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Une segmentation ou une ségrégation des modes de consommation

Dans le document DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 150-156)

LES CIRCUITS DE DISTRIBUTION DES PRODUITS ALIMENTAIRES

1. Une segmentation ou une ségrégation des modes de consommation

Rapport

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES

B. L’émergence de nouveaux acteurs

Rapport

Graphique 12 Le comportement des consommateurs face à la hausse des prix (extrait d'une enquête consommation Credoc)

Face à la hausse des prix des produits alimentaires, que faites-vous ?

Source : Credoc, enquêtes consommation.

Ainsi, en dehors de la différence notable des achats de gammes moins chères, les consommateurs gardent à peu près la même attitude, entre 2008 et 2013, concernant les économies sur d’autres postes de dépenses, la réduction des achats considérés « peu nécessaires  » et la diminution des quantités consommées. La frugalité se développe davantage chez les plus âgés et les professions intermédiaires, et encore plus pour les femmes. Par ailleurs, les attentions fortes lors de l’achat d’un produit alimentaire portées aux dimensions éthiques, écologiques ou sociales n’ont pas retrouvé le niveau de 2012 et sont passées de 70 à 35 % en 2014. La crise a des effets multiples, y compris une moindre attention, au moins temporaire, de la part des consommateurs pour le « made in France». 

L’importance de l’effet générationnel 

Le Credoc établit une typologie générationnelle qui se définit par une stabilité des habitudes de dépenses au fil des ans pour une même génération. La tendance générale est à la diminution régulière de la part des dépenses alimentaires en fonction des générations, en posant comme postulat que c’est vers l’âge de 20 ans que le mode de consommation s’établit.

La génération qui a connu la pénurie de l’immédiat après-guerre consomme davantage en moyenne que celle qui a vu apparaitre le réfrigérateur. Cette tendance à la baisse se poursuit avec la génération du « robot-ménager », celle qui a vu arriver les hypermarchés, puis celle qui a découvert le hard discount, les deux dernières générations étant celles des

«  plateaux repas  », la plus jeune étant qualifiée de «  nomade  ». De la génération la plus âgée à la plus jeune, les dépenses de consommation alimentaire vont de 25 % du budget à 8 %. Selon cette analyse tendancielle que certains contestent cependant, en considérant que les comportements alimentaires évoluent selon l’âge et les modes de vie (vie en couple,

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AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES avec des enfants…), le niveau des dépenses alimentaires reste globalement stable au cours

de la vie. La paupérisation des générations les plus jeunes et leur difficulté à intégrer le monde du travail risquent par conséquent de peser lourd dans la poursuite de la réduction des dépenses liées à l’alimentation et donc aux circuits de distribution. Ces données sont à mettre en relation avec la segmentation des produits qui tente de correspondre à cette classification. La multiplicité des gammes vise notamment, à correspondre aux attentes de produit de terroir, d’allégé, de bio, de sans gluten etc.

Le multicanal

La grande distribution en hyper ou supermarché occupe plus des deux tiers du volume de consommation des ménages, mais la tendance est à l’augmentation du nombre de circuits fréquentés. En 2005, 21 % des consommateurs ne fréquentaient que deux ou trois circuits et 15 % en fréquentaient plus de 6. Sept ans plus tard, la fréquentation de trois circuits diminue de 2 % alors que 24 % des consommateurs déclarent en fréquenter 6 ou plus. Les commerces alimentaires spécialisés sont plus fréquentés, de même que les magasins de surgelés et les drive qui font une percée puisque leur croissance est régulière atteignant 5,4 % de part de marché.

Graphique 13 Segmentation des consommateurs en profils-types

Magasins de surgelés (Picard…) Magasins de proximité

(Carrefour city…) Magasins spécialisés (boucheries…)

Épiceries de quartier Supérettes (Franprix…)

Marchés

Petites surfaces

Hypermarchés (Carrefour…) Hard discount (Lidl…)

Grandes surfaces

Internet avec livraison (Ooshop…) Drives

Commerce électronique

Commerce non électronique

Source : Credoc.

