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D

ans le débat sur le propre de l'humain, le langage tient une place de choix. Un animal est-il capable d'acquérir et d'utiliser un langage structuré comme le sont les langues humaines ? Le film « Project NIM » de James Marsh (sorti en France en 2012) relate une expérience en- treprise dans les années 1970 pour tenter de répondre à cette question. Nim Chimpsky, un jeune chimpanzé né en captivité, est confié par le professeur Herbert Terrace à Stéphanie, une de ses anciennes étudiantes. La mission de Stéphanie est de l'élever comme s'il était son enfant et de lui apprendre la langue des signes américaine.

Nim Chimpsky - ainsi nommé en référence au linguiste américain Noam Chomsky qui affirme que le langage structuré permettant la pensée abstraite est le propre de l'humain - devient adolescent : un jeune chimpanzé violent et incontrôlable. Terrace, rattrapé par ses responsabilités et les failles scientifiques de son expérience y met fin et renonce à son rêve de demander un jour à Nim : « Tell me, what do you think ? ».

Et tranche le débat : « Nim est incapable de pensée abstraite. S'il peut utiliser un langage structuré, c'est par imitation et pour communiquer dans des situations concrètes ». Mais Stéphanie, et surtout Bob, un étudiant toxicomane qui suit la destinée de Nim et devient son ami, ne sont pas de cet avis. Selon ce dernier, Nim fait preuve de capacité d'abstraction en produisant les trois signes « stone », « smoke » et « now » pour réclamer du cannabis à son ami, alors même qu'il n'en a pas sous les yeux. L'étude de groupes de grands singes en milieu naturel semble confirmer cette capacité. Analysons-en quoi les deux affiches du film ci-contre, diffèrent dans leur vision – aussi partiale l'une que l'autre – de cette problématique. Comment acquiert-on le langage et la pensée ? Mettons à jour quelques croyances concernant cette question.

L'affiche de gauche diffusée aux USA, évoque la « Création d'Adam » de Michel-Ange. Nim, tel Adam dans une posture d'enfant en dévotion devant son parent, effleure de sa main l'index d'une main humaine. Suggère-t-elle que l'humanité, ayant reçu de Dieu le langage et la pensée, peut maintenant en faire don aux chimpanzés ?

L'affiche de droite montre un Nim qui nous fait face, les mains derrière la tête dans une attitude qui n'est pas sans rappeler … mais si ! Souvenez-vous ... l'adolescent silencieux assis au fond de la classe contre le radiateur et qui braque en permanence sur le professeur son regard frondeur et insondable ! L'histoire de Nim est celle d'un rêve : celui qu'a l'humain de partager sa pensée avec une autre espèce. La réalisation du rêve a échoué, mais pour quelle raison exactement ? Est-ce parce que c'est impossible sans interven- tion divine ? Ou à cause d'un système éducatif défaillant qui produit malheu- reusement des cancres ? Ou bien parce que la structure de notre langage est inscrite dans notre ADN et que l'on ne pourrait envisager de la partager avec les chimpanzés qu'au prix de quelques manipulations génétiques ? Élevé par des humains, privé de toute relation avec ses congénères, Nim est conçu comme un « Tarzan inversé ». Il ressemble malheureusement davantage à celui de « l'enfant sauvage » qu'à celui du « seigneur de la jungle ». Contrairement à Tarzan, aussi à l'aise parmi les grands singes de la

cultures populaires, cultures informelles

jungle que dans les salons londoniens, ces « chimères » sont capables ni de s'assimiler totalement à leur espèce adoptive ni de disposer des « codes » de leur espèce d'origine.

Déjà très critiqué à l'époque, du fait de sa rigueur scientifique contestable et du peu de considération éthique pour la condition animale, le projet Nim a le mérite de mettre fin à l'illusion tarzaniste. Il est dommage cependant d'en rester là, comme si cette expérience invalidait irrémédiablement l'hypothèse que les singes et les humains puissent un jour utiliser un langage structuré et commun.

Les deux affiches rendent compte de ces deux formes de déni de réalité inscrites dans la conception de cette expérience : l'acquisition de la pensée et du langage ne se résume ni à un don d'essence divine ni à un dressage. Chercheuse hors norme, Sue Savage-Rumbaugh décrit dans un article co-écrit avec William Fields (L’évolution et le développement du langage humain chez Homo Symbolicus et Pan Symbolicus), l'expérience menée dans un groupe « biculturel » constitué d'humains et de bonobos. Dans ce groupe social inédit, les jeunes bonobos communiquent grâce à un langage qui n'est ni tout à fait humain ni tout à fait simien. Les chercheurs pensent qu'il fonctionne comme une sorte de créole inter-espèces. Moralité : Pour se constituer une pensée et un langage communs, il faut pouvoir se créer un destin commun.

H

ystérie (cf. CNRTL, du grec hystera qui signifie utérus) : Nom féminin décrivant une excitation violente, inattendue, spectaculaire et qui paraît exagérée.

Aussi n'est-on pas étonné de trouver Charlotte Dalrymple pendue au cou du docteur Granville dans un état d'excitation certaine ; elle est pourtant cette seule femme qu'il ne peut dompter, lit-on sur l'affiche !

Dans cette Angleterre victorienne, la femme semble guidée par ses émotions. Elle ne pense pas par elle-même. Mais n'ayez aucune inquiétude mesdames car le docteur Granville possède le remède à l’hystérie de toutes les londoniennes (environ une femme sur deux d'après les spécialistes), promet l'affiche ! Il suffit de passer sous le bandeau (comprenez sous la ceinture...) pour découvrir de quoi il retourne. On y voit une femme les quatre fers en l'air, jupe retroussée, un rideau pourpre supposé préserver son intimité. Der- rière le rideau, un homme s'affaire à lui prodiguer de savants massages

2012

Hysteria (film)