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CHAPITRE 3 : ANALYSE DES RÉSULTATS

3.1.2.2 Avec savoirs de formation

Pour le critère C1, Alain met à contribution les savoirs de formation pour qualifier le

processus de visualisation qui transparaît des démarches des élèves. Ainsi, il identifie le paradigme géométrique (Houdement et Kuzniak, 1999) auquel se réfèrent les élèves :

L’élève a construit deux triangles, tous deux rectangles en M. Il s’est basé sur ces deux triangles construits pour dire que l’ensemble des points M qu’il recherche est la droite (D) qu’il a trouvée. N’ayant pas fait recours aux notions ou propriétés vues en classe pour réaliser sa démarche, l’élève se retrouve alors dans le paradigme G1(annexe 2; production 4; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L77-L80).

En outre, Alain a recours au modèle des appréhensions des figures géométriques (Duval, 1994) : « il a utilisé la décomposition du solide pour calculer le volume en morceaux, alors l’élève a usé d’un mode opératoire, d’où l’appréhension opératoire » (annexe 2; production 3; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L10-L11). Alain identifie par

ailleurs deux types de raisonnements chez les élèves auteurs des productions 3 et 4. Il s’agit du «… raisonnement déductif malgré que ce dernier ne soit pas allé jusqu’au bout de sa démarche » (annexe 2; production 3; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L9-L10) et du raisonnement inductif : « … il semble qu’il s’est basé du particulier

au général pour conclure, donc il a usé d’un raisonnement inductif » (annexe 2; production 4; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L81-L82). Alain a également

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procédé aux analyses séquentielle et structurelle (Cabassut, 2005) des démarches des élèves comme l’illustrent le tableau 27 et la figure 31.

Tableau 27 : Analyse séquentielle de la démarche de l’élève dans la production 4 par Alain

Figure 31 : Analyse structurelle de la démarche de l’élève dans la production 4 par Alain

Ces analyses permettent à Alain d’affiner sa description de la démarche de l’élève à travers la mise en évidence des règles de validation utilisées par les élèves et la manière dont ces règles sont mises à contribution pour transiter des données à la conclusion finale. Le recours à ces différents savoirs de formation peut être interprété comme la résultante d’une influence de la posture de l’étudiant. L’amorce de transition vers la posture de l’étudiant, observée lors des analyses sans savoir de formation semble se confirmer. En outre, comme lors des analyses sans savoir de formation, Alain se garde généralement de juger négativement le recours à la visualisation ou aux explications plutôt qu’aux démonstrations. La valeur ainsi accordée à la modalité 2 montre que la préoccupation pour les raisonnements observée dans le questionnaire et les analyses sans savoir de formation semble progressivement être remise en cause par Alain. La description des démarches des élèves avec savoirs de formation pourrait donc avoir contribué à favoriser une transformation des rapports aux savoirs d’Alain caractérisée par la mobilisation des modalités 2 et 3.

Pour le critère C2, Alain évoque une conclusion hâtive faite à partir d’une visualisation : « …

l’élève aurait dû construire plus de deux triangles rectangles qui l’auraient peut-être aidé à émettre une conjecture » (annexe 2; production 4; analyse de productions d’élèves avec

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savoirs de formation : L90-L92). Il poursuit en indiquant ce que l’élève aurait dû faire : « s’il

avait construit un troisième triangle, il devait se rendre compte qu’il ne peut joindre les trois sommets par une droite (D) » (annexe 2; production 4; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L93-L95).Alain émet par la suite un jugement sur les caractéristiques

de l’élève : « il y a aussi du manque de sérieux dans sa démarche et l’absence des formules de calcul de volume des différentes figures qu’il aurait trouvé avec une décomposition rigoureuse et une totale concentration à la tâche » (annexe 2; production 3; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L20-L22).Les descriptions des erreurs avec

savoirs de formation confirment une prise de conscience de l’importance de la visualisation dans les démarches géométriques des élèves. Alain semble reconnaître que la visualisation constitue le cadre principal dans lequel se produisent les erreurs des élèves pour les productions étudiées. Mais cette prise de conscience révèle une préoccupation pour la visualisation qui pourrait traduire une influence de la posture de l’ancien élève.

