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Les spécificités ultramarines

Dans le document DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 123-127)

LES CIRCUITS DE DISTRIBUTION DES PRODUITS ALIMENTAIRES

B. La situation actuelle

3. Les spécificités ultramarines

La question des circuits de distribution des produits alimentaires prend en Outre-mer une dimension particulière. La problématique de la «  vie chère  », qui contribue à la dégradation du pouvoir d’achat des résidents ultra-marins et fragilise les économies locales, est au centre des débats. La protestation contre le niveau trop élevé des prix à la consommation a d’ailleurs été en grande partie à l’origine des manifestations qui, entre 2009 et 2012, ont traversé les départements et collectivités d’Outre-mer.

La comparaison des prix de l’alimentation entre métropole et Outre-mer doit être réalisée avec prudence, notamment parce que les consommations (le «  panier moyen  ») sont différentes de celles de la France métropolitaine. Une étude statistique établie en 2010, citée par la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État en Outre-mer dans son rapport 2013-201422, a néanmoins montré que le prix du panier représentatif de la consommation alimentaire d’Outre-mer était de 9 à 22 % moins cher en métropole. Quant au prix du panier de consommation des ménages de métropole, il était de 34 à 49 % plus élevé en Outre-mer. Les données plus récentes témoignent d’une relative stabilisation des prix en Outre-mer, mais, même en s’en tenant à l’inflation, il faut constater qu’il persiste des écarts, comme l’indique le tableau infra, établi en juillet 2015 pour une période d’un an. À + 1,5 % en moyenne pour les DOM, l’inflation du prix de l’alimentation demeure plus élevée qu’en métropole (+ 0,4 %).

22 Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État en Outre-mer, rapport biennal 2013-2014, établi conformément aux dispositions de l’article 74 de la loi n°2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des Outre-mer (chapitre relatif à La formation des prix et leur niveau, M. Aboubacar, député de Mayotte, rapporteur, Mme Prévot-Madère, conseillère du CESE et M. Sapotille, 1er vice-président du Conseil régional de la Guadeloupe).

Rapport

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES Tableau 8 Évolution de l'indice des prix à la consommation

des produits de l'alimentation sur un an

Guadeloupe Guyane Martinique La

Réunion Mayotte Moyenne pondérée DOM*

France métropolitaine

Alimentation 1,5% -0,7% 2,0% 1,2% 1,4% 1,5% 0,4%

Produits frais 3,4% -3,6% 4,2% 6,2% 10,4% N.D. 6,5%

Viande 1,0% 0,5% 1,9% N.D. -2,3% N.D. 0,3%

Poisson 4,2% -0,2% 4,9% N.D. -0,2% N.D. 0,0%

Lait, fromages

et œufs 1,6% -0,7% 3,1% N.D. 5,9% N.D. -2,0%

Source : Insee Juillet 2015 Les écarts sont importants entre les collectivités ultra-marines elles-mêmes et les niveaux de prix varient d’un produit à l’autre. Parallèlement, les causes de « la vie chère » en Outre-mer sont multiples. Elles sont pour la plupart liées à des facteurs structurels partagés par les différents territoires - dans la mesure où elles découlent plus ou moins directement de leur condition ultramarine -. Néanmoins, elles jouent différemment selon les collectivités en question et les produits concernés, en fonction des réalités économiques et sociales locales. Pour cette raison, le poids de chacune (et, partant, la responsabilité des différents intervenants) est extrêmement difficile à évaluer - et, de fait, les chiffres sont souvent contestés -. L’insuffisance, voire l’absence, de production au niveau local de certaines denrées - qui implique de faire venir celles-ci de métropole ou de pays étranger - ainsi que certaines pratiques contestables de la grande distribution dans les modes d’approvisionnement, notamment l’importation de produits pourtant excédentaires, jouent négativement. 

L’éloignement explique pour une part incontestable le niveau des prix plus élevé  : il s’agit en effet de répercuter les coûts d’acheminement - d’autant plus élevés que les volumes transportés sont faibles - et de stockage, mais aussi l’imposition douanière (octroi de mer23). L’existence d’un chaînon supplémentaire dans le circuit d’approvisionnement, celui de l’importateur-grossiste qui intervient entre le fabricant et le distributeur, joue défavorablement. Les instructions menées par l’Autorité de la concurrence en Outre-mer ont montré que la distribution d’une marque donnée, et même parfois l’ensemble des produits et des marques d’un industriel, est assurée par un seul importateur-grossiste par territoire. Or, certains industriels assurent à leurs intermédiaires commerciaux ultramarins des relations d’exclusivité pour l’approvisionnement de certaines collectivités ultramarines.

Une telle situation protège les importateurs-grossistes de toute concurrence au détriment d’autres opérateurs potentiels et des consommateurs. De plus, s’agissant des accords de libre-échange entre l’Union européenne et ses grands partenaires commerciaux, le CESE

23 L’octroi de mer concerne les opérations d’importation de marchandises et de livraisons de biens faites à titre onéreux par des personnes qui exercent des activités de production dans les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion. La loi du 29 juin 2015, transposant la décision du 17 décembre 2014 de la Commission européenne, proroge l’octroi de mer jusqu’au 31 décembre 2020 et définit le cadre dans lequel il s’exerce.

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a souligné, dans une récente résolution24, les risques qu’ils sont susceptibles de présenter:

« sans prise en compte des réalités locales, ce mouvement de libéralisation des échanges affecte les conditions de concurrence dans les Outre-mer et risque d’exposer encore davantage des opérateurs économiques vulnérables et les populations de ces collectivités  ». La rareté et le niveau élevé du foncier commercial sont aussi à prendre en compte.

