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Des mesures de résistivité à température ambiante ont été réalisées par la méthode quatre- pointes sur trois films minces de Cr2GeC. Le principe de cette mesure de résistivité est illustré par la figure II.26 et consiste à mesurer la différence de potentiel entre les deux pointes cen- trales lorsqu’un courant circule entre les deux pointes extrêmes. Les deux premiers films sont déposés directement sur saphire. Ils possèdent une orientation majoritaire (10¯13) pour l’un, correspondant au diffractogramme de la figure II.13, et (000) pour l’autre, correspondant au diffractogramme de la figure II.24 (PGe = 40 W). Le troisième film est quant à lui déposé avec

une couche tampon de TiN sur saphire. Une épaisseur moyenne de 190 nm a été mesurée par MET pour ces trois échantillons. Les résistivités mesurées à température ambiante sont de 66

μΩ.cm pour le film orienté (10¯13) et 53 μΩ.cm pour le film orienté (000) (dépôts directs sur

le substrat). La valeur obtenue pour le film épitaxié (000) sur la couche tampon de TiN est de 55 μΩ.cm. Toutefois cette valeur inclue la contribution de la couche tampon. Une valeur de 66 μOhm.cm a également été obtenue pour un échantillon ayant un excès de germanium. Cet échantillon a apparemment une qualité cristalline et une pureté similaires si l’on excepte les ilôts de germanium qui, comme nous pouvions nous y attendre, ne contribuent pas à la ré- sistivité mesurée. Au contraire, un échantillon ayant une concentration en carbone plus élevée, correspondant au diffractogramme présenté sur la figure II.23 (PC = 290 W), a conduit à une

résistivité de 86 μΩ.cm, soit 30% supérieure.

Pour les deux échantillons déposés sur saphire, des mesures de résistivité en fonction de la température, entre 15 K et 295 K, ont été effectuées dans un cryostat à helium à l’Université

Figure II.26– Illustrations schématiques des méthodes de mesure de résistivité quatre pointes et Van der Pauw.

Figure II.27 – Resisitivité en fonction de la température pour des films minces de Cr2GeC principa-

lement orientés (10¯13) (ligne pleine) et (000) (ligne tirets-pointillés), correspondants respectivement aux diffractogrammes de RX présentés sur les figures II.13 et II.24 (PGe = 40 W).

Catholique de Louvain La Neuve. Ces mesures ont été réalisées en géométrie Van der Pauw. Dans cette configuration, comme l’illustre la figure II.26, l’échantillon est de forme carrée et les mesures de tension et de courant se font suivant les côtés opposés de l’échantillon. La figure II.27 présente les résultats des mesures de résistivité en fonction de la température pour les deux échantillons. Les rapports de résistivité résiduelle, RRR (Residual Resistivity Ratio) =

ρ295K/ρ15K, obtenus à partir de ces courbes sont respectivement 10,4 et 9,9 pour les échantillons orientés (10¯13) et (000). Les valeurs de résistivité à température ambiante obtenues à partir de ces courbes sont en bon accord avec celles obtenues par la méthode quatre pointes : ρ(10¯13) = 58

μΩ.cm et ρ(000)= 51 μΩ.cm, à comparer à 66 μΩ.cm et 53 μΩ.cm. La différence entre les valeurs de ρ(10¯13) obtenues par chaque méthode est probablement une conséquence de l’incertitude de mesure, plus prononcée pour le film orienté (10¯13) qui est plus rugueux que le film orienté (000).

La conductivité de Cr2GeC, sous forme de matériau massif, n’est pas reportée dans la littérature. Nous pouvons simplement noter que les valeurs obtenues sont plus faibles que celles reportées pour Cr2AlC (72-74 μΩ.cm) [81, 100]. Les résistivités des carbures de phase MAX à base de chrome sont supposées être parmi les plus élevées des phases MAX. Cr2AlC (Cr : élément du groupe 6) possède notamment une plus faible conductivité que Ti2AlC (Ti : élément du groupe 4) et V2AlC (V : élément du groupe 5) [9]. La raison est que les états hybridés Cr

d - Al p sont pleins [101], ce qui conduit à une conductivité relativement faible à cause d’une

mobilité réduite [21, 100]. De la même manière les valeurs de résistivité reportées pour Ti2GeC et V2GeC sont comprises entre 15 et 30 μΩ.cm, à comparer à 53-66 μΩ.cm pour les films de Cr2GeC ici présentés. Par ailleurs, notons que les rapports de résistivité résiduelle, proches de 10, sont des indicateurs d’une relativement bonne qualité cristalline.