Pour le critère C3, Alain émet deux hypothèses. La première renvoie aux caractéristiques de

l’élève se laissant influencer par « les idées d’autres élèves qui sont autour de lui » (annexe 2; production 3; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L27). La

deuxième hypothèse renvoie aux connaissances de l’élève et se subdivise en trois sous- catégories :

1) l’absence de connaissances : « […] l’élève ne connaît pas les caractéristiques des figures sorties du solide ainsi que leurs formules pour le calcul de volume » (annexe 2 ; production 3 ; Analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L32-

L34);

2) l’utilisation de connaissances non adaptées à la situation : « […] l’élève a utilisé la propriété que « par deux points, il ne passe qu’une seule droite » sachant qu’il y a une multitude de points M recherchés » (annexe 2; production 4; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L99-L101).

3) La compréhension du sens de l’énoncé : « il se peut que l’élève n’ait pas compris le sens de l’énoncé ou qu’il n’ait rien compris du tout de ce qui lui est demandé » (annexe 2; production 4; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L97-L98).

La formation semble avoir stimulé une description plus large des origines des erreurs qui ne sont plus réduites aux seules caractéristiques de l’élève. En effet, Alain montre qu’il s’intéresse davantage aux interactions entre les élèves et la tâche sous l’influence du contexte (DeBlois, 2011). Il semble donc qu’il soit passé des rapports traditionnels à des rapports

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constructivistes à l’erreur. Cette transition pourrait être la manifestation d’une influence de la posture de l’étudiant.

Pour le critère C4, Alain propose une résolution de chacune des tâches. Ainsi pour la

production 3, il propose comme résolution la démarche suivante :

Les objets A et B étant tous deux constitués des mêmes types de petits cubes, pour les comparer, il faut compter le nombre de cubes qui constituent chaque objet. Étant constitués chacun de quatre (4) cubes, il va sans dire que l’objet A et l’objet B occupent le même espace en volume. Donc ces deux objets ont le même volume. Pour calculer le volume, il va falloir le décomposer en différentes figures dont on connaît les propriétés. Notre solide est composé de deux cylindres de volumes différents ainsi que de deux pavés de volumes différents également. Donc pour avoir le volume du solide, il va falloir calculer tous les volumes des figures obtenues après découpage du solide et ensuite les sommer (annexe 2; production 3 ; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L38-

L46).

La démarche géométrique d’Alain dans cette résolution repose sur une visualisation à travers des déconstructions du regard45 illustrées par les figures 32 et 33.

Figure 32 : Déconstruction d’un solide en cubes par Alain

Figure 33 : Déconstruction d’un solide en cylindres et en pavé droit par Alain

Ces visualisations sont suivies dans un cas par un dénombrement des cubes-unités et dans l’autre par une application des formules de volume du cylindre et du pavé droit. La démarche d’Alain dans ces deux cas renvoie aux modalités 2 et 3.

Pour la production 4, la résolution est la suivante :

45 Cela signifie que la déconstruction n’est réalisée ni matériellement ni graphiquement, mais qu’elle est inférée par le chercheur à partir de la démarche qu’Alain propose.

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Étant donné que la tâche est de trouver l’ensemble des points M tels que les triangles obtenus soient rectangles en M. Il nous faut utiliser la propriété d’un triangle rectangle inscriptible dans un cercle. Dans ce cas, pour trouver l’ensemble des points M pour qu’AMB soit rectangle en M, il suffit que l’hypoténuse du triangle soit le diamètre du cercle. Cela revient à dire et à conclure que l’ensemble des points M recherchés tels que les triangles AMB soient rectangles en M est le cercle de diamètre [AB] qui est l’hypoténuse commune aux triangles rectangles » (Annexe 2 ; production 4 ; Analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L108-L114).

