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rencontrent d'autres clans, et autant de mœurs et de techniques différentes qu'ils s'approprient ou rejettent. C'est une quête initiatique dont la rencontre avec Ika et son clan d'Homo sapiens est cruciale pour le devenir de la tribu de Naoh. En témoigne cette image extraite de la fin du film. Ika prend ici la place de Naoh afin de produire le feu. Même si ce dernier a déjà vu, plus tôt dans le film, un homme de la tribu d'Ika obtenir du feu de cette façon, il est incapable de reproduire lui-même les bons gestes.

Par-delà cette scène de transmission d’un savoir technique, le film aborde de nombreuses autres questions d’ordre scientifique car préhistoriens, anthropologues ou éthologistes aimeraient bien savoir avec quelques certitudes quelles étaient les pratiques et mœurs des hominidés, il y a plus de 40.000 ans : médecine, alimentation, sexualité, habitat, rapport aux morts, cannibalisme, rire. Jean-Jacques Annaud documente pour cela très bien son film. Il y intègre des références et des connaissances réputées scientifiques. Beaucoup d'anachronismes et d'erreurs lui ont été cependant reprochés (à raison parfois) concernant sa vision des hominidés paléolithiques et de leur mode de vie. Une controverse suit ainsi la sortie du film. Elle est engagée par les préhistoriens qui veulent rétablir quelques vérités scientifiques de leur époque afin de corriger dans ce film ce qui est proposé selon eux de façon un peu trop libre. Les scientifiques affirment par exemple que Néandertal est noir de peau. Lucy avait été découverte en 1974, considérée alors comme la première femme de l’humanité. C’est une australopithèque, petite, noire et velue, tout comme Néandertal. Sapiens, réputé plus intelligent, a, lui, la peau plus claire. Jean-Jacques Annaud prend cependant le contre- pied de cette préhistoire un tantinet blanche et sexiste. Naoh est en effet dans son film un néandertalien à peau claire. Est-ce une intuition ? Il est établi quelques années plus tard que Néandertal était sans doute blanc et que c'est sapiens, notre ancêtre le plus direct, qui était noir !

Un autre aspect singulier de ce film est à souligner et que figure très bien ce document. : la symbolique de la production du feu est dans l'inconscient collectif comme la première des technologies conquises pour la survie de l’espèce humaine. Ici une femme assure le rôle d’apprendre à un homme ce savoir-faire technique essentiel. En ce sens, la proposition contredit là aussi quelques convictions bien ancrées chez les préhistoriens de cette époque. En 1981, la science de la préhistoire est en effet "sexiste". L'homme peint les

cultures populaires, cultures informelles

cavernes et invente l’art. L'homme découvre la médecine. L'homme dispose de tous les pouvoirs et domine naturellement la femme. Ne dit-on pas Homo pour designer notre filiation ?

La culture ordinaire semble s’être approprié le discours de l'artiste plus que celui des scientifiques. Pourquoi ? Est-ce parce que Jean-Jacques Annaud, embrassant 40 000 ans grâce à ses anachronismes, permet un accès à une vision plus juste de la préhistoire ? Est-ce parce que son histoire est plus en phase avec les évolutions de la société contemporaine dont les ressorts sont notamment la remise en cause de la suprématie blanche et de la domination masculine ? La fiction permet en tout cas au réalisateur une grande liberté. Il le dit lui-même : " (…) tout en donnant à réfléchir, (le film) prend des libertés par rapport au diktat de la science".

Le titre fut sans doute mal choisi car de guerre, dans ce film, il n'y en a pas vraiment. La "conquête" du feu salvateur et d'une sexualité libératrice se fait pacifiquement grâce à Ika, une femme. Autant d'idées qui ne sont pas encore des évidences partagées en 1981 mais déjà largement en gestation dans les esprits. La guerre du feu, c’est ailleurs qu’il faut peut-être la rechercher. Inconsciemment sans doute, le public le comprend. La guerre du feu, c’est eux qui la vivent à ce moment même. Je veux parler des deux chocs pétroliers qui bouleversent le visage des sociétés occidentales et les obligent à changer de paradigme sociétal, environnemental, écono- mique et moral. Le film est maintenant un document d'archive. Il annonce une époque en devenir. 40 ans plus tard, sommes-nous au milieu du gué ou sommes-nous revenus sur nos pas ?

Une du Monde datée du 30 juin 1988 : « – une découverte française pourrait bouleverser les fondements de la physique - la mémoire de la matière »

L

a publication d’un article par une équipe de chercheurs français dans la remarquable revue Nature est un événement qui ne peut passer inaperçu. Le rayonnement de la filière scientifique française s’en trouve amplifié. Pour des découvertes en rupture, d’éventuels prix Nobel se dessinent… C’est ainsi que le 30 juin 1988, jour de la publication de ladite revue, la presse nationale annonce une découverte historique que le quotidien Le Monde reprend en "Une".

L’équipe auteure de cet article est dirigée par un immunologiste à l’apogée de sa carrière, Jacques Benveniste. Fort de plus de 300 publications dans des revues internationales les plus prestigieuses, il dispose d’une renommée mondiale et de la pleine reconnaissance de ses « pairs ». Mais force est de constater que l’article du Monde exhibe un malaise certain de la communauté scientifique. Relevons dans le texte les expressions suivantes : « Etrange hallucination ou révolution scientifique ? », « de longs mois d’hésitations », « incroyable », « une conclusion qui […]

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