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CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE 1.1 Cadre contextuel

1.1.1 Pertinence sociale

1.1.1.2 Programmes du 1er cycle et décrochages en géométrie

Les programmes actuellement appliqués au secondaire gabonais ont été introduits en 1992. Ils résultent d’une collaboration d’experts d’une quinzaine de pays d’Afrique subsaharienne francophone et ont permis d’harmoniser les programmes de ces pays (Touré, 2002). Ces programmes ont été révisés en 2016 avec l’introduction, entre autres, des probabilités en classe de 3e (élèves de 15/16 ans) alors qu’elles n’étaient enseignées qu’en terminale (17/18 ans). Cette réforme s’est accompagnée d’une réorganisation de la progression des apprentissages marquée par une volonté de viser une plus grande continuité dans la manière d’aborder les concepts mathématiques d’une classe à l’autre. La poursuite de cette réforme devrait aboutir au basculement progressif d’une pédagogie par objectifs à une approche par

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les compétences afin de s’arrimer à la réforme du primaire vieille d’une quinzaine d’années (Mackaya, 2014; Ndolly, 2012).

Le programme du 1er cycle se subdivise en deux parties : 1) les travaux numériques (algèbre, arithmétique, probabilités et statistique), 2) la géométrie (configurations du plan et de l’espace, transformations du plan et repérage). En géométrie, l’accent est mis sur l’apprentissage du raisonnement déductif. En effet, un des objectifs du programme stipule qu’il faut « initier le plus tôt possible l’élève au raisonnement déductif »10 (p.1). Ainsi, en

classes de 6e (10/11 ans) et de 5e (11/12 ans), le programme préconise une initiation aux

raisonnements à un seul pas de déduction (application directe d’une définition ou d’une propriété). En classes de 4e (13/14 ans) et de 3e (15/16 ans), le programme propose d’introduire des raisonnements à plus d’un pas de déduction selon les trois étapes suivantes : 1) la lecture de l’énoncé (construction d’une figure codée, repérage des données et de la conclusion), 2) la recherche d’une démarche et 3) la rédaction de la solution. Cette progressivité se traduit par l’apparition, en classe de 4e (13/14 ans), de l’exigence du raisonnement déductif.

Toutefois, la mise en œuvre de ce programme s’illustre par de nombreuses difficultés d’apprentissage et une recherche de Quentin de Mongaryas (2013) indique que :

La plupart des élèves ont fait ressortir la thèse selon laquelle les difficultés ont débuté dès la classe de 4e. Cela est évoqué par les élèves de 4e en terminale. Mais dans un premier temps, ces élèves s’expriment de façon générale : « mes difficultés en maths sont théoriques et pratiques depuis la classe de 4e » (fille, terminale A1); « il y a certains chapitres que je ne maîtrise pas depuis la classe de 4e » (garçon, terminale D); « mes difficultés sont que je n’arrive pas à

assimiler toutes les propriétés depuis la classe de 4e » (fille, 3e) (p.6).

Outre le fait de pointer la classe de 4e comme cadre de la naissance de leurs difficultés en mathématiques, ces élèves indexent particulièrement la géométrie :

Les élèves ajoutent aussi qu’elles sont les composantes les moins accessibles […] ainsi que l’indiquent les extraits suivants : « j’éprouve des difficultés en géométrie depuis la 4e » (garçon, 2nde S); « mes difficultés se situent au niveau

de la géométrie depuis la classe de 4e » (fille, 3e); « mes difficultés en maths ce sont les chapitres de géométrie, et ce depuis la 4e » (garçon, terminale B), « mes difficultés en maths sont les constructions et les démonstrations depuis la classe

10Ministère de l’Éducation nationale du Gabon (1996). Programme de mathématiques du premier cycle du secondaire. Institut Pédagogique National (IPN).

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de 4e » (garçon, 2nde S), « mes difficultés se situent au niveau de la géométrie depuis la classe de classe 4e » (garçon, 2nde S (p.6).

Ces difficultés sont confirmées par les notes obtenues par les élèves à l’exercice de géométrie du BEPC 2018 portant essentiellement sur la production de démonstrations 11.

Figure 2 : Notes obtenues par 3419 élèves à l’exercice de géométrie du BEPC 2018 au Gabon

La répartition de ces notes présentées dans la figure 2 montre qu’un peu plus de 85% des élèves ont obtenu une note inférieure ou égale à 3/10. Ces difficultés pourraient être en lien avec l’exigence dès la classe de 4e du raisonnement déductif à des élèves peu familiers

jusqu’ici à ce mode de raisonnement. Cela met en évidence la nécessité pour les enseignants12 d’accompagner la construction progressive du raisonnement déductif en

géométrie à travers une prise en compte des difficultés d’apprentissage.

Or, ces difficultés pourraient le plus souvent déboucher sur de nombreux décrochages (Ella Mvé, 2009; Ikapi, 2012; Quentin de Mongaryas, 2013). Pour tenter d’expliquer ces décrochages, Quentin de Mongaryas (2013) pointe des rapports négatifs aux mathématiques chez les élèves qui pourraient être liés à l’engagement pédagogique des enseignants :

Dans ce sens les propos sont plus qu’évocateurs : « mon prof de maths de 4e est

responsable de ma faiblesse en géométrie » (garçon, 2nde S); « mes enseignants ont joué un rôle dans mes difficultés en géométrie » (garçon, terminale D); « mes enseignants ont joué un rôle dans mes difficultés en maths » (fille, 3e), « les enseignants ont joué un rôle négatif, celui de me faire détester les maths» (fille, 1ère A1), « les enseignants ont survolé certains chapitres » (fille, terminale A2),

« c’est lié à la paresse des profs ». De façon ramassée, ici, toutes les accusations

11 Le sondage réalisé par les encadreurs pédagogiques porte sur 3419 copies choisies de manière aléatoire dans plusieurs centres de correction de Libreville.

12Dans cette thèse, le masculin est utilisé à titre épicène.

310 1274 746 586 234 116 70 47 20 12 4 -100 100 300 500 700 900 1100 1300 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 EF FEC T IF S NOTES

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formulées laissent présager un faible engagement pédagogique des enseignants (p.6).

À ce stade de la réflexion, un postulat émerge : les enseignants pourraient ne prendre que peu en compte les difficultés d’apprentissage de la géométrie. Pour explorer ce postulat, plusieurs pistes peuvent être envisagées. L’une d’entre elles conduit à questionner l’incidence des conditions dans lesquelles exercent souvent ces enseignants tels que des tailles des classes pouvant excéder le ratio de 100 élèves par classe (Quentin de Mongaryas, 2017). Ces conditions pourraient rendre problématique une telle prise en compte. Une seconde piste consiste à questionner la culture scolaire dans laquelle pourraient avoir baigné ces enseignants dans leur scolarité au secondaire et en formation initiale. Cette culture scolaire pourrait avoir conforté les enseignants dans l’idée qu’enseigner pourrait consister à exposer les savoirs mathématiques de la meilleure des manières et que les difficultés seraient dues à un travail insuffisant des élèves. L’exploration de cette seconde piste incite à s’interroger sur la capacité du dispositif de formation initiale à complexifier cette vision de l’enseignement des mathématiques. L’inclination de la thèse pour la didactique des mathématiques explique que la seconde piste ait été privilégiée. Dans la sous-section suivante, nous nous proposons donc d’analyser dans quelle mesure le dispositif actuel permet de préparer les futurs enseignants à la prise en compte des difficultés d’apprentissage de la géométrie.

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1.1.1.3 Dispositif de formation initiale des enseignants du secondaire au Gabon