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4% plus près du soleil aurait été une fournaise comme Vénus, [ou encore que] si elle avait été 1% plus loin aurait été glacée comme Mars… ». Son billet s’achève sur un succès : la disparition du trou de la couche d’ozone et la capacité de l’humain à agir pour sa survie. Conclusion : l’humanité peut inverser la tendance.

La force de cette chronique réside en deux points. D’une part elle réussit à impliquer l’auditeur en rappelant que la nature est plus forte qu’une techno- logie en vogue : « Il y a plus de technologie dans une mouche que dans un iPhone, il n’y a pas de panneau photovoltaïque plus efficace que la feuille d’un pauvre géranium ». D’autre part en délivrant un message positif : il faut agir car nous en sommes capables.

Cette chronique, singulièrement scientifique pour un billet d’humour, interroge le parcours de Nicole Ferroni. Comment une comédienne peut-elle s’intéresser d’aussi près à la science ? Car on est souvent pris au piège de nos propres préjugés. Non, être comédien ne veut pas dire n’y rien connaitre en sciences. De même qu’être scientifique ne signifie pas être nul en lettres. Titulaire d’une agrégation, Nicole Ferroni a enseigné les sciences et vie de la terre durant plusieurs années. Dans toutes ses chroniques, l’information est publiquement sourcée (voir son compte Facebook et légendes des vidéos YouTube). Elle déclare même dans différentes interviews aborder l’actualité comme une scientifique.

Au-delà de son parcours, le traitement du sujet de l’état de notre planète pose question. Un fait : cet appel est peu relayé par les grands médias. En témoigne l’absence totale de son traitement dans les journaux télévisés de TF1 et France 2 le 13/11/2017 (pour ne mentionner que ceux-là). Hasard du calendrier, précisons que l’actualité de ce 13 novembre porte en réalité sur la date anniversaire des attentats de Paris. Le journal La République des Pyrénées consacre un article à cet appel scientifique en commençant pertinemment par : « cela aurait pu être un coup de tonnerre, ce fut à peine un murmure ». On peut aussi s’interroger sur la façon dont les scientifiques interpellent le grand public et les décideurs quand il s’agit de ces sujets, généralement sous la forme d’appel alarmiste (certes justifié, mais est-ce efficace ?). Quand bien même la tribune des scientifiques aurait-été plus relayée par les médias, aurait elle été entendue, écoutée ?

cultures populaires, cultures informelles

Comme l’écrit François-Guillaume Lorrain, journaliste et écrivain, dans Le Point du 15 Novembre 2017, « Trop d’appels tuent l’appel. […] Faut-il mesurer le renforcement de la menace à l'aune de l'inflation du nombre de signataires ? Combien devront-ils être pour qu'on les entende enfin ? » On constate à quel point le message initial de ces scientifiques nécessite des médiateurs pour en valoriser le contenu. Ce matin-là, Nicole Ferroni s’est emparée de ce rôle de médiatrice. La matinale de France Inter est quotidien- nement suivie par 3.8 M d’auditeur·rice·s. Le Monde, journal de référence dans lequel a initialement été publié l’Appel des scientifiques, affiche 2,42 M de lecteurs. La science a besoin des deux pour être entendue et comprise. Oui il faut diffuser des choses sérieuses via les médias de référence. Les scientifiques ne peuvent cependant pas se contenter de cela s’ils veulent être entendus, voire même compris. Le sujet est suffisamment global pour chercher à toucher non seulement les décideurs mais aussi pour interpeller le grand public. C’est le rôle des scientifiques mais aussi des médiateurs de faire passer des messages sous différentes formes. Parmi elles, l’humour agit en vecteur d’apprentissage plus fort qu’on peut le croire.

Nicole Ferroni déclare à ce propos : « je me rends compte que je me sens peut-être plus enseignante aujourd’hui que lorsque j’étais dans l’Édu- cation nationale » où elle enseignait les SVT (sciences de la vie et de la terre). Visiblement sur la même longueur d’onde, l’autrice de nombreuses bandes-dessinées humoristiques de vulgarisation scientifique, Marion Montaigne, affirme : « La science a un côté intimidant. Mais il n’y a pas besoin d’être professoral pour être exact. Tout le monde peut interroger la science et en rire. Je crois au gai savoir. »

Alors au « il sera bientôt trop tard » des scientifiques, qu’on peut résumer par « nous allons tous mourir », ne vaut-il pas mieux retenir la chance de la vie sur Terre tant vantée ici par Nicole Ferroni ? … et agir en conséquence !

Portrait de Rachel Carson par Irving Penn (1951), photographié par l’auteure au Grand Palais le 7 octobre 2017 lors d’une rétrospective consacrée à Irving Penn.

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ne femme d’un certain âge observe les visiteurs qui se pressent au Grand palais. Attirée par son regard triste, je m’arrête pour contempler ce portrait en noir et blanc signé « Irving Penn ». Immortalisée en 1951 grâce à sa photographie, Rachel Carson est à l'honneur d’une rétrospective consacrée à ce photographe (du 21 septembre 2017 au 29 janvier 2018). La légende du portrait précise : « Rachel Carson, biologiste marin et zoologiste, a lancé une mise en garde contre l’emploi massif du pesticide DDT. Son ouvrage Printemps silencieux (1962) est à l’origine du mouvement écologiste moderne. »

Si le nom de Rachel Carson m’est inconnu à ce moment précis, les mots « pesticide » et « mouvement écologiste » n’ont jamais autant été d’actualité. Les néonicotinoïdes tueurs d’abeilles ou encore les prévisions mortifères des scientifiques d’une 6e extinction de masse ont fait ces derniers mois la « une » des journaux. Les débats en matière d’écologie politique sont désormais au cœur de la cité dont l’enjeu n’est rien moins que la survie de

2017