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Simulation des spectres de pertes faibles : le formalisme diélec-

3.2 EELS

3.2.2 Simulation des spectres de pertes faibles : le formalisme diélec-

Le comportement d’un solide soumis à une perturbation électromagnétique telle que celle induite par les électrons rapides est obtenu via la réponse diélectrique du matériau. Cette fonc- tion relie la variation du potentiel total dans le solide Vtot(q, ω) au potentiel lié à la perturbation extérieure Vext(q, ω) [69]. Pour un solide périodique, cette relation s’écrit :

VGtot(q, ω) =   G −1G G(q, ω)V ext  G (q, ω) (III.11)

fréquence angulaire égale à E/. La fonction diélectrique macroscopique est alors obtenue en considérant la composante G, G = 0,0 de l’inverse de la matrice diélectrique [69–71] :

M(q, ω) =

1

−100(q, ω)

(III.12)

En règle générale, G G est une matrice dont chaque composante est une fonction complexe

de la fréquence du champ excitateur et du moment transféré lors de l’intéraction. La section efficace de diffusion inélastique de perte d’énergie pour un électron incident rapide (typiquement accéléré à 200 kV) s’exprime alors de la façon suivante [64] :

2σ ∂Ω∂E 1 q2Im  −1 M(q, ω) (III.13)

Ainsi le signal obtenu lors d’expériences EELS est directement lié à la fonction diélectrique macroscopique M(q, ω) via le facteur Im

−1 M(q,ω)

, appelé fonction de perte d’énergie. Le calcul de cette fonction peut être réalisé de manière simple à partir des parties réelle Re[M(q, ω)] et

imaginaire Im[M(q, ω)] de la fonction diélectrique [64] : Im  −1 M(q, E) = Im[M(q, ω)] Re[M(q, ω)]2+ Im[M(q, ω)]2 (III.14)

Ces deux grandeurs représentent respectivement la polarisation et l’absorption. Il est intéressant de voir qu’à haute énergie, lorsque les effets d’absorption et de polarisation deviennent faibles,

i. e. Im[M(q, ω)] ≈ 0 et Re[M(q, ω)] → 1, la fonction de perte d’énergie peut être assimilée à Im[M(q, ω)] :

2σ

∂Ω∂E ∝ Im[M(q, ω)] (III.15)

C’est la limite des hautes énergies (pertes de cœur) à partir de laquelle la section efficace de diffusion est reliée à la règle d’or de Fermi (cf. équation III.22).

Dans les deux codes de calcul à notre disposition pour la simulation des spectres de pertes faibles (VASP et WIEN2k), la fonction diélectrique est déterminée à partir du calcul de la polarisabilité du matériau, notée χ [70, 72] :

G G = δG G 4πe 2 (q + G)2τχ 0  G G (III.16)

manière dont la densité électronique répond à la perturbation extérieure. Dans l’approximation la plus simple (approximation des particules indépendantes - IPA pour Independent Particle Approximation), χG G, notée alors χ0G G, s’exprime en fonction de transitions indépendantes

entre états monoélectroniques. Son expression matricielle dans l’espace de Fourier est donnée par la relation [70, 72] : χ0G G(q, ω) = 2  i,f (ff − fi) Ψi|e−i(q+ G).r|Ψf Ψf|e−i(q+ G).r|Ψi Ei− Ef +ω + iη (III.17)

où i et f sont des indices pour désigner respectivement les états inital et final, fi et ff sont à

l’origine des distributions de Fermi-Dirac traduisant l’occupation de ces mêmes états, Ψi et Ψf

sont les orbitales de Kohn et Sham et Ei et Ef les valeurs propres correspondantes, et η est une

grandeur infinitésimale traduisant la conservation de l’énergie lors d’une transition d’un état i à un état f [73].

Les moments transférés q sont généralement faibles, si bien qu’un calcul de la fonction di- électrique macroscopique dans l’approximation dipolaire (q ≈ 0) peut s’avérer suffisant pour interpréter les données expérimentales. Cette approximation est très souvent vérifiée [64, 74] et les résultats présentés dans ce manuscrit ont tous été obtenus dans le cadre de cette approxi- mation. Le calcul de la fonction diélectrique tel que nous l’avons décrit précédemment nécessite l’évaluation des états électroniques Ψi et Ψf dans l’approximation monoélectronique, et nous

avons utilisé la théorie de la fonctionnelle de la densité pour ces calculs.