En première approximation, l’anisotropie de conductivité de Cr2GeC peut être reliée à sa structure électronique anisotrope. La figure II.28 présente la structure de bande de Cr2GeC. Les états électroniques proches du niveau de Fermi sont principalement des états Cr d qui sont anisotropes. Pour les directions Γ → A, H → K et M → L, liées à la structure électronique selon l’axe c, une seule bande croise le niveau de Fermi (dans la direction M→ L). La situation est différente pour les autres orientations puisque plusieurs bandes croisent le niveau de Fermi le long des directions Γ → K, Γ → L, A → H et L → A, qui correspondent à la structure électronique dans les plans de base. Cependant, cette description simple ne permet pas de décrire précisément les propriétés de transport des phases MAX. Il est aujourd’hui bien établi que ces propriétés ne peuvent pas être comprises à partir de calculs de structure électronique à l’état fondamental [9], comme la vitesse de bande ou encore la densité d’états au niveau de Fermi, mais sont largement déterminées par des processus de diffusion des porteurs de charge.

Figure II.28 – Structure de bandes (Le niveau de Fermi est indiqué par une ligne horizontale) et première zone de Brillouin de Cr2GeC.

Les mobilités de porteurs sont bien plus faibles dans les phases MAX à base de chrome que celles à base de titane, ce qui n’est pas surprenant puisque les états d très localisés conduisent généralement à des mobilités faibles.

Il existe quelques travaux discutant de l’anisotropie de résistivité dans les phases MAX sur la base de comparaisons entre des valeurs mesurées sur des échantillons massifs polycristallins et des films minces épitaxiés ou fortement texturés. Cependant, certaines de ces études sont menées sur des échantillons multiphasés [33, 51], et dans ce cas, les différences entre résistivités mesurées sur des échantillons massifs polycristallins et des films minces présentant une seule orientation peut être expliquée par des quantités non négligeables de phases secondaires plus que par l’anisotropie. Scabarozi et coll. [102] ont réalisé des mesures sur un film mince monophasé et parfaitement orienté (000) de Ti2GeC, et une comparaison avec des échantillons massifs polycristallins suggère que l’anisotropie de conductivité est relativement faible avec un facteur 1,6 entre les conductivités dans le plan de base et le long de l’axe c.

Pour relier ces résultats aux mesures réalisées sur Cr2GeC, notons tout d’abord que la résistivité du film orienté (10¯13) est un mélange entre la réponse dans les plans de base et selon l’axe c. Néanmoins, il est possible de tirer certaines conclusions en comparant les résistivités idéales ρi(T) des deux échantillons présentés sur la figure II.27. La résistivité idéale est obtenue

à partir de la loi de Matthiessen :

ρ(T ) = ρr+ ρi(T ) (II.1)

où T est la température, ρ(T) la résistivité mesurée, ρr la résistivité résiduelle et ρi(T) la

résistivité idéale. Cette dernière dépend uniquement du couplage porteur de charge-phonon, c’est à dire qu’elle est indépendante des densités de défauts et d’impuretés. Puisque ρi(T) varie

linéairement avec la température entre 100 et 295 K, nous pouvons calculer la pente de cette variation linéaire qui donne des informations sur le couplage porteur de charge-phonon. Les pentes sont respectivement de 0,21 μΩ.cm/K et 0,18 μΩ.cm/K pour les échantillons orientés (10¯13) et (000). Ces valeurs mettent en évidence un couplage porteur de charge-phonon relati- vement important dans les phases MAX. Pour comparaison, les pentes sont d’environ 6×10−3

μΩ.cm/K pour le cuivre et 5 μΩ.cm/K pour YBa2Cu3O7 (couplage porteur de charge-phonon respectivement faible et fort [103]). Ce résultat n’est pas surprenant puisque le couplage por- teur de charge-phonon est visiblement élevé dans les phases MAX à base de chrome [94]. Ces résultats diffèrent des mesures réalisées sur un échantillon massif de Ti2GeC et un film mince monophasé et orienté (000) de Ti2GeC, puisque les pentes des courbes de résistivité sont en- viron deux fois plus importantes pour Cr2GeC que pour Ti2GeC (cf. figure 1 de la référence

