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explorer la nature pour mieux la détruire ?

sont variées. Il y a des jouets d’observation (loupe, jumelles) mais aussi des coffrets portant sur une thématique précise (l’eau, les volcans, le papier). Graphiquement, tout est fait pour rappeler la nature : le fond de la page est vert, les jouets sont conçus dans des tons évocateurs de la nature. Le bleu rappelle l’eau. L’orange fait penser au soleil. Parmi les jeux gambadent des animaux : un canard en plein vol, un martin-pêcheur, deux coccinelles sur une amanite tue-mouches… Tout est fait pour renvoyer à l’imaginaire des jeux en plein-air, loin de la grisaille urbaine.

En suggérant de telles images, la Grande Récré cherche à l’évidence à séduire les familles habitant en ville, celles qui ponctuellement font du camping ou se baladent en forêt le week-end. L’objectif d’Exploria est d’ailleurs clairement explicité : « donnez à vos enfants le plaisir de découvrir et d’explorer la nature, afin de mieux la préserver ». Les jeux Exploria sont ainsi présentés comme éducatifs, permettant de faire comprendre l’impor- tance de la préservation de l’environnement.

Comment cependant des jouets en plastique, produits en masse, peuvent- ils initier à la « préservation de la nature » ? De quelle nature parle-t-on véritablement ? Afin de répondre à cette question, intéressons-nous à l’un de ces jeux : le coffret « À la découverte du papier ». C’est le jeu Exploria le plus mis en valeur. Tout d’abord par sa taille. Ensuite par son prix, surligné de jaune. Enfin par la présence d’un pictogramme rouge « recommandé par les parents conseils ». S’il y a donc un jeu Exploria digne d’intérêt, c’est assurément celui-là !

Que contient-il ? Un kit de fabrication de papier recyclé et un livret « ludique et éducatif ». Visuellement, le matériel de fabrication (rouleau, bacs, tamis) est disposé au premier plan. Il est de couleur verte et en plastique, suggéré en cours d’utilisation et posé sur une table en bois. Le dessin d’un jeune garçon blanc, en tenue d’explorateur, invite à partir « à la découverte de cette étonnante matière ». Ce jeune garçon est la mascotte de la gamme Exploria. Il a l’air plutôt fatigué, portant de nombreux rouleaux de papier qu’il a sans doute lui-même fabriqués. À L’arrière-plan, on peut observer un paysage a priori idyllique : une forêt ensoleillée au bord d’un cours d’eau. En regardant d’un peu plus près, on peut voir cependant que les arbres sont bien alignés et ont tous le même diamètre : c’est une futaie régulière

cultures populaires, cultures informelles

destinée à l’exploitation du bois. Où donc est la biodiversité dans cette monoculture ? Les fleurs de prairie aux couleurs vives sont placées juste derrière la mascotte. Elles indiquent le côté créatif de la fabrication (les enfants peuvent cueillir des plantes pour les incorporer dans leur papier). Voilà donc la nature que la Grande Récré propose de préserver : une nature contrôlée, maîtrisable, exploitable.

Le jeu est vendu comme vertueux. En fabriquant du papier recyclé, les enfants s’amusent, développent leur créativité et enrichissent leurs connais- sances. Mais en quoi apprendre aux enfants comment faire du papier permet de « mieux préserver » la nature ? L’industrie papetière est l’une des plus polluantes avec des conséquences non négligeables sur les écosystèmes. En effet, c’est une industrie qui consomme beaucoup d’eau. Les usines sont situées au bord de fleuves et sont à l’origine de rejets parmi les plus néfastes pour l’environnement. De plus, cette industrie participe activement à la déforestation des zones tropicales avec le remplacement des forêts anciennes par de la monoculture d’eucalyptus à l’origine d’une perte significative de la biodiversité et de l’érosion des sols.

Le jeu « À la découverte du papier » traduit en réalité un rapport à l’environ- nement basé sur l’exploitation industrielle. La nature est clairement séparée de la culture. Il faut pourtant réapprendre aux enfants le plaisir d’explorer la nature pour se la réapproprier et mieux l’utiliser. Avec ce jeu, l’objectif est plutôt de réaliser « de superbes créations » en cueillant des fleurs pour les mettre dans la pâte à papier, sans avoir à se poser la question si ces espèces sont protégées ou non. Pour vingt euros, La Grande Récré propose finalement aux enfants d’apprendre surtout les rudiments d’un procédé industriel de fabrication du papier et ainsi jouer à détruire la nature.

C

e cliché a été pris le 21 février 2018, à l’occasion de la Fashion Week milanaise durant laquelle Alessandro Michele, directeur artistique de la marque Gucci, a présenté sa collection Automne-Hiver 2018/2019.

Depuis son arrivée à la tête de la maison de luxe en 2015, le créateur star ne cesse de faire parler de lui, autant pour ses choix artistiques que pour son audace marketing. Cette année 2018, il fascine le monde de la mode, moins pour ses créations que pour la mise en scène troublante de son défilé. Jugés dérangeants, voire perturbants, les choix d’Alessandro Michele ne laissent pas indifférent.

L’événement se situe dans le GucciHub à Milan, quartier général de la marque italienne. Une pièce aux murs recouverts de PVC, une lumière blanche aveuglante produite par des projecteurs immaculés et hauts perchés, des sièges en plastiques alignés et liés les uns aux autres

2018