terrain de façon illégale, où les structures d’habitation sont auto-construites. La qualité de leur structure varie selon les matériaux employés, souvent des déchets et avec un accès aux services sanitaires de base.

Les slums du désespoir s’établissent dans des quartiers ou dans des zones résidentielles détériorés. Ce sont des zones dans les-quelles, avec le temps, les habitants ont abandonné le logement et ont déménagé ailleurs dans la ville. Leurs conditions environ-nementales et sanitaires contribuent à la dégradation de ces es-paces, qui sont récupérés en guise de logements bon marché.

Bien que cette catégorisation fasse référence à la structure du slum en tant que lieu d’habitation, elle ne parle pas de ses habi-tants ni de leurs modes de vie.

Ce qui devient clair, c’est que les slums, comme on le pensait, sont des espaces qui ne sont ni homogènes, ni désorganisés. Au contraire, ces espaces urbaines permettent d’apprendre de leurs formes d’organisation, de la diversité de leurs habitants, de leurs

pratiques et de leurs façons de s’adapter à la ville et d’en faire partie.