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Les conséquences de cette guerre des prix

Dans le document DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 145-150)

LES CIRCUITS DE DISTRIBUTION DES PRODUITS ALIMENTAIRES

A. Un modèle en crise

6. Les conséquences de cette guerre des prix

S’il est difficile de mesurer précisément les conséquences de la guerre des prix sur le plan économique et social, considérant que les éléments classiques de l’économie de marché impactent tous les acteurs, notamment ceux liés au contexte international, ce conflit a des conséquences directes sur la recherche par les entreprises de marges supplémentaires. Le rapport de l’observatoire des prix aura précisé la faiblesse des marges nettes du producteur au distributeur, au bénéfice d’un consommateur qui n’en n’a même pas perçu nettement la réalité. Les acteurs « survivants » poursuivent leur recherche de marge supplémentaire pour résister. Dans ce cadre, afin de reconstituer leurs marges, certains jouent sur la composition des produits au risque de dégrader la qualité nutritionnelle et gustative de ceux-ci ou sur leur conditionnement en réduisant les volumes à prix constant. Comme l’observatoire des prix et des marges l’a souligné, l’amont agricole est l’un des maillons de la chaine alimentaire 51 Article 23-3 : « Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale. »

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AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES qui souffrent le plus des conséquences de la situation actuelle et qui se trouvent ainsi

exposés à de graves dangers économiques et sociaux à cause de prix payés aux producteurs bien souvent inférieurs aux coûts de production et de marges qui se dégradent d’année en année.

Dans la distribution, en lien avec la démarche «  multicanal  » développée par les enseignes, la logistique apparait comme un des espaces encore disponibles pour trouver des gains de productivité.

Les restructurations et transformations de la logistique liées au « multicanal »  Le nombre de grandes surfaces alimentaires a augmenté de 47 % depuis 2000, et leur surface de 38 %.

Graphique 11 Nombre de GSA 2000-2014

Source : Syndex septembre 2015 Cette croissance s’observe depuis les années 2010 essentiellement vers les petites et moyennes grandes surfaces (moins de 800 m², et de 800 à 2 500 m²) dans les grands centres urbains et dans les villes moyennes, répondant à la demande de commerces de proximité, généralistes, spécialisés ou localisés dans des espaces spécifiques comme par exemple les gares. Le développement des drive accompagne ce mouvement. Ces transformations expliquent pour une part la concentration des centrales d’achat. Dans ce cadre, les enseignes modifient en profondeur leur organisation logistique, levier majeur d’économies52. Plans drastiques de restructuration, automatisation des entrepôts, harmonisation des systèmes d’information, entrepôts multi-formats... visent à répondre aux livraisons de tous les formats de magasins sur une même zone de consommation. L’investissement nécessaire à l’automatisation est facilité par l’augmentation des volumes traités par la fusion des centrales

52 Source : Syndex, septembre 2015.

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d’achat. Ces transformations ont des répercussions directes sur l’emploi. Ainsi 850 salariés sont impactés par le plan social d’ITM, filiale logistique d’Intermarché. 2 000 le seraient par le plan Caravelle de Carrefour. Les autres enseignes pourraient suivre. Dans les plates-formes logistiques toujours plus grandes (jusqu’à 120 000 m²) et robotisées, les salariés restants sont appelés à devenir multi-compétents, capables de préparer les commandes, filmer les palettes, envoyer des rapports informatiques, et aptes à changer de poste d’un jour à l’autre. Nombre de cabinets d’expertise des comités d’entreprise font le même constat : les principaux risques pour l’emploi d’une automatisation des entrepôts porteraient sur les fonctions de contrôleurs, caristes, préparateurs de commandes et même agents logistiques polyvalents. Par ricochet, les fonctions supports et le management intermédiaire peuvent également être impactés. Si, au cours d’un projet d’automatisation, un grand nombre de postes sont supprimés, la gestion automatisée des entrepôts implique également le recours à de nouveaux types de compétences (mécanique, génie électrique, pneumatique…).

