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Limitations liées à la température des dépôts de films minces

2.1 Synthèse de films minces de phases MAX

2.1.2 Limitations liées à la température des dépôts de films minces

L’essentiel des dépôts de films minces de phases MAX réalisés à ce jour nécessite des tem- pératures comprises entre 675°C et 1000°C. Ceci constitue une limitation pour des applications

industrielles tant par le coût imposé par la haute température que par l’utilisation de substrats qui n’évoluent pas en température. Néanmoins la pulvérisation magnétron permet une synthèse à des températures bien inférieures à celles requises pour la synthèse de phases MAX sous forme massive, par des procédés de type compression isostatique à chaud (HIP pour "Hot Isostatic Pressure") par exemple (1000-1450°C). En effet, la pulvérisation magnétron, et a fortiori les techniques PVD, ne permettent pas de synthétiser des films minces à l’équilibre thermodyna- mique. L’apport d’énergie est non seulement fourni par la température, mais aussi par l’énergie des espèces incidentes qui se condensent sur le substrat. Cette énergie peut être aquise au cours de la pulvérisation ou par le biais d’un potentiel appliqué au substrat, de quelques volts à plu- sieurs dizaines de volts. Ceci implique un bombardement du film au cours de la croissance et donc un transfert d’énergie par collisions inélastiques. Par ailleurs la quantité d’espèces ionisées (et donc accélérées par ce potentiel) qui atteint le substrat peut également être contrôlée par la décompensation de chaque cathode magnétron. Ces effets seront détaillés plus largement dans la partie 3.1.2. Ils contribuent à diminuer la température de synthèse des films minces par rapport à celle requise pour l’élaboration de composés sous forme massive. Toutefois un des objectifs futurs demeure la détermination des conditions appropriées pour déposer des films minces de phases MAX à des températures encore plus faibles afin de favoriser les applications industrielles.

Il existe deux phases, Cr2AlC et V2GeC, pour lesquelles les températures minimales de synthèse reportées dans la littérature sont respectivement de 370°C [25] et 450°C [32]. Une température aussi basse a permis d’explorer la synthèse de Cr2AlC sur acier [37] et d’autres alliages industriels [25, 28] et ce sur des surfaces plus importantes que celles généralement utilisées à l’échelle d’un laboratoire [37]. Des films de Ti2AlC ont également été déposés sur acier sans toutefois atteindre une température inférieure à 850°C [35]. Eklund et coll. [63] évoquent une inhomogénéité de diffusion de surface des éléments M, selon qu’il s’agisse d’un élément de la colonne 4, 5 ou 6, pour expliquer ces différences de température. Cependant, l’énergie de liaison M-C est plus élevée lorsque M = Cr que lorsque M = Ti [64], et si l’on considère que l’énergie d’activation de diffusion de surface des éléments M est proportionnelle à la force de la liaison M-C, évoquer une mobilité de surface des éléments M et C supérieure dans le cas de Cr2AlC par rapport à ceux de V2AlC et Ti2AlC est difficilement crédible. Il est toutefois intéressant de constater que la synthèse de films minces par pulvérisation magnétron de phases 211 est globalement obtenue à plus basse température (450-700°C) que les phases 312 (>800°C) et 413 (>900°C). Une telle différence est parfaitement illustrée dans les systèmes Ti-Si-C (900°C pour Ti3SiC2, et 1000°C pour Ti4SiC3) [22], Ti-Ge-C (900°C pour Ti2GeC et Ti3GeC2, 1000°C pour Ti4GeC3) [24], et dans le système Ti-Al-C (700°C pour Ti2AlC [36] et

Elément Pression de vapeur saturante (Torr) Al ∼ 1,4 × 10−4 Si ∼ 2,5 × 10−8 Ge ∼ 7 × 10−6 Sn ∼ 1,5 × 10−4 Ti ∼ 3 × 10−9 Cr ∼ 2 × 10−6 C (*) ∼ 10−10

Tableau II.1 – Pression de vapeur saturante de différents éléments à 1000°C [65]. * à 1500°C

800°C pour Ti3AlC2 [18]). Les raisons permettant d’expliquer ces phénomènes restent floues. Les phases MAX d’ordre n différents se distinguent par le nombre n de couches d’octaèdres (le changement induit par n porte essentiellement sur le paramètre c et non a (cf. chapitre I)), et il est possible que les longueurs de diffusion plus importantes requises pour des cellules unitaires plus longues nécessitent des énergies d’activations plus élevées [9].

La température du substrat est également un paramètre limitant lorsqu’elle est trop éle- vée puisqu’elle entraine la ségrégation et la désorption des éléments qui se condensent sur le substrat. Ceci s’applique notamment à l’élément A, et plus particulièrement pour les cas de l’aluminium ou de l’étain. En effet les pressions de vapeur saturantes de Al et Sn sont élevées pour une température donnée en comparaison des autres éléments constitutifs des phases MAX comme le montre le tableau II.1. La ségrégation et la désorption de l’élément A se font logi- quement au détriment de la croissance de la phase MAX, que ce soit en terme de nucléation (ségrégation) mais également de stœchiométrie (désorption). Ces effets ont été mis en évidence sur les systèmes Ti-(Al, Si, Sn, Ge)-C [9]. La désorption de l’aluminium, pour une température du substrat élevée, peut néanmoins être contrecarrée si la stœchiométrie du flux total d’espèces arrivant sur le substrat est très proche de la stœchiométrie de la phase MAX [46].

Notons enfin que la plupart des films minces de phases MAX ont été déposés à haute température sur substrat monocristallin d’oxyde de magnésium (111) ou de saphire (0001) pour favoriser une croissance épitaxiale. Ce type de croissance requiert généralement une forte mobilité (i. e. énergie) des atomes qui se condensent sur la surface du film. Lorsque cette énergie, principalement apportée par la haute température, diminue, les adatomes sont moins mobiles en surface et ont tendance à favoriser une croissance polycristalline (cf. 2.1.3). Les études portant sur la synthèse de films minces de phases MAX purs à des températures relativement basses, 450°C pour Cr2AlC [37] et V2GeC [32], 690°C pour Ti2AlN [48], conduisent à des films

b a c b c a a b c axe de zone [111] b) MgO a) Al2O3 O Al O Mg 2.98 Å a = 4.7588 Å c = 12.992 Å

Figure II.4 – Représentations schématiques des mailles cristallines du saphire et de l’oxyde de magné-

sium. La surface (111) non reconstruite du MgO présente soit des plans purs Mg (atomes Mg grisés) ou O en b)

polycristallins, même lorsqu’un substrat monocristallin favorisant l’épitaxie est utilisé.