[102]). Ceci est en accord avec un couplage porteur de charge-phonon plus élevé pour Cr2GeC que pour Ti2GeC [94]. De plus, les différences entre les pentes des courbes de résistivité pour des films de différentes orientations indiquent que le couplage porteur de charge-phonon est proba- blement anisotrope. L’amplitude de l’anisotropie est similaire à celle des métaux de structure hexagonale compacte [104]. Ceci est contraire à l’anisotropie beaucoup plus importante que l’on attendrait à partir d’une simple analyse de la structure de bandes. Ainsi, à partir de ces résultats, nous pouvons donc proposer que la différence de résistivités intrinsèques de films minces d’orientations différentes ne peut pas être interprétée comme un effet de la structure de bandes anisotrope de Cr2GeC, mais reflète l’anisotropie du couplage porteur de charge-phonon. Une telle anisotropie du couplage porteur de charge-phonon souligne à nouveau les limitations d’une interprétation des propriétés de transport des phases MAX en seul terme de structure électronique à l’état fondamental. Ce raisonnement est également supporté par la détermination des anisotropies des réponses diélectriques, temps de vie des porteurs et processus de diffusion dans Ti2AlN, Ti2AlC, Ti3AlC2 et Ti3SiC2 [105–107].

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Films minces de Ti

2

AlC et Ti

3

AlC

2

Deux films minces de Ti2AlC et Ti3AlC2 ont été réalisés dans un autre bâti de dépôt par pulvérisation magnétron à l’Université de Linköping. Le protocole est très similaire à celui employé pour le dépôt de films Cr2AlC et Cr2GeC. Les substrats α-Al2O3(0001) ont été nettoyés à l’isopropanol puis à l’acétone dans un bain à ultrasons et recuits à haute température pour promouvoir une reconstruction de surface. Les films minces ont été déposés par pulvérisation de trois cibles de titane, d’aluminium et de graphite. La cible d’aluminium est située sur l’axe face au substrat, alors que les cibles de titane et de graphite sont inclinés à 35°. La pression de base dans l’enceinte est d’environ 10−6 Pa, et de 0,5 Pa lors de la pulvérisation par un plasma d’Argon (pureté 99,9999%). Pour favoriser la croissance de Ti2AlC et Ti3AlC2, une couche tampon de TiC a été déposée préalablement sur les substrats avant d’entamer la pulvérisation de la cathode d’aluminium et la croissance de la phase désirée. En ajustant les puissances sur les trois cibles, Ti2AlC et Ti3AlC2 ont été déposés à 770°C. La synthèse de ces films est décrite plus précisément dans les travaux de thèse de J. Frodelius [108]. De plus amples informations concernant le bâti de pulvérisation sont disponibles en référence [36].

La figure II.29 présente les diffractogrammes de RX de Ti2AlC et Ti3AlC2 en géométrie quasi-symétrique. Ces films sont monophasés et ont une croissance exclusivement suivant l’axe

10 20 30 40 50 60 70 80 10-1 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 1010 (1 014) Al2 O3 (0006) Ti C (1 11 ) Ti C (2 22) Ti C (222) Ti C (111) (0010) (0008) (0 006) (0002) (0004) (0 014) (0 012) (0 010) (0 008) (0 006) (0 004) In tensit é (u. a. , échelle logarit hmique) 2θ (°) (0002) Ti2AlC Ti3AlC2

Figure II.29 – Diffractogrammes de RX θ(+0,4°)-2θ de films minces Ti-Al-C déposés sur substrats

α-Al2O3 (0001) avec dépôt préalable d’une couche tampon de TiC (111).

orientés (10¯14) parallèlement aux plans (0001) du saphire (la raie (10¯14) de Ti3AlC2 est moins intense que la raie (0006) alors que son facteur de structure est plus élevé).

Les figures II.30 et II.31 montrent des φ-scans obtenus sur les taches Al2O3 (10¯14), TiC (311) et Ti3AlC2 (10¯14)/Ti2AlC (10¯13). Les deux films, ainsi que la couche tampon, sont épitaxiés et possèdent des relations d’orientations similaires avec le substrat. Nous pouvons constater que la couche tampon et le film présentent un décalage de 30° en φ par rapport à la raie (10¯14) du saphire. Par ailleurs, la raie (311) de TiN présente une symétrie six et non trois, comme attendue dans un système cubique. Ceci est dû à la présence de maclage (twinning) dans l’empilement des plans (111) de la phase cubique TiC qui passe d’une séquence ABCABC à ABCBCA (A, B et C sont des monocouches atomiques successives). Ce maclage est communément observé pour le dépôt des couches tampon de TiCx. La relation d’épitaxie

des films est donc MgO(111)[10¯10]TiC(111)[1¯10]MAX(0001)[11¯20].

