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A savoir les tâches pratiques et la charge mentale comme se préoccuper des enfants et des soins à leurs apporter

Dans le document Le temps des pères (Page 49-52)

III — LA PATERNITE CREATRICE

34 A savoir les tâches pratiques et la charge mentale comme se préoccuper des enfants et des soins à leurs apporter

ou la question de la disponibilité, mais aussi les représentations qui peuvent y être attachées et leur évolution dans le temps et l’espace.

préoccuper des besoins de l’enfant, les prendre en charge ou s’assurer que quelqu’un d’autre les prenne en charge, et en évaluer l’efficacité (Tronto, 2013).

La perspective adoptée dans cette thèse pour étudier les pères s’inscrit dans la continuité du travail d’Andrea Doucet (2006a). Comme elle, je m’attacherai à comprendre l’impact du rôle de pourvoyeur de soins pour un homme, du point de vue du genre et notamment sur sa paternité, et dans une moindre mesure l’impact sur le couple. L’objectif n’est pas d’évaluer les pères selon un étalon maternel, mais de traverser le miroir pour rendre compte du travail parental des pères. Cependant, nos approches divergent sur deux points : sur le vocabulaire et sur la focale adoptée. En effet, il est paradoxal d’affirmer ne pas étudier les pères en les comparant aux mères tout en s’interrogeant sur la capacité des pères à « materner » (« mother » en version originale). Dans cette thèse, je préférerai l’usage de termes qui ne font pas explicitement mention du sexe du parent (comme « travail parental » ou « pourvoyeur de soin »35). Il ne s’agit pas d’adopter une approche en termes de « pères victimes » comme celle

défendue par Germain Dulac (d’autant que l’objectif de ce travail n’est pas de montrer la rigidité du rôle de père, mais au contraire sa plasticité), mais de reverser la perspective : plutôt que de partir des pères afin d’étudier dans quelle mesure ils font aussi bien (ou non) ou de la même manière (ou non) que les mères quand ils s’occupent des enfants, le point de départ de cette analyse est la prise en charge de l’enfant afin de constater dans quelle mesure en avoir la responsabilité (« caring for ») transforme le père et son exercice de la paternité. En cela, je reprends un constat d’Andrea Doucet : « c’est la responsabilité d’autrui qui les transforme profondément en tant qu’hommes » (2006a : 208, ma traduction). En effet, si les travaux portant sur les pères qui ont la charge de l’enfant en l’absence d’un deuxième parent constatent des transformations dans l’exercice du rôle de parent de ces hommes, les modalités de ces transformations sont rarement étudiées. Plus largement, les types d’enquête menées sur la paternité ont rarement permis d’appréhender la paternité comme un processus (changements dans l’exercice du rôle de père et causes de ces changements, socialisation au rôle de père…), ou l’hétérogénéité entre les pères (en dehors de différences concernant les arrangements conjugaux notamment en fonction de l’activité professionnelle). L’objectif de cette thèse est de comprendre le processus par lequel un homme en vient à endosser le rôle de pourvoyeur de

35La mention du terme « pourvoyeur de soin » n’est pas innocente. L’opposition entre « pourvoyeur.euse de soin »

et « pourvoyeur.euse de ressource » est présente dans plusieurs travaux de langue anglo-saxonne sur les pères au foyer (Doucet, 2006a ; Chesley, 2011 ; Medved, 2014) et permet de déplacer la perspective des rôles de père et de mère (et leurs caractéristiques supposées) vers deux types de responsabilités parentales : la prise en charge des besoins des membres de la famille et la prise en charge de l’apport de revenus à la famille.

soins. Cette différence dans l’appréhension du temps dans cette thèse par rapport aux autres travaux sur la paternité au foyer/en congé parental sera développée dans un chapitre ultérieur.

C

H A P I T R E

2 :

L’

I N V E R S I O N D U G E N R E

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U N E S O C I O L O G I E D E S I R R E G U L A R I T E S S O C I A L E S

Les bases de l’étude de « l’inversion du genre » ont été posées dans l’ouvrage l’inversion du

genre – quand les métiers masculins se conjuguent au féminin… et réciproquement (Guichard-

Claudic, Kergoat, Vilbrod, 2008). Ce concept y est mobilisé pour désigner la situation de personnes minoritaires du point de vue de leur sexe dans une position donnée (filière d’étude, profession ou occupation, activité), occupant dans le couple hétérosexuel une position traditionnellement attribuée à l’autre sexe (femme pourvoyeuse de ressources et homme pourvoyeur de soins), voire se situant dans une configuration conjugale hétérosexuelle minoritaire (couple hypogame36). Ce terme est en concurrence avec d’autres expressions,

comme « mobilité de sexe » (Daune-Richard, Marry, 1990), atypisme de sexe (Olivier, 2018) ou encore la désignation des minoritaires du point de vue du sexe comme des « pionniers » ou « pionnières » (ce qui sous-entend que la mixité est un mouvement irrépressible). Je privilégie néanmoins celle « d’inversion du genre » qui est la plus à même de décrire la situation des concerné.es. Dans ce chapitre, j’utiliserai indifféremment « minoritaire » ou « atypique », plus rarement « pionnier.es » ou « inversé.es » pour désigner les personnes en situation d’inversion du genre, autrement dit occupant une position non-traditionnelle pour leur sexe (ce qui ne préjuge en rien de leur atypisme ou de leur appartenance à une minorité sur un autre plan).

Parler d’inversion de genre, c’est-à-dire désigner certains individus comme n’étant pas à leur place dans l’ordre social du genre, présuppose donc qu’il y ait des places, des positions ou des activités qui soient socialement assignées à un sexe. Pour le dire autrement, il y aurait une division sexuée du travail (Kergoat, 2010), c’est-à-dire que les activités humaines destinées à la « production du vivre » (Hirata, Zarifian, 2000) sont divisées en deux catégories : travail productif et travail reproductif. Le premier est assigné aux hommes et le second aux femmes. Cette division du travail repose sur deux principes : un principe de séparation (il a des travaux d’hommes et des travaux de femmes) et un principe hiérarchique (un travail d’homme « vaut » plus qu’on travail de femme). Cette définition du travail permet de ne pas le limiter à la sphère

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