Néanmoins, les fonctions techniques et les tâches de maintenance peuvent être externalisées (sous-traitées à des prestataires de services). Si tous les entrepôts ne sont pas concernés à court terme, la plupart des directions logistiques considèrent que l’automatisation est la pente naturelle dans leur activité. Cette évolution s’inscrit dans une stratégie globale plus grande pour la logistique, organisée en réseau de hub multi-formats, multicanaux ce qui conduit au développement de « groupements d’employeurs » qui font appel à des salariés dont les conditions de travail et les droits sociaux varient d’un jour à l’autre suivant les missions qui leur sont confiées. Les groupements d’employeurs se révèlent moins coûteux que le recours à l’intérim, avec les mêmes avantages pour l’employeur. Par ailleurs, il s’avère difficile pour les représentants des personnels d’agir en raison des variations d’accords d’entreprises, de convention collective voire de branche professionnelle du transport ou de la distribution. Dans la logistique comme dans le transport, le recours à la sous-traitance à des entreprises plus petites, au pouvoir de négociation faible et aux conditions de travail moins favorables, fragilise encore davantage la situation des salariés concernés. Par ailleurs, le renouveau des surfaces commerciales de proximité (superettes), porté par les grandes enseignes, impose une logistique de proximité notamment pour le dernier kilomètre. Le recours à des véhicules de moins de 3,5 tonnes, non soumis à la réglementation sur les temps de conduite et de repos, et la sous-traitance en cascade, génèrent également des conditions d’emploi et de travail trop souvent non conformes aux réglementations et normes en vigueur. Le recours aux travailleurs détachés est aussi une réalité du secteur des transports de produits alimentaires, comme l’a montré un récent avis du CESE.53

Les salariés de la grande distribution « encaissent » les effets de la guerre des prix Les effectifs de la grande distribution sont stables et même en légère hausse en 2013 de 0,7 % par rapport à 2012, avec plus 601 500 emplois recensés, après une diminution de 2,8 % de 2010 à de 2012. Les supermarchés et les sièges administratifs voient leur part augmenter au détriment des maxi-discounts et du commerce de gros et des entrepôts.

53 Les travailleurs détachés, septembre 2015, rapporteur Jean Grosset.

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AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES Tableau 10 Evolution des effectifs 2012- 2013

2010 2011 2012 2013

Evolution des effectifs 2012-2013

Hypermarchés 48 % 48 % 47 % 47 % + 0,8 %

Supermarchés 32 % 32 % 33 % 33 % + 1,8 %

Maxi-discomptes 7 % 7 % 7 % 7 % - 1,5 %

Entrepôts / Grossistes 9 % 9 % 8 % 8 % - 3,7 %

Sièges /Adm… 5 % 5 % 5 % 5 % + 3,3 %

Le secteur se caractérise également par une forte féminisation, supérieure à 60 %, et un vieillissement global de la population de salariés en CDI. La part des jeunes de moins de 26 ans est de 17 %. Mais, ce qui caractérise particulièrement le secteur, c’est une majorité de contrats à temps partiel, avec un doublement des contrats de 10 à moins de 20 heures hebdomadaires, de 2011 à 2013 (de 8 à 16 %), et une augmentation de 50

% des contrats de 20 à moins de 25 heures (de 10 à 15 %). Depuis le 1er juillet 2014, les salariés de moins de 26 ans peuvent être engagés pour une durée inférieure à 24 heures hebdomadaires. Le dernier accord de branche sur le temps de travail partiel dans la grande distribution a ramené la durée du travail minimale à 26 heures, depuis le 1er janvier 2015.

Par ailleurs, plusieurs enseignes de la grande distribution ont conclu des accords qui ont fait passer ce plancher à 30 heures par semaine en organisant une plus grande polyvalence de fonctions (par exemple les caisses et la mise en rayon). Cette flexibilité subie restreint la possibilité d’exercer un autre emploi, et contribue à ce qu’un grand nombre de salariés, particulièrement des femmes, ne disposent que de revenus très faibles. De plus, ces contrats associés à une grande polyvalence, pèsent sur la charge de travail et accroissent le facteur de risques psycho-sociaux. La mutation de l’encadrement a fortement réduit les possibilités de promotion interne et la centralisation des décisions a réduit la part d’autonomie des chefs de rayons. En 2012, plus de 29 000 accidents du travail avec arrêt ont été enregistrés dans les hypermarchés et supermarchés. La grande distribution est le secteur du régime général qui enregistre le plus grand nombre de Trouble musculo-squelettiques (TMS) en volume, notamment pour les caissières54.