La microstructure des films minces a été étudiée par MET. Sur la figure II.32, les change- ments de contrastes suivant la direction de croissance de Ti2AlC (a) et de Ti3AlC2 (bas et haut du film en (c)), tout comme les trainées de diffusion inélastique entre les taches de diffraction (000) ((b) et (d)), indiquent la présence de nombreux défauts. Ces observations sont en accord avec la largeur des pics de diffraction en géométrie symétrique et asymétrique (rocking-curves :

Figure II.30 – Diffractogrammes de RX en φ du film Ti3AlC2 déposé sur Al2O3 en présence d’une couche tampon de TiC effectués sur les raies Al2O3(10¯14), TiC (311) et Ti3AlC2(10¯14).

Figure II.31– Diffractogrammes de RX enφ du film Ti2AlC déposé sur Al2O3en présence d’une couche

Figure II.32 – Micrographies en vue transverse du film Ti2AlC (a) et Ti3AlC2 (c) déposés sur Al2O3 (0001) suivant l’axe de zone [1¯100] de la phase MAX. Clichés SAED des films de Ti2AlC (b) et Ti3AlC2 (d) corroborant la croissance suivant les plans de base avec la présence des rangées systématiques 000.

FWHM ∼ 1,1°). Nous n’avons pas cherché à déterminer la nature de ces défauts, mais il est possible que de nombreuses fautes d’empilement soient présentes dans ces films. Ce type de défauts est en effet très courant dans les phases MAX en général, en raison de leur structure lamellaire. Les trainées de diffusion entre les pics de diffraction {000} indiquent que ces fautes d’empilement sont suivant les plans de base, en bon accord avec la littérature [109–113]. Les fautes d’empilement se traduisent notamment par la présence de quelques cellules unitaires de Ta2AlC [114] ou de Ta6AlC5 [115] dans des grains de Ta4AlC3, de Ti7SnC6 dans des grains de Ti2SnC [116] ou encore de TiC, Ti2AlC et Ti5Al2C3 dans des échantillons massifs [97] et de films minces [17] de Ti3AlC2. Lors d’une synthèse par pulvérisation magnétron, il est possible que la saturation en élément A à la surface du film en croissance ne soit pas toujours suffisamment homogène pour conserver une croissance alternée de n couches d’octaèdres et d’une couche de l’élément A, comme c’est le cas pour Ti3AlC2 [17]. Ces fautes d’empilements ne sont pas à confondre avec les structures M5A2C3 et M7A2C5 volontairement obtenues dans les systèmes Ti-Si-C [2], Ti-Ge-C [24] ou encore (Cr,V)-Al-C [117]. Par ailleurs les observations MET ont permis d’évaluer l’épaisseur et la rugosité des films. La rugosité du film de Ti3AlC2 s’est avérée très élevée (vérifiée par AFM), avec des différences de hauteur allant jusqu’à 80 nm. Plusieurs aspects peuvent être évoqués pour l’expliquer comme la croissance de grains (10¯14) induisant le même effet que les grains (10¯13) dans le cas de Cr2GeC. Nous avons estimé l’épaisseur de ce film par observation MET en vue transverse de plusieurs zones : tT i3AlC2 = 160 ± 40 nm. Le

film de Ti2AlC, moins rugueux au regard des observation MET a une épaisseur tT i2AlC = 140 ± 10 nm.

Le succès de la pulvérisation magnétron pour la synthèse de films minces monophasés de phases MAX en fait l’outil approprié. Cependant les premières études menées au laboratoire [8, 59] ont permis d’explorer une autre approche : le dépôt de multicouches TiN/TiAl par pulvérisation par faisceau d’ions suivi d’une transformation de phase à l’état solide par recuit permettant d’obtenir une système biphasé (Ti,Al)N/Ti2AlN.

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Synthèse de multicouches (Ti,Al)N/Ti2AlN par trans-

formation à l’état solide

La synthèse de films minces de phases MAX nitrures est beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre par pulvérisation magnétron que celle des carbures, en raison de l’introduction d’un gaz réactif. En ce sens le recuit de films de composition nominale Ti2:Al1:N1 constitue une approche alternative, qui a apporté des résultats intéressants pour des multicouches Ti/AlN [58, 118],

Figure II.33 – Enceinte de dépôt par pulvérisation à double faisceau d’ion NORDIKOT M 3000.

TiN/Al [6] et TiN/TiAl(N) [59]. Le système TiN/TiAl(N), développé lors des travaux de thèse de Dolique [8] a été réutilisé dans notre étude. La notation TiAl(N) est ici utilisée pour rappeler qu’il existe de l’azote au sein des couches de TiAl. Après une description rapide du protocole expérimental puis un rappel du processus physique conduisant à la formation de Ti2AlN, la microstructure des multicouches obtenues sera détaillée.