Quatre grandes catégories de consommateurs sont identifiées par le Credoc :

– les « massificateurs », adeptes des hypermarchés et du commerce électronique, sont diplômés et à haut revenu ;

– les personnes à faibles revenus et les isolées achètent davantage chez les hard-discounters ;

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– les « éclectiques » qui fréquentent soit les enseignes de proximité pour les urbains aisés, soit les circuits indépendants de proximité, sont sensibles au contact de l’artisan-commerçant et peu « connectés » ;

– les « papillonneurs », plutôt séniors, s’approvisionnent régulièrement auprès de tous les circuits.

Cette segmentation révèle que le pouvoir d’achat, le niveau d’études, l’âge et le lieu de vie façonnent les circuits de distribution alimentaires. Elle participe, sur le plan socio-économique, d’une forme de ségrégation sociale et ne favorise pas le vivre-ensemble. Citons également la situation des personnes âgées en zone rurale ou périurbaine, qui utilisent notamment les circuits de vente à domicile d’épicerie ou de produits surgelés. Ces circuits concerneraient plus de 4 millions de foyers selon le numéro 1 du surgelé à domicile. Ils se sont initialement développés avec succès grâce au démarchage chez l’habitant et la vente par téléphone, mais leur part de marché tend à se réduire sous cette forme traditionnelle, au profit du e-commerce.

L’empreinte environnementale des circuits de distribution 

Mesurer l’empreinte environnementale des circuits de distribution s’avère un exercice extrêmement délicat au regard de la grande diversité des produits considérés (frais, transformés, congelés…) et de la multiplicité des process susceptibles d’être mis en œuvre à tous les échelons des filières. En effet, pour un produit donné, même peu ou pas élaboré, un steak ou un légume par exemple, les modes de production agricole, de conditionnement, de transport… peuvent conduire à des résultats sans commune mesure.

L’ADEME a réalisé une étude publiée en décembre 2014, intitulée Alléger l’empreinte environnementale de la consommation, avec une annexe consacrée à l’alimentation et à ses circuits de distribution. La consommation moyenne en France est estimée à 140 % des besoins nutritionnels estimés par la FAO. Les impacts environnementaux de l’alimentation sont complexes à mesurer si l’on intègre la logique « analyse de cycle de vie ». Pour un régime alimentaire moyen qui a un impact de 3,5 kg d’équivalent CO2 par jour, 17 % concernent la viande de ruminants, 15 % les produits laitiers, 14 % les plats préparés carnés, 10 % les fruits et légumes. Suivent à 9 ou 8 % les volailles et œufs, les graisses et sucres, la viande de porc, les féculents. Les poissons pèsent pour 5 %, les plats végétariens 4 % et les matières grasses végétales 1 %.

La part prépondérante de l’impact (gaz à effet de serre, consommation des terres, eau et biodiversité) revient à la phase de production agricole pour plus de 70 % du circuit, mais avec de fortes différences selon les produits et les filières. Les phases de transformation, de transport et d’emballage prennent logiquement une part relative d’autant plus importante que l’impact de la production agricole, par kilogramme produit, est faible.

Les impacts de la production agricole 

Le programme Agribalyse développé par l’ADEME permet d’intégrer plusieurs éléments comme les effets sur le changement climatique, l’eutrophisation et l’utilisation des terres. Il repose sur une base de données d’inventaires des cycles de vie : des itinéraires techniques représentatifs des productions françaises ont été identifiés, convertis en flux de polluants et de consommation de ressources puis en impacts potentiels sur les milieux. La constitution

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AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES de cette base et son interprétation ne sont pas sans difficultés méthodologiques et des

améliorations sont possibles pour, notamment, élargir le champ des productions françaises étudiées, intégrer les importations, mieux prendre en compte la diversité des modes de production ou valoriser les efforts réalisés par les agriculteurs pour réduire certains impacts.

