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L’encadrement législatif

Dans le document DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 103-106)

LES CIRCUITS DE DISTRIBUTION DES PRODUITS ALIMENTAIRES

B. La situation actuelle

2. L’encadrement législatif

Un premier constat s’impose d’emblée  : les révisions de l’encadrement législatif du commerce et de la distribution se sont multipliées ces dernières années. Elles interviennent par touches successives plutôt que par de grands bouleversements, chaque nouvelle réforme affichant l’ambition de corriger les imperfections, les lacunes ou les effets contreproductifs de la réforme précédente. Cela montre, s’il en était besoin, que l’identification du point d’équilibre entre la régulation et le libre jeu du marché est un exercice délicat. Cela confirme également la sensibilité du sujet ainsi que le caractère politique - et souvent conjoncturel - des priorités affichées par les pouvoirs publics. L’encadrement juridique en vigueur est jugé inadapté, voire insuffisant, par de nombreux acteurs de la distribution alimentaire. Pourtant, une majorité des responsables que la section a interrogés sur ce sujet se sont dits réservés quant à l’opportunité d’une nouvelle réforme. C’est, de leur point de vue, à la stabilisation des règles existantes et à une meilleure application des textes qu’il faut donner la priorité.

Deux objectifs potentiellement contradictoires motivent les interventions des pouvoirs publics et sont successivement, voire simultanément, revendiqués par le législateur :

– corriger la puissance de la grande et moyenne distribution face aux petits commerces et celle des distributeurs face aux fournisseurs ;

– préserver le pouvoir d’achat des consommateurs (« lutter contre la vie chère »).

Pour cela, le législateur se focalise sur deux axes principaux d’action  : l’urbanisme commercial (1) et la négociation commerciale (2). Mais le droit de la concurrence - national et européen (3) -, impacte également les conditions de la distribution et pèse sur les rapports de force qui existent entre les différents acteurs de ce secteur.

L’urbanisme commercial

L’implantation de surfaces commerciales fait l’objet en France d’un contrôle depuis la fin des années 60. La loi du 31 décembre 1969 a en effet institué une procédure d’examen préalable à la délivrance des permis de construire pour les commerces de plus de 3 000 m2 de surface de vente. C’est aux Commissions départementales d’urbanisme commercial (CDUC), composées de 20 membres, qu’il revenait d’examiner, à titre consultatif, les demandes.

Depuis, deux importantes lois sont intervenues, avec l’ambition de protéger le petit commerce sans nuire au développement économique et commercial des territoires :

Rapport

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXESla loi d’orientation du commerce et de l’artisanat du 37 décembre 1973

(loi Royer), a abaissé le seuil de la surface de vente des magasins soumis à autorisation à 1 500 m2 dans les villes de plus de 40 000 habitants et à 1 000 m2 dans les communes plus petites. Elle a parallèlement renforcé le poids des CDUC en leur conférant un pouvoir de décision. La loi Royer a, au début des années 1990, été complétée et précisée par deux textes : la loi du 31 décembre 1990 a introduit la notion « d’ensemble commercial » pour éviter que les seuils de 1 000 et 1 500 m2 ne soient contournés par la pratique consistant à additionner, dans un même lieu, plusieurs surfaces commerciales plus petites ; la loi « Sapin » du 29 janvier 1993 a transformé les CDUC en Commissions départementales d’équipement commercial (CDEC) composées de 20 membres (et non plus 7).

la loi sur le développement et la promotion du commerce et de l’artisanat du 5 juillet 1996 (loi Raffarin) a significativement étendu le champ d’application du régime d’autorisation en abaissant le seuil d’intervention des CDEC à un niveau unique de 300 m2 de surface de vente. Elle a, en outre, imposé une procédure d’enquête publique, avant son examen en CDEC, de tout projet de plus de 6 000 m2 carrés de surface de vente. Enfin, elle a institué les schémas de développement commercial (SDC) qui, au regard de l’activité commerciale et de son environnement économique, fixent les orientations en matière de développement commercial et, concrètement, servent de cadre de référence aux Commissions départementales.

Parallèlement aux textes consacrés directement au commerce, s’est développée, à compter de 2000, une législation plus complexe sur l’aménagement du territoire et l’urbanisme qui, sans que cela ne soit son objet premier, a modifié les conditions d’installation des grandes surfaces. Ainsi, la loi de solidarité et de renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000 poursuit-elle l’objectif d’une plus grande cohérence des politiques sectorielles entre elles (habitat, mobilité, environnement mais aussi aménagement commercial) au niveau d’un territoire. Dans cette logique, elle prévoit que les SDC ainsi que les autorisations d’exploitation commerciale doivent être rendues compatibles avec les SCOT (Schémas de cohérence territoriale).

Dans son ensemble, le dispositif s’est avéré complexe et a fait l’objet de nombreuses critiques. Force est toutefois de constater que ces dernières ne sont pas elles-mêmes sans contradictions. Certains, à l’instar de l’Assemblée des communautés de France (ACF), ont dénoncé l’incapacité de la loi à stopper la multiplication anarchique des implantations commerciales dans les périphéries des agglomérations. Dans une étude publiée en juillet 201210, M. Michel Piron, son Président délégué de l’époque écrivait ainsi : « Nous sommes en France dans un urbanisme d’exception ou, si je veux être plus juste, dans une

«  exception à l’urbanisme  ». Les implantations commerciales se sont développées au gré des opportunités et des stratégies privées qui consistaient à optimiser le rapport entre coût foncier, localisation et accessibilité des équipements et qui se sont traduites par les paysages désolants des entrées des villes que l’on connaît ». D’autres, au contraire, reprochent au dispositif

10 Urbanisme commercial – Une implication croissante des communautés mais un cadre juridique à repenser, étude AdCF, juillet 2012.