54 Sur ce point, cf. http://www.ameli.fr/employeurs/prevention/la-grande-distribution/etat-des-lieux-et-actions-prioritaires.phpsource.

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Une résilience des industries agro-alimentaires mais des tensions sur la productivité qui impactent les salariés 

Les industries agro-alimentaires déclarent avoir particulièrement souffert en 2014.

Selon l’ILEC (Institut de liaison et d'études des industries de consommation), dont la section a auditionné le Président, 262 entreprises dont le chiffre d’affaire était inférieur à 100 000 euros ont disparu. À chaque emploi direct correspondent 4 à 12 emplois indirects, ce qui signifie que les conséquences de cette politique impactent encore davantage les entreprises sous-traitantes. En termes d’emploi, les industries agroalimentaires ont mieux résisté que celles des autres secteurs industriels mais elles ont tout de même perdu 2,6 % de leurs effectifs entre 2008 et 2014, passant de 508 000 à 496 000 salariés. Selon l’observatoire financier du Crédit agricole (novembre 2013), la filière lait a particulièrement été affectée par la guerre des prix.

En réduisant les marges unitaires, même si les volumes ont augmenté, la guerre des prix génère une course à la productivité et une moindre capacité à développer les activités de R&D ou la formation. Cette réalité affecte les entreprises produisant des marques nationales mais tout autant les fabricants de MDD qui n’ont pas pu compenser la baisse des prix par une augmentation de volume. La lutte pour la conquête de nouveaux marchés et le maintien des référencements se traduisent par la multiplication des promotions, ce qui crée des tensions en matière d’organisation du travail et d’emploi. Afin de répondre aux exigences de livraison et de fraicheur des produits, dans un contexte de concurrence particulièrement rude, les horaires hebdomadaires et journaliers peuvent devenir très fluctuants. Les plannings d’organisation du travail sont fréquemment bousculés, les délais de prévenance sont soumis à l’urgence de la production promotionnelle. Les témoignages de délégués syndicaux dans plusieurs entreprises agroalimentaires, notamment de produits frais, font état du travail en équipe de 2X8, de journées de 10 heures avec 35 minutes de pause, ou encore d’une fin de journée à 22 heures, imposée en début d’après-midi en raison d’une panne sur une ligne de fabrication. La recherche de productivité s’est traduite dans les entreprises agroalimentaires les plus solides par de lourds investissements en équipements d’automatisation, des plans de formation, une élévation de gammes de produits. Cette modernisation des lignes de fabrication a pu permettre de réduire les TMS (Troubles musculo-squelettiques), mais l’investissement financier correspondant a conduit dans des entreprises plus fragiles, ou optant pour des choix stratégiques différents, à diminuer les moyens accordés à la formation et à imposer une augmentation des cadences qui annule le bénéfice obtenu grâce aux nouveaux équipements. De plus, la modernisation des lignes qui requiert davantage de compétences et de technicité, nécessite une formation rapide des salariés en CDD et en intérim, qui incombe souvent aux salariés en CDI, ceux-ci devant former rapidement leurs collègues précaires alors même que les cadences sont maintenues sur leurs propres postes de production. La pression permanente qui en découle conjuguée avec d’incessantes modifications dans l’organisation du travail génèrent un climat de stress qui favorise le développement des risques psychosociaux. Cette situation dégradée résulte à la fois de la concurrence entre entreprises d’un même secteur et de la guerre des prix induite par la grande distribution. Toutefois, cette dernière contribue largement à exacerber les tensions internes aux entreprises, dont les salariés sont les premières victimes d’autant que les salaires restent bas.

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B. L’émergence de nouveaux acteurs

Dans le document DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE (Page 145-150)