La démarche d’Alain paraît principalement déductive. La visualisation n’apparaît qu’en filigrane à travers l’évocation de figures géométriques sans qu’il ne trouve nécessaire de les représenter. Il est donc possible d’interpréter les rapports aux savoirs en jeu ici comme relevant de la modalité 0 selon lequel aucun dessin géométrique n’est requis. La persistance de cette modalité pourrait illustrer le fait que l’émergence de la posture de l’étudiant subit toujours les perturbations de l’influence de la posture de l’ancien élève qui s’illustre par l’utilisation du terme « figure » plutôt que « solide » pour évoquer les objets de l’espace. Après ces résolutions, Alain juge nécessaire de reformuler les deux énoncés. Ainsi, l’énoncé de la tâche relative à la production 3 devient : « l’unité de volume étant le petit cube, après avoir trouvé les volumes de l’objet A et celui de l’objet B, compare ces deux volumes » (annexe 2; production 3; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L54-

L55). Pour la production 4 de la figure 24, il propose comme nouvel énoncé : « A et B sont

deux points distincts du plan. En utilisant les caractéristiques d’un triangle rectangle inscrit dans un cercle, trouver l’ensemble de tous les points M tels que le triangle AMB soit toujours rectangle en M quel que soit le déplacement du point M dans le plan » (annexe 2; production 4; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L122-L125). Pour Alain, ces

modifications, ont pour but d’orienter les élèves dans la réalisation des tâches : « étant donné que l’élève s’est basé sur la taille des objets pour faire sa comparaison, on va modifier la question en l’orientant à voir l’aspect des cubes » (annexe 2; production 3; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L52-L53). Alain semble reconnaître

l’importance pour l’élève de construire lui-même ses réponses en se nourrissant des interactions avec l’enseignant ou avec d’autres élèves. En effet, il explique :

L’intervention va permettre à l’élève de trouver la réponse de lui-même en se basant sur des propositions de réflexion élaborées par l’enseignant afin de créer une interaction élève-élève par des indications faciles à comprendre par des élèves. De ce fait, l’élève peut dépasser ses erreurs commises dans la résolution

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de la tâche (annexe 2; production 3; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L60-L64).

Cette transformation se perçoit aussi dans l’intervention projetée pour la production 4 : Cette intervention permettra probablement à l’élève non seulement de dépasser son erreur, mais de comprendre ce qui lui est demandé dans la tâche. Dans l’intervention, on ne donne pas la résolution de la tâche, mais des éléments qui permettront à l’élève d’arriver lui-même au résultat escompté. Elle permet également à l’élève de prendre confiance en lui et à ce qu’il produit lui-même (annexe 2; production 4; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L136-L140).

Alain semble en outre reconnaître le rôle central que peut jouer la visualisation pour favoriser cette co-construction des connaissances par les élèves. L’extrait suivant illustre cette prise de conscience :

Pour résoudre la deuxième partie de la tâche, on va suggérer à l’élève de procéder à la décomposition du solide pour obtenir des figures étudiées en cours afin d’utiliser leurs caractéristiques propres et des formules de calcul de volume pour chacune d’elles. À cela, l’élève va devoir utiliser sa perception visuelle. On peut également lui proposer de faire des maquettes pour un bon aperçu du solide (annexe 2; production 3; analyse de productions d’élèves avec savoirs de formation : L66-L70).

3.1.2.3 Bilan

Les analyses de productions d’élèves d’Alain se caractérisent par une transformation de ses rapports aux savoirs. Cette transformation est marquée par une transition d’une préoccupation pour le raisonnement déductif à une préoccupation pour l’articulation entre visualisation et raisonnements. Ce passage s’illustre par l’importance accrue accordée à la visualisation. Cette importance transparaît dans les descriptions des démarches des élèves, des origines des erreurs ou encore du projet d’intervention. Cette transformation pourrait être une conséquence de l’émergence progressive de la posture de l’étudiant. Cette posture de l’étudiant a pu inciter Alain à mettre à contribution les savoirs de formation. Ces savoirs de formation ont semblé par la suite avoir permis à Alain de passer de rapports traditionnels à des rapports constructivistes à l’erreur. En outre, les rapports aux savoirs d’Alain ont paru rattachés à une dimension épistémique correspond aux modalités 2 et 3. Mais cette émergence de la posture de l’étudiant a, semble-t-il, été perturbée par une tension avec celle de l’ancien élève. Cette tension pourrait expliquer pourquoi Alain a privilégié un style explicatif dans son projet d’intervention.

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3.1.3 Activité mathématique par la résolution de problèmes de recherche