Rapport

Royer-Raffarin son impact négatif sur l’activité économique. Ainsi la Commission pour la libération de la croissance française présidée par Jacques Attali  suggérait-elle, dans son rapport de janvier 2008, de supprimer les procédures d’autorisations qui «  (…) ont eu pour effet d’empêcher ou de rendre plus couteuse l’implantation de nouvelles entreprises de distribution et ont considérablement réduit la concurrence entre les enseignes existantes ». La législation française s’était, en outre, vu opposer une incompatibilité avec les garanties fondamentales du droit européen, et en particulier le principe de la liberté d’installation (cf. encadré sur les CDAC).

Le législateur ne suivra pas cette préconisation du rapport Attali. Il ne fera pas le choix de l’abrogation des lois Royer et Raffarin. Il ne procèdera pas non plus à la réforme d’ampleur de l’urbanisme commercial et du système d’implantation des surfaces commerciales que les représentants des collectivités territoriales appelaient de leurs vœux. C’est en effet à une rénovation moins ambitieuse que la loi de modernisation de l’économie (LME) du 4 aout 2008 s’est finalement livrée. D’un côté, la loi confirme l’objectif d’une plus grande intégration du commerce dans la planification globale du développement des territoires. À ce titre, elle ouvre la possibilité aux SCOT de définir des zones d’aménagement commercial dont la délimitation figure dans un nouveau document, le DAC (Document d’aménagement commercial)  ; elle modifie les critères au regard desquels les demandes doivent être examinées en renforçant la place de l’aménagement du territoire et du développement durable et élargit la composition des Commissions départementales, qui deviennent des CDAC (Commissions départementales d’aménagement commercial). D’un autre côté, la loi assouplit fortement les conditions d’installation de nouvelles grandes surfaces11 : elle relève le seuil des surfaces commerciales soumises à autorisation à 1 000 m2, elle modifie les critères sur lesquelles les CDAC doivent appuyer leur décision, en supprimant toute référence aux effets des projets sur l’appareil commercial et artisanal de la zone en question.

Si la LME demeure le texte de base régissant l’urbanisme commercial, elle a d’ores et déjà fait l’objet de plusieurs modifications, qui ne vont pas sans interroger la cohérence d’ensemble du système en place. La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (Grenelle II) est venue renforcer l’obligation de prendre en compte des exigences du développement durable dans la définition des zones d’implantations commerciales, tirant ainsi les conséquences du poids croissant des zones commerciales dans le phénomène d’artificialisation des sols12. La loi pour l’accès au logement et l’urbanisme rénové (ALUR) du 24 mars 2014, complétée et modifiée par la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (loi Pinel) a donné une base législative aux critères que les CDAC prennent en considération. Cette réforme a également consolidé la place du Document d’aménagement artisanal et commercial (supprimé par la loi ALUR et ré institué par la loi Pinel) dans la détermination des conditions d’implantation des équipements commerciaux qui, du fait de leur importance, seront susceptibles de produire un impact significatif sur l’aménagement du territoire. Cette même réforme a, dans le même

11 La loi dispose toutefois que les villes de moins de 20 000 habitants ont la possibilité de saisir la CDAC pour statuer sur des projets de 300 à 1 000 m2.

12 Cf. Avis du CESE du 13 mai 2015, La bonne gestion de sols agricoles : un enjeu pour la société (rapporteures : Mme Agnès Courtoux et Mme Cécile Claveirole).

Rapport

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES temps, fortement restreint les conditions de recours à la CNAC. Plus récemment, la loi pour

la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 aout 2015 (Loi Macron) donne la possibilité au ministre ou au préfet de saisir pour avis l’Autorité de la concurrence sur les documents urbanisme : cette dernière pourra, sans pouvoir s’y opposer, vérifier qu’ils n’empêchent pas l’arrivée de nouveaux entrants dans une zone de chalandise.

Les CDAC (Commissions départementales d’aménagement commercial) 1. Compétence

Les CDAC statuent sur les demandes d’exploitation commerciale des projets ayant pour objet :

- la création d’un magasin de commerce de détail d’une surface de vente supérieure à 1 000 m2 résultant soit d’une construction nouvelle soit de la transformation d’un immeuble existant ;

- l’extension de la surface de vente d’un magasin de commerce ayant déjà atteint le seuil des 1 000 m2 ou devant le dépasser par la réalisation du projet ;

- tout changement de secteur d’activité d’un commerce d’une surface de vente supérieure à 2 000 m2 (1 000 m2 lorsque l’activité nouvelle est à prédominance alimentaire) ;

- la création d’un « ensemble commercial » dont la surface de vente totale est supérieure à 1 000 m2 ;

- la création ou l’extension d’un point permanent de retrait par la clientèle d’achats au détail commandé par voie télématique, organisé pour l’accès en automobile.

Dans le document DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 103-106)