D’une façon plus générale, le jeu de la concurrence peut être amoindri en Outre-mer ou, à tout le moins, produire des effets différents qu’en métropole. Interrogé par la section sur les particularités de distribution alimentaire en Outre-mer, M. Thierry Dahan, vice-président de l’Autorité de la concurrence a expliqué que le nombre d’acteurs économiques variait selon la taille et les potentialités des marchés concernés. Si l’éloignement favorise la production locale et l’intégration des filières (comme c’est le cas à La Réunion), le faible nombre d’habitants pour certains territoires prive les producteurs de la possibilité de réaliser des économies d’échelle et rend l’amortissement de l’appareil productif plus difficile. Dans un avis de 2009 consacré aux mécanisme d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les département d’Outre-mer, l’Autorité de la concurrence avait notamment pointé le niveau de concentration élevé de la distribution alimentaire en Guyane et en Guadeloupe ; une intégration verticale plus importante qu’en métropole pour certaines productions alimentaires ; un recours élevé aux pratiques promotionnelles qui rend la comparaison des prix plus délicate ; une plus faible implantation des MDD dans les rayons des distributeurs ; une tendance, difficile à évaluer, de certains distributeurs à se ménager des marges nettes plus élevées qu’en métropole via notamment un recours plus important aux marges arrières.

La loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer, dite « loi Lurel », a fait de la lutte contre la vie chère un objectif prioritaire. Elle s’appuyait pour cela sur deux instruments :

– les Observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR)25 chargés de fournir une information régulière sur le niveau et la structure pour permettre une meilleure connaissance des facteurs qui contribuent au coût élevé des produits en pointant, le cas échéant, les abus. Ils réunissent des élus locaux, des représentants des chambres consulaires et des organisations syndicales, ainsi que des personnalités qualifiées à raison de leur compétence en matière de formation des prix et des revenus et sont désormais présidés par un magistrat des chambres régionales des comptes ;

24 Pour une Europe ultramarine, résolution présentée en mai 2014 par M. Gérard Grignon au nom de la délégation à l’Outre-mer du CESE.

25 La loi Lurel a donné une base légale à des structures proches qui avaient été créées par décret en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à la Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon et y a ajouté Wallis-et-Futuma. En 2015, la loi sur la modernisation du droit de l’Outre-mer, a également doté Saint-Martin et Saint-Barthélemy d’un OPMR.

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AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES – le dispositif dit de « Bouclier qualité-prix » (BQP) est un outil de régulation des prix

fondé sur des négociations annuelles entre l’État et les partenaires économiques (les distributeurs et leurs fournisseurs), qui vise la conclusion d’accords de modération des prix des produits de grande consommation. Les BQP s’établissent pour une liste de produits de consommation courante (le « panier ») et concernent désormais toutes les collectivités dotées d’un OPMR, à l’exception de Saint-Bathélémy26. En cas d’échec des négociations un mois après l’ouverture des discussions, le représentant de l’État arrête le prix global de la liste des produits sur la base des négociations et des prix les plus bas pratiqués dans le secteur concerné.

Certaines informations laissent entrevoir un bon fonctionnement du Bouclier qualité-prix. D’après les données communiquées par le ministère de l’Outre-mer27, le prix global du panier a baissé, en 2014, de 11,5 % en Guadeloupe ; de 9,65 % à Saint-Pierre-et-Miquelon ; de 14,86 % en Guyane ; de 14,27 % à la Réunion, de 13,3 % en Martinique. Le ministère de l’Outre-mer précise que l’accent est mis sur les productions locales afin d’aider les filières à se structurer pour, en particulier, être en mesure d’approvisionner la grande distribution en quantité. Ainsi la production locale représente-t-elle désormais près d’un quart en moyenne des listes du panier de référence des BQP (47 % pour la Réunion, 30 % en Martinique, près de 25 % en Guadeloupe). Mais le bilan des effets de ce mécanisme sur le prix de l’ensemble des produits alimentaires (au-delà de ceux inclus, pour chaque collectivité, dans le BQR) reste encore à établir. Tel devrait être l’objet du rapport d’application de la loi Lurel en cours d’élaboration à l’Assemblée nationale28.

Signalons enfin la loi du 3 juin 2013 visant à garantir la qualité de l’offre alimentaire en Outre-mer, par laquelle le législateur est intervenu sur la teneur en sucres de certains produits distribués en Outre-mer et sur les dates limites de consommation apposées sur l’étiquetage de certaines denrées alimentaires. Concernant la teneur maximale en sucres ajoutés que doivent contenir les denrées alimentaires distribuées dans les Outre-mer, le gouvernement devait, par le biais d’un arrêté signé conjointement par les ministres en charge de la santé, de l’agriculture, de la consommation et des Outre-mer, établir une liste des produits concernés. Deux ans après la publication de cette loi, l’arrêté n’a pas encore été publié ; les teneurs en sucres ajoutés des produits vendus Outre-mer sont toujours plus élevées qu’en France métropolitaine. 

26 Les particularités de l’offre commerciale de Saint-Barthélemy (un supermarché et des commerces de proximité) ont été évoquées pour ne pas créer de BQR dans cette collectivité.

27 Communiqué de presse de Mme George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, du 3 mars 2015.

28 Mission de contrôle de la mise en application de la loi du 20 novembre 2012 (corapporteurs : Mme Ericka Bareigts, M. Daniel Fasquelle).

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4. Quelques éléments de comparaison

Dans le document DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 123-127)