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Lucie, née dans la ville de Syracuse en Sicile, était issue d’une famille très riche et très noble. Dès qu’elle découvrit la doctrine chrétienne dans son enfance et qu’elle commença à connaître le Créateur qui domine le monde et qui récompense et punit l’homme en toute équité, elle fut déterminée à pratiquer sa foi et à rester chaste y toute sa vie.

Peu après, son père mourut. Sa mère lui parlait de mariage de temps en temps. Ayant compris ce que voulait sa mère, Lucie fut mécontente. Elle répétait à sa mère son souhait à plusieurs reprises, parfois explicitement, parfois implicitement, pour que sa mère ne la fît pas changer d’idée. Peu de temps après, sa mère souffrit d’une maladie grave qui la mit en danger de mort. Voyant se répandre à travers toute la Sicile l’histoire de sainte Agathe qui avait achevé une glorieuse carrière avant de mourir et qui protégeait toujours les habitants convertis après sa mort, Lucie persuada sa mère de se rendre avec elle au tombeau de cette sainte afin de la sauver. En arrivant, elles se mirent en prière. Et voici que Lucie s’endormit soudain, et eut un rêve où elle vit descendre du ciel sainte Agathe, en robe parée de broderies extrêmement brillantes et entourée d’un grand nombre d’anges. La sainte lui dit en souriant : « Lucie, vierge protégée par Dieu, tu peux toi-même accorder des grâces. Pourquoi me demandes-tu de le faire? Notre Seigneur admire ta vertu et apprécie ta volonté de sauver ta mère. Autrefois, il me prit comme protectrice de cette région, et aujourd’hui, il veut te prendre comme médiatrice de cette ville. Sache que celle qui pratique sa foi le plus chastement correspond le mieux aux attentes du Seigneur. »

Lucie se réveilla. Elle dit à sa mère : « Tu es guérie! » Sa mère se sentit elle-même guérie. Elles se prosternèrent pour exprimer leurs remerciements. Après être rentrées chez elles, s’occupant soigneusement de sa mère, Lucie lui dit : « Je suis déterminée à me consacrer au Seigneur, et tu es guérie grâce à lui. Il nous faut faire quelque chose

100 pour le remercier. J’ai déjà la volonté de vouer ma vie à Dieu pour le récompenser, j’espère que tu ne m’empêcheras pas de le faire. De plus, j’ai une autre requête : tu m’avais promis beaucoup d’argent pour ma dot, et je te prie maintenant de m’accorder ma dot pour que je la distribue aux pauvres. » Sa mère lui répondit : « Attends plutôt ma mort, et tu feras ensuite ce que tu voudras de nos biens. » Mais Lucie lui dit : « Si tu donnes ton argent en mourant, c’est parce que tu ne pourras pas l’emporter avec toi. Ce n’est pas un bienfait. On ne peut parvenir à la gloire que si l’on donne la charité avant de mourir. C’est juste comme si en marchant dans la nuit, on était obligé d’allumer une lanterne pour qu’elle éclaire les dangers du chemin devant soi. Si on la laissait dans son dos, seul le chemin parcouru pourrait être éclairé. Notre monde est plein de périls. Si on voulait monter au ciel sans aucun bienfait, les obstacles seraient inévitables. » Persuadée par elle, sa mère lui accorda sa dot, et elle la distribua sur-le-champ aux pauvres.

Ayant appris que Lucie n’avait plus envie de se marier, et qu’elle avait distribué tous ses biens, le fiancé de Lucie porta plainte devant le consul. Dans le monde, les deux choses qui troublent le plus le cœur sont le désir pour le plaisir charnel et celui pour la fortune. Ces deux désirs, roulant en parallèle, nuisent à tous ceux qu’ils rencontrent. Le consul fit comparaître Lucie devant lui. Apprenant que cette fille s’était faite chrétienne depuis son enfance et qu’elle avait distribué sa dot et ses biens, il chercha à la convaincre d’abandonner sa foi chrétienne et de sacrifier aux idoles. Lucie s’efforça de lui prouver la justice du christianisme et la folie des autres religions. Le consul se moqua de ses paroles qui lui paraissaient inutiles. Lucie lui dit : « Toi, tu sers ton maître terrestre et gardes ses décrets. Moi, je sers mon maître au Ciel et garde sa loi. On ne peut pas obéir en même temps aux ordres de deux maîtres. Alors comment pourrais-tu juger ma croyance inutile ? Si tu n’entends pas raison, tu pourras sur-le- champ me punir à ta guise. » Furieux, le consul lui cria : « Tu as déjà dépensé tout ton patrimoine, pourquoi dis-tu encore des bêtises ? » Lucie rétorqua : « Tu parles de mon patrimoine? Je l’ai déjà placé en lieu sûr. Ne le cherche plus. Et les corrupteurs sont

101 ceux que je déteste depuis mon enfance. Ceux qui désobéissent au Seigneur et s’abandonnent au culte des idoles, et ceux qui nourrissent de mauvaises intentions et perdent totalement leur conscience, sont tous des corrupteurs. Ils sont tellement détestables qu’ils ne valent pas la peine d’être mentionnés. »