L’IPA peut s’avérer insuffisante pour reproduire les spectres expérimentaux, mais χ0G G sert

de point de départ aux calculs plus complexes de polarisabilité. Dans l’approximation de la phase aléatoire (RPA pour Random Phase Approximation) [75], χG G du matériau peut s’exprimer

selon une équation de la forme [73] :

χG G = χ0G G(χ0G G− χG 0Gνχ0G G)−1χ0G G (III.18)

Le terme supplémentaire, χ0G Gνχ0G G, correspond à la partie microscopique de l’interaction

coulombienne, elle est déterminée par les éléments non diagonaux de la matrice diélectrique (G,G’ = 0). Il décrit les effets de champs locaux (LFE pour Local Field Effects) provenant de la polarisation du nuage électronique des atomes induite par le passage de l’électron rapide [72] : ces champs dépolarisants varient sur des distances interatomiques, et apparaissent sous la forme de termes non diagonaux dans la matrice −1G G(q, ω). Leur contribution à la réponse

diélectrique macroscopique est variable selon les matériaux. Elle est essentiellement liée aux inhomogénéités de densité électronique et s’avère importante pour nos composés.

La résolution de l’équation III.12 nécessite de déterminer les éléments de matrice G G jusqu’à

un niveau de coupure, puis d’inverser la matrice, et d’en prendre l’inverse du premier terme de la diagonale. L’inversion de cette matrice peut être très coûteuse en temps de calcul, et négliger les effets de champs locaux permet de simplifier le problème en calculant uniquement le premier terme diagonal sans avoir besoin de faire une inversion, i. e. :

N LF EM (q, ω) = 00(q, ω) (III.19)

La prise en compte des effets de champs locaux dans le calcul de la fonction diélectrique est implémentée dans le code VASP [71] et non dans WIEN2k, ce qui justifie le choix de cette première approche. Le programme implémentée dans le code VASP calcule la partie imaginaire de chaque composante du tenseur diélectrique, pour un moment transféré nul, en considérant toutes les transitions possibles entre les états de valence et de conduction. L’évaluation de la fonction diélectrique est réalisée à partir d’une expression telle que l’équation III.17, sur les états de nombre quantique principal n et n’, en considérant les transitions interbandes (n = n’). Cette approche détermine la fonction diélectrique longitudinale pour un moment transféré nul et prend en compte uniquement les transitions interbandes. La partie imaginaire Im[M(0, ω)]

est tout d’abord obtenue à partir de la polarisabilité χ0G G, et est suivie d’une transformation

de Kramers-Krönig pour obtenir la partie réelle. La contribution des transitions intrabandes (n = n’) sur les spectres de pertes faibles a été testée à partir du module OPTIC [69], implémenté dans le code WIEN2k, qui permet une telle distinction mais ne prend pas en compte les ef- fets de champs locaux. Les transitions intrabandes se sont avérées très faibles dans le domaine d’énergie sondé en EELS pour les composés étudiés.

Il est à noter que le calcul de la fonction diélectrique dans l’approximation RPA ne permet pas toujours de reproduire le spectre expérimental de façon satisfaisante. Des approches permet- tant d’aller au delà de cette approximation ont été développées ces dernières décennies, telles que le formalisme GW, offrant une meilleure description des valeurs propres [76], ou encore la DFT dépendente du temps (Time Dependent (TD)-DFT) [73]. Une approche différente consiste à considérer l’excitation comme un problème à deux particules, un électron et un trou, et à ré- soudre l’équation de Bethe-Salpeter correspondante [73]. Cette équation, qui décrit l’excitation de manière exacte, donne en général des simulations très proches des spectres expérimentaux, mais sa résolution est très lourde en temps de calcul et n’est pour le moment réalisable que pour des composés simples. De tels calculs sont en cours pour simuler la fonction diélectrique de Cr2AlC. Des exemples récents ont montré que l’approche TD-DFT, via une meilleure prise

en compte du traitement des effets d’échange et de corrélation électron-trou, permettait d’ob- tenir des résultats très proches de l’expérience et de simulations obtenues par la résolution de l’équation de Bethe-Salpeter [77]. Ces méthodes permettent aujourd’hui de simuler les spectres de pertes faibles ou d’absorption X dans le domaine visible et proche ultraviolet et de décrire les états excitoniques dans la bande interdite des isolants ou des semi-conducteurs [78, 79].

Pour terminer, notons que la réponse diélectrique macroscopique M(q, ω) est un tenseur, qui

dans le cas d’une maille hexagonale se réduit à deux composantes correspondant à la réponse diélectrique dans les plans de base (M{a,b}) et le long de l’axe c (Mc) :

[M(q, ω)] = ⎡ ⎢ ⎢ ⎢ ⎣ M{a,b}(q, ω) 0 0 0 M{a,b}(q, ω) 0 0 0 Mc(q, ω) ⎤ ⎥ ⎥ ⎥ ⎦ (III.20)

Du fait des effets d’angles de collection, un spectre EELS mélange en général ces différentes contributions.