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Le rapport à la famille : la « valeur famille »

Dans le document Le temps des pères (Page 148-150)

III — LE CONGE PARENTAL POUR CONSERVER SON RAPPORT AU TRAVAIL

Encadré 10 Aurélien : (re)devenir enseignant

2. Le rapport à la famille : la « valeur famille »

Si les entretiens complémentaires ont mis en évidence la transmission d’un rapport distancié au travail des pères aux fils, certains d’entre eux laissent aussi apparaitre la transmission d’un rapport positif à la famille, ou un contre-modèle de l’évitement du temps parent-enfant.

A minima, il peut s’agir d’une valorisation du temps et des relations familiales, comme

dans le cas d’Hugo93, qui estime que grâce à ses parents, « la fratrie est très unie ». Plus

spécifiquement, les parents ou les proches des enquêtés peuvent s’être penchés sur les méthodes d’éducation et avoir transmis cette marotte à leurs enfants, ce qui est le cas de quelques enquêtés, comme Philippe, qui rattache son intérêt pour la méthode de Loczy à un bain familial d’intérêt pour la pédagogie :

On a un grand-père qui était dans l’éducation nouvelle, qui était au CEMEA, le Centre d’éducation aux Méthodes d’Education Active, qui était très branché éducation nouvelle, on a fait tous des colos, on avait un oncle qui était organisateur de centres de vacances, on a fait des colos, donc on était dans le milieu de l’enfance, adolescence, accompagnement, on a toujours été dans ce milieu-là, on l’est toujours plus ou moins, et quand elle a eu des enfants, ma soeur a décidé de faire une reconversion à un moment, et de s’intéresser à l’éducation des enfants, donc en étant éducatrice de jeunes enfants. (Philippe, ingénieur pédagogique, conjointe graphiste, deux enfants, en congé parental à plein temps pendant six mois puis à temps partiel pendant six mois pour le premier enfant)

Ces transmissions peuvent également prendre la forme d’un contre-modèle : les parents étant perçus comme peu intéressés par la vie familiale, ou peu présents, leurs enfants ont cherché à prendre le contre-pied de ce modèle, comme dans le cas de Peter :

J’étais plutôt élevé par ma mère. Les premières années de ma petite enfance, j’étais avec mon père et ma mère, quand même. Ils se sont séparés quand j’avais sept ou huit ans. En fait, ils n’ont pas été violents physiquement, je n’ai pas subi de la violence physique ; c’est là, actuellement, que je me rends compte justement que c’est plutôt un manque de présence. Mes parents travaillaient tous les deux, ma mère était souvent partie faire les livraisons, les livraisons et les achats, et moi j’étais mis dans le parc, quand j’étais petit, et mon père était censé lever son nez de son travail de temps en temps pour venir voir si son petit garçon allait encore bien. Et souvent, ma mère rentrait le soir et elle disait « – et Peter, il va comment ? – Ah je l’ai complètement oublié ! ». Donc je passais des journées entières dans mon parc sans que personne ne s’occupe de moi, quoi. Alors bon, j’avais peut-être trois- quatre ans, je ne peux pas quantifier exactement le nombre de jours que ça s’est passé comme ça, mais quand j’essaye de repenser à cette période-là actuellement, j’ai le souvenir du temps qui passe, de voir le soleil qui passe derrière la fenêtre, d’entendre les petits oiseaux chanter et… J’ai pas souvenir d’avoir joué avec mon père ou ma mère. Donc c’était plutôt une forme de négligence, qui je pense pour mes parents… Je pense qu’ils m’aimaient, sincèrement, mais je pense qu’ils ne savaient pas montrer comment faire. Ainsi, ça continuait. Par exemple, ma mère n’a jamais voulu faire des devoirs avec moi parce qu’elle avait des raisons pour ça, et donc je ne faisais pas mes devoirs. Une fois, j’ai été piqué fortement par des guêpes, tous les autres élèves de la classe, parce que c’était lors d’une sortie scolaire, tous les autres élèves ont été amenés à l’hôpital mais pas moi. Voilà, il y a des choses comme ça où je me rends compte et je me dis « tiens », maintenant que je suis moi- même adulte, que j’ai des enfants et qu’on réfléchit avec ma femme, on est en train de réfléchir, « qu’est-ce qui s’est passé avec moi, lors de ma petite enfance ? ». Parce que j’ai des soucis, quelques soucis avec ça. « Qu’est-ce qui s’est passé ? ». Parce que mes parents m’aiment, ils m’ont entouré, c’est bizarre et en fait on se dit non, ils n’étaient pas là. […] Quand j’étais plus grand, avec ma sœur on allait chez mon père les weekends, mais mon père il travaillait, même le samedi, le dimanche, et puis faut qu’il travaille, quoi ! Donc on allait chez mon père, mais il fallait qu’on s’occupe tous seuls. […] Moi, ça m’a fait mal de me dire « on ne voit mon papa qu’une fois par semaine voire une fois toutes les deux semaines et il ne libère même pas ces deux jours pour nous ». Et ça, c’est quelque chose qu’effectivement, je ne voulais pas reproduire avec mes enfants, je voulais être présent. (Peter, ancien

vendeur en ameublement, conjointe médecin, six enfants, en congé parental pendant huit ans du deuxième au cinquième enfant)

Le recours par les enquêtés au congé parental serait dans cette perspective la conséquence de la transmission d’un rapport positive à la famille, notamment la valorisation du temps parents-enfants ou un intérêt pour la pédagogie, c’est-à-dire une valorisation du rôle de pourvoyeur de soins (indépendamment du sexe du parent). Cependant, dans certains cas (notamment les enquêtés dont les parents étaient séparés), le temps parent-enfant est perçu comme ayant été « manquant ». Ces pères ont à cœur de ne pas reproduire l’exemple parental en étant davantage présents auprès de leurs enfants.

Dans le document Le temps des pères (Page 148-150)

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