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CHAPITRE 2 : MÉTHODOLOGIE 2.1 Choix méthodologiques

2.2 Description du dispositif mis à l’épreuve

2.2.1 Composantes du dispositif à l’étude

2.2.1.1 Formation à l’interprétation

Cette première composante de la formation s’articule autour de l’analyse de productions d’élèves. Le choix de la « production d’élève » pourrait être déterminant pour favoriser l’émergence chez les futurs enseignants des savoirs de formation (Wassermann, 1994). Nous entendons par « production d’élève », le résultat observable de l’activité d’un élève en réponse à une évaluation. Il est possible de distinguer :

1) les productions écrites comme les réponses des élèves à un examen par exemple et les productions orales faisant intervenir les questions ou réponses des élèves pendant un cours;

2) les productions privées comme le brouillon souvent non accessible à l’enseignant et les productions publiques comme le cahier de l’élève, la copie de devoir ou d’examen, souvent accessibles à l’enseignant.

Plusieurs recherches en didactique des mathématiques permettent de justifier l’intérêt de faire analyser des productions d’élèves par de futurs enseignants en formation initiale. À titre d’illustration, DeBlois (2003, 2006) montre comment l’analyse de productions d’élèves par de futurs enseignants et par des enseignants du primaire a permis l’élaboration d’un modèle explicatif des erreurs des élèves et les possibilités d’interventions. En outre, l’analyse de productions d’élèves par des enseignants contribue à mettre en lumière leur manière d’intervenir que ce soit en algèbre (DeBlois, 2009a) ou en géométrie (DeBlois, 2009b). Par ailleurs, Bélanger (2014) propose une analyse non pas en termes de manques, mais de s’intéresser à ce qui pourrait permettre à l’élève de réussir. Ils suggèrent par la suite de ne pas limiter l’analyse à une qualification de la production de « bonne » ou « mauvaise », mais de rechercher des éléments montrant que l’élève manifeste des connaissances sur lesquelles il sera possible de construire les connaissances visées par l’apprentissage. Cette manière d’envisager l’analyse de productions pourrait être mise à contribution en formation initiale

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pour transformer les rapports à l’erreur des futurs enseignants (Flückiger, 2006). À cet effet, DeBlois et Squalli (2002) ont étudié les implications des analyses de productions d’élèves en formation initiale. Ils ont ainsi pu mettre en évidence les postures adoptées par de futurs enseignants pendant la formation. Dans cette optique, les analyses de productions d’élèves pourraient permettre aux futurs enseignants de prendre en compte la diversité des raisonnements des élèves (Perez-Roux, 2007). Elles sont donc de nature à permettre la construction des connaissances sur les élèves (Aliprandi et Mossaz, 2014). En somme, une formation à l’interprétation par l’analyse de productions d’élèves pourrait amener les futurs enseignants à une prise de conscience de l’importance à anticiper les difficultés d’apprentissage dans les planifications (Demongeot, 2009). Cette prise de conscience pourrait impulser une transition des modalités 0 et 1 vers les modalités 2 et 3 révélatrice d’une transformation des rapports aux savoirs des futurs enseignants.

Par ailleurs, la mise en lumière des erreurs dans les productions d’élèves pourrait nécessiter une analyse des démarches géométriques qui y figurent. C’est à partir de ces analyses qu’il pourrait être possible aux futurs enseignants de comprendre les erreurs des élèves afin de s’y appuyer lors des interventions. Ainsi, en s’inspirant des travaux de Cabassut (2005), il est possible de former les futurs enseignants à l’analyse des démarches géométriques des élèves de manières séquentielle ou structurelle. Ces analyses reposent sur l’appréhension de toute démarche géométrique comme un triplet « données-règles de validation-conclusions ». Les données32 sont des propositions dont la connaissance de la vérité est acquise ou admise :

prémisse, conclusion intermédiaire d’un raisonnement précédent, prémisse intermédiaire d’un nouveau raisonnement. Les conclusions sont des propositions dont la connaissance de la vérité est nouvellement acquise pendant ou au terme du raisonnement. Dans le premier cas, on parle de « conclusion intermédiaire » et dans le second cas de « conclusion finale ». Les règles de validation33 sont soit des règles principales, c’est-à-dire des propositions d’ordre

général comme les théorèmes et les formules, soit des règles secondaires, comme des définitions, des règles de logique, qui sont souvent implicites afin de ne pas alourdir le raisonnement. Précisons que les règles de validation utilisées par les élèves ne correspondent

32 Cabassut préfère le terme « donnée » à « hypothèse », car il considère que ce dernier est ambigu en ce sens qu’il pourrait également désigner une conclusion non encore démontrée.

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pas toujours à des formes canoniques telles que celles qui sont données dans les phases d’institutionnalisation des cours de géométrie. L’analyse séquentielle se présente ainsi comme un tableau à trois colonnes représentant les données, les règles de validation et les conclusions, et de lignes représentant chaque pas de la démarche géométrique. Les pas, les conclusions numérotées, et les différentes règles de validation sont numérotés comme l’illustre le tableau 4 qui montre la manière dont pourrait se représenter l’analyse séquentielle d’une démarche géométrique.

Tableau 4 : Analyse séquentielle d’une démarche géométrique

Données Règles de validation Conclusions

[1] R1 [n + 1]

[2] R2 [n + 2]

… … …

[q] Rq [n + q]

L’analyse de type structurelle consiste en une représentation de la démarche géométrique de l’élève sous la forme d’un graphe orienté des données initiales à la conclusion finale. Les nœuds du graphe sont des données ou des conclusions alors que les arêtes permettent de remonter des données initiales vers la conclusion finale. Une donnée peut être utilisée dans différentes conclusions et une donnée initiale ou une conclusion intermédiaire peuvent être utilisées comme données pour plusieurs arguments. Le graphe peut comporter des cycles dont le nombre est un indicateur de la complexité du raisonnement représenté. La figure 11 illustre la manière dont peut se présenter l’analyse structurelle de la démarche géométrique d’un élève.

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Alors qu’une analyse séquentielle vise à rendre compte de la manière dont le raisonnement est exposé, à l’écrit ou à l’oral, à travers une succession linéaire d’arguments, une analyse structurelle révèle l’organisation et la structure profonde du raisonnement. L’analyse de productions d’élèves vise principalement les savoirs sur les raisonnements des élèves et en particulier sur leurs erreurs. Ces savoirs sont une imbrication des savoirs mathématiques, didactiques et pédagogiques (Proulx et Bednarz, 2009; Proulx, 2009). Il convient également de proposer aux futurs enseignants des occasions qui pourraient leur permettre de travailler davantage sur l’activité mathématique autour de la résolution de problèmes (Squalli et al., 2012) afin de leur faire prendre conscience de la dimension expérimentale des mathématiques.