Irrité par les paroles de Lucie, le consul tenta de la châtier pour la faire taire. Lucie dit : « Tous ceux qui possèdent un cœur chaste et qui sont instruits par le Saint-Esprit ne peuvent cesser de parler. » Et le consul : « Alors je te ferai conduire dans une maison de débauche. Ton corps y sera violé et ton Saint-Esprit t’abandonnera! Que pourras-tu encore faire? » Lucie dit : « Celles dont le corps est violé mais dont l’âme s’oppose au plaisir charnel ne pourront pas être vraiment violées. Leur gloire ne diminuera pas, au contraire, leur chasteté s’en trouvera doublée. » Le consul ordonna à ses serviteurs d’emmener Lucie à la maison de débauche. Les serviteurs s’approchèrent de Lucie et s’efforcèrent de l’entraîner. Néanmoins, elle resta immobile. En effet, le Saint-Esprit montra sa force divine, il rendit la jeune fille si pesante qu’en aucune façon les serviteurs ne purent la mouvoir. Étonné de cette scène, le consul fit venir mille bœufs pour entraîner la vierge, mais elle ne bougea point. Soupçonnant que Lucie avait jeté des maléfices, le consul fit venir des mages et leur ordonna de conjurer le mal. Les mages s’efforcèrent de faire des incantations, mais la vierge restait toujours immobile.

Le consul se sentit extrêmement furieux. Il réprimanda ses serviteurs d’un ton sévère. La vierge Lucie lui dit : « Ne sois pas si furieux et si cruel. Si tu n’avais pas compris la force divine du Saint-Esprit auparavant, tu devrais en avoir été le témoin aujourd’hui. » Ne tenant aucun compte de ses paroles, le consul ordonna aux serviteurs de recueillir des bois secs et d’y jeter de la poix, de la résine, de l’huile bouillante et du soufre. Ensuite, il fit allumer autour de Lucie un grand feu. Assise au milieu du feu brûlant, Lucie restait saine et sauve. Elle dit au consul : « J’ai supplié le Seigneur de prolonger cette période de souffrance, afin que les fidèles connaissent mieux sa puissance divine et qu’ils croient en lui plus sincèrement. Quant aux non-croyants, ils

102 pourraient comprendre maintenant la force de Dieu et donc se convertir à la foi chrétienne. » Exaspéré, le consul ordonna de la décapiter. La vierge Lucie l’accepta avec plaisir. Elle s’efforça tout d’abord de convaincre les croyants de ne pas craindre les misères du monde ni les supplices. Elle leur dit : « La tendance générale des événements du monde est comme celle du soleil et des fleurs. Ils sont en plein épanouissement le matin, mais connaissent l’abaissement le soir. Il est inutile d’en avoir peur. Si l’empereur accepte le Saint-Esprit et possède donc une grande vertu, il cessera de malmener son peuple, et notre sainte religion pourra enfin parvenir à la paix et à la prospérité. »

Après ses paroles, Lucie tendit son cou et l’épée transperça sa gorge. Mais elle ne rendit pas encore son dernier souffle. Triste de la souffrance de la sainte, les gens blâmèrent le consul de son injustice et de sa cruauté. Quelques-uns d’entre eux proposèrent de jeter ce méchant consul en prison. Ils le considérèrent comme une honte pour leur ville. Il faut savoir que les souverains ne devraient pas s’appuyer sur leur puissance pour violer la loi. S’ils sont séduits par le désir sexuel et l’intérêt personnel, s’ils font ce qu’ils veulent, et qu’ils malmènent le peuple à leur guise, ils s’attireront eux-mêmes des ennuis voire une honte infinie. Notre sainte Lucie vit de ses propres yeux la fin du consul, mais elle ne put s’empêcher d’avoir de la compassion pour cette homme méchant. En rendant le bien pour le mal, elle fut de plus en plus vertueuse et tolérante.

La fin de la vie de Lucie s’approcha. Elle resta en vie jusqu’à l’arrivée de prêtres qui lui apportèrent le saint corps de Jésus. Après quoi, elle rendit l’âme sereinement. Cela se passa quelques années après l’an 300, au mois où a lieu le solstice d’hiver. Selon le calendrier lunaire chinois, c’était après l’ère Yongkang pendant le règne de l’empereur Huidi de la Dynastie Jin. Les prêtres l’ensevelirent avec prudence dans un coin propre. Plus tard, pendant la floraison du christianisme, ils construisirent un palais pour poser ses reliques. Dès lors, son tombeau fut déplacé plusieurs fois, et il fut enfin

103 posé dans la fameuse ville de Venise en Italie. Jusqu’à nos jours, les habitants reçoivent encore les faveurs par la sainte. Ceux qui perdent la vue peuvent tous réaliser leurs souhaits après avoir fait des prières sincèrement devant le tombeau de la sainte.

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