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« Une danse fantastique sur la Lune », mais un voyage dangereux.

Ce titre accrocheur résume à lui seul la fascination que cet événement a pu générer à ce moment-là. Depuis la nuit des temps, l’humanité repousse les frontières de l’inconnu grâce à ses explorateurs, comme Christophe Colomb, Vasco de Gama ou encore Marco Polo. L’événement est tel, que quasi toute la une lui est consacrée : seul un minuscule encart publicitaire vient perturber la célébration. L’humanité vient de fouler un autre sol, qu’on découvre très largement sur la photo d’illustration.

La culture populaire quant à elle a amplement devancé l’appel. En Europe, « Objectif Lune » et « On a marché sur la Lune », deux albums de Tintin d’Hergé se lancent en avant-première. Côté états-unien, les comics, dont les super héros ont été lessivés par la Seconde Guerre mondiale, retrouvent une nouvelle jeunesse, avec des héros de l’espace comme Adam Strange (1958). Quant à la science-fiction, elle prend un nouvel essor, y compris côté soviétique. L’humanité se rêve en grand voyageur visitant des planètes peuplées ou non.

Si le public est friand des exploits de ses explorateurs, il sait aussi que fouler des terres inconnues est un exercice qui peut se révéler dangereux. La fragilité des astronautes est très bien illustrée par la composition de la photo, et l’écho qu’on peut ressentir avec le sous-titrage anxiogène : « le Monde a encore peur ». Les humains et leur matériel brillent dans la lumière crue du soleil, mais sont dominés par le noir intersidéral qui les chapeaute. Brillants, mais seuls. Brillants, mais fragiles. Il est certes formidable d’avoir marché sur la Lune, encore faut-il en revenir.

Une victoire pour l’Amérique dans un contexte de guerre froide

La photo en noir et blanc qui occupe une place centrale et la moitié de la page ne laisse aucun doute sur ce qui est ici célébré.

Se détachent sur un même plan : le module lunaire, les deux astronautes, et entre eux un drapeau. Le module lunaire est cadré sur le côté : ce n’est pas lui qui est mis en valeur, mais bien le couple d’astronautes encadrant le drapeau américain. C’est l’image même d’une Amérique triomphante que France-Soir décide de montrer.

cultures populaires, cultures informelles

Cette une, tout à la gloire des États-Unis par sa photo, se comprend d’autant mieux replacée ds son contexte. Depuis des années, la culture populaire, notamment cinématographique, ne cesse de représenter le pays en vainqueur systématique de ses affrontements face à un bloc commu- niste au mieux envieux (le rideau déchiré d’Alfred Hitchcock) ou face à des envahisseurs agressifs (La Guerre des Mondes de Byron Haskin). Pourtant l’Amérique perd les premières manches de la conquête spatiale : le premier satellite artificiel (1957) et le premier vol habité (1961) sont soviétiques. La toute nouvelle NASA créée en 1958 met alors les bouchées doubles et investit des millions de dollars dans le projet Apollo. Cependant, après cette réussite éclatante, l’enthousiasme retombe rapidement. On arrête de marcher sur la Lune, dès 1972. Les investissements sont orientés plutôt vers le projet de construction d’une navette spatiale. Quant à l’humanité, elle vise désormais la colonisation de Mars. Mais pour l’exploration spatiale, elle préfère envoyer des robots en éclaireur.

Controverse

Aujourd’hui, 6 à 20 % des gens, selon les pays sondés, doutent que l’on soit jamais allé sur la Lune. Ce scepticisme né dès les années 1970 est soutenu par nombre de sites internet. Il est peu entamé par les images de la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) qui montrent les traces des différentes missions, dont celles de la mission Apollo 11 prises en 2012. Se pose alors la question de la confiance qu’on peut avoir dans les images qui nous parviennent. Elle s'assimile souvent à celle que l'on accorde à l’émetteur. Mes parents n’ont jamais douté de ce qu’ils ont vu en ce 21 juillet 1969. Je me souviendrai toujours de leur regard scotché sur ces bonshommes blancs sur fond noir qui bougeaient bizarrement. À mes yeux de fillette de 5 ans, ça ne valait pas tripette. J’attendais avec impatience… les dessins animés.

Arrêt sur image du film Nuit et Brouillard d’Alain Resnais, 1970 (5’57’

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956. Alain Resnais réalise Nuit et Brouillard, premier témoignage populaire de la déportation des juifs d’Europe. Son réalisateur est contraint cependant, dans un premier temps, d'amputer son travail. Une partie de l'image est d'abord censurée (l'agent de police française). L'image originale devient par la suite un témoignage historique et judiciaire, un support de la mémoire mais aussi un exemple emblématique de dissimulation.

Cette archive rappelle l’absolue nécessité pour l’historien de s'imposer toute la rigueur scientifique afin d'échapper à l’influence du politique, de l’idéologie et de la culture dominante du moment. Censurée en 1956, la France ne voit pas ce personnage de policier français surveillant les internés du camp de Pithiviers. Pour un grand nombre de juifs de France et pour les enfants du Vel d’Hiv, ce nom "Pithiviers" est pourtant celui de la dernière étape avant le centre de mise à mort de Birkenau à Auschwitz. Les français ne se doutent donc pas, à partir de cette image tronquée, de l’impli- cation de la France dans l’assassinat systématique des juifs. Ils n'ont pas