En outre, d’autres indicateurs comme l’effet sur la ressource en eau et la biodiversité ne sont pas considérés. Les enseignements du programme Agribalyse n’en sont pas moins utiles.  Agribalyse met en évidence l’importance, du point de vue des conséquences sur l’environnement, du système de production utilisé pour élaborer un aliment donné (le blé tendre biologique avec une rotation de luzerne aura un effet nettement moindre que du blé standard). La saisonnalité est également déterminante : malgré l’impact du transport, une tomate produite en plein champ dans le sud de l’Espagne, affecte moins l’environnement qu’une tomate française produite sous serre chauffée en hiver.

Les impacts de la transformation des produits agro-alimentaires 

L’indicateur «  consommation d’énergie  » est prépondérant dans la mesure de ces impacts. L’industrie laitière concentre 17 % de l’énergie consommée par les industries agro-alimentaires et l’industrie du sucre 15 %. Les produits congelés sont également énergivores. Les impacts sur l’eau sont importants mais proportionnellement moins que la préparation à domicile. La conservation des aliments obtenue par l’industrie agro-alimentaire permet d’étaler la consommation des produits sur l’année, donc de limiter les pertes en cas de surproduction, et de respecter la saisonnalité. Toutefois la massification des circuits de transformation conduit à des exigences de calibrage et de normalisation des produits bruts qui entrainent le gaspillage, en amont, de produits alimentaires au demeurant tout à fait consommables.

Selon l’ADEME, une analyse exhaustive n’est pas possible en raison de la très grande variété des procédés. Ainsi, il faut prendre en compte la valorisation des bio-déchets, valable également au niveau de la production agricole, qui peut réduire le coût énergétique et, dans une certaine mesure, contribuer à « compenser » le gaspillage alimentaire (cf. rapport Garot précité).

Les impacts des transports de marchandises 

En France, avec 87,6 % en 2012, la part des modes routiers pour le transport de marchandises, est plus élevée que la moyenne européenne. Cela est essentiellement dû à une diminution considérable, durant les deux dernières décennies, des transports ferroviaires et fluviaux qui ne représentent respectivement plus que 10,1 % et 2,4 % contre 24,4 % et 3,3 % en 1990. À cette époque, le routier n’atteignait que 72,4 %. Sur la période considérée, la croissance du trafic de marchandises a été de 18 % (de 273 à 323,7 milliards de tonnes/kilomètres (Gt.km). Elle résulte à la fois de la multiplication des déplacements et des échanges, ainsi que de l’allongement des distances parcourues. Ainsi les gains unitaires réalisés en termes d’émission de CO2 ont été, tout ou partie, annihilés par l’accroissement global des transports routiers. 

La consommation d’énergie fossile, les émissions de gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique sont les trois impacts principaux relatifs au volume et au poids des marchandises transportées. Les produits lourds comme l’eau, volumineux et peu denses

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comme les chips ou salades, les produits transformés qui ont connu plusieurs étapes de transformation successives et les produits sur-emballés ou annexes sont les plus impactants.

La part relative au transport dans l’impact environnemental est d’autant plus grande qu’elle est faible à la production (exemple : la pomme). La densité du chargement est évidemment déterminante. À ce titre, de grandes quantités transportées de manière optimisées sur de longues distances ont un impact moindre que de petites quantités transportées sur de faibles distances. Un circuit court ou de proximité n’est donc pas automatiquement moins impactant. Enfin, quel que soit le mode de distribution pour les derniers kilomètres, les modalités utilisées par le consommateur pour effectuer le trajet entre le point de vente et son domicile, ont un impact significatif. L’ADEME estime en effet que 30 kg de marchandises transportée sur 5 km en voiture, correspondent en termes d’impact environnemental, à 800 km de transport en camion à chargement optimisé.

Par ailleurs, de nouvelles problématiques de logistique urbaine se font jour, la progression continue et très forte des ventes sur Internet et le vieillissement de la population entraînant l’augmentation des livraisons de marchandises en ville qui selon l’ADEME pourraient être fortement optimisées afin de réduire les émissions de CO2, les pollutions atmosphériques et les nuisances liées aux conflits d’usage de la voirie. En effet, on estime en moyenne à 25 % la proportion de véhicules de livraison urbaine circulant à vide et à 67

% le taux de remplissage des autres. De nombreuses villes ont par conséquent engagé des expérimentations pour rationnaliser la logistique du « dernier kilomètre », parfois dans le cadre d’un Plan de déplacements urbains (PDU). Elles valorisent le recours au transport fluvial ou à des véhicules « propres » (électriques, triporteurs…), l’utilisation d’outils informatiques adaptés, ou encore la mutualisation des plates-formes et des centres de distribution. 

Les emballages 

Ils pèsent 8 % de l’impact carbone du panier des ménages, comprenant l’énergie nécessaire à leur production, les émissions de GES qui y sont liées, les matériaux et les déchets. Ils sont évidemment plus prégnants pour les liquides (30 %) que pour les produits qui ont déjà un impact important sans l’emballage, comme la viande. La consommation annuelle d’un Français génère 52 kg d’emballages alimentaires. La consigne pour le réemploi peut engendrer des bénéfices environnementaux de même que le recyclage, mais le bilan environnemental de ces deux dispositifs dépend de la distance de transport et du nombre de cycles de ré-usage. L’emballage est également à considérer comme pouvant contribuer à la lutte contre le gaspillage, en fonction de sa nature et de la durée de conservation de l’aliment, qu’il permet.

La distribution 

L’énergie est le principal poste de dépense de fonctionnement de la grande distribution. Il pèse 24 % de l’ensemble de la consommation du secteur tertiaire. L’essentiel de la consommation est liée au chauffage, à la climatisation et à la conservation par le froid.

Les autres impacts sont liés aux emballages et au transport. Par ailleurs, 750 000 tonnes de produits alimentaires sont jetés chaque année (cf. rapport Garot précité). Dans ses calculs, l’ADEME n’intègre pas dans l’impact environnemental de la distribution ce qui correspond à l’emprise au sol, pris surtout sur des terres agricoles, les déplacements des clients au

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AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES regard du circuit court qu’ils effectuent entre leur domicile et la grande surface (cf. les 5 km

évoqués pour les transports), le gaspillage généré par les promotions sur les ventes par lots, ou l’impact des publicités déposés dans les boîtes aux lettres des consommateurs.

L’importance du gaspillage alimentaire

Le gaspillage alimentaire correspond chaque année dans le monde à l’émission de 3,3 milliards de tonnes d’équivalents CO2, soit plus de 24 fois celles liées aux transports en France. Selon la FAO, plus d’un tiers des aliments produits chaque année est perdu ou jeté, tout au long de la chaîne alimentaire. L’amont (production, manutention et stockage après-récolte) serait responsable de 54 % de ces pertes et l’aval (transformation, distribution et consommation) de 46 % d’entre elles.

En France, les campagnes de communication visent essentiellement à des changements de comportements des consommateurs alors que tous les maillons des filières sont concernés. Les outils de mesure, de suivi et d’évaluation en la matière, sont insuffisants voire inexistants. Toutefois, dans un rapport de 2011, le ministère de l’Écologie évaluait à 7,12 millions de tonnes les déchets alimentaires produits annuellement sur le territoire dont 2 % imputables aux industries agroalimentaires, 10 % à la distribution, 6 % aux marchés, 15 % à la restauration hors domicile et 67 % aux ménages.

Les industriels et la grande distribution affichent des objectifs volontaristes en matière de réduction du gaspillage grâce notamment à la valorisation de produits non commercialisables par le biais de l’aide alimentaire. À cet égard, il convient de rappeler, comme cela avait été souligné dans un récent avis du CESE55, que ces pertes n’ont qu’un très faible impact sur les marges des grandes enseignes car, d’une part, celles-ci les intègrent dans la détermination de leurs prix de vente et, d’autre part, leurs dons en produits à des organisations caritatives donnent lieu à des avantages fiscaux significatifs.

2. Un essor ou un renouveau des circuits courts

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