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Dans la province de […] du royaume du sud-ouest, il y avait un homme renommé d’une famille riche et noble qui s’appelait Dioscore. Sa fille s’appelait Barbe. Elle apprit les règles strictes de sa famille quand elle était très petite. À mesure qu’elle grandissait, son père commença à la consigner dans la tour de la maison. Bien que la jeune fille soit née dans une famille païenne, elle était bien instruite des doctrines chrétiennes par ses lectures. Elle était si pieuse qu’elle se contentait de cet enfermement dont elle pouvait profiter pour se vouer à la foi.

Dès lors, elle faisait une introspection sur elle-même tous les matins et tous les soirs en examinant sa pensée, ses paroles, et tous ses comportements. Chaque fois qu’elle se trouvait en faute, elle se blâmait et se punissait en jurant de ne plus en commettre. Le reste du temps, elle pensait souvent aux faveurs que le Seigneur lui avait accordées, et faisait vœu de le récompenser un jour. D’autres fois, elle réfléchissait à la création du monde, au déroulement de tous les événements de la terre, à l’ouverture du chemin de la foi chrétienne et à ses influences, ou bien au vrai bonheur au ciel. Ainsi, peu à peu, elle comprit complètement la vérité chrétienne. Heureusement, lorsqu’elle commença à pratiquer la foi chrétienne, le Seigneur lui indiqua déjà la frivolité du monde, la faiblesse de la vie, la pénibilité des souffrances, dans l’intention de fermer par avance le passage du mal. Dès lors, elle fit vœu de conserver sa virginité.

Quelques années plus tard, le père de Barbe voulut la marier à un jeune homme. Face au refus ferme de sa fille, il était à la fois furieux et soucieux. Il décida enfin de se soumettre à la volonté de sa fille, afin de lui montrer qu’il était tolérant. Pourtant, il espérait toujours que sa fille pût changer d’avis peu à peu. Avant de partir en voyage, pour plaire à Barbe, il construisit un palais avec des sources chaudes. Ensuite, il fit orner les murs de fresques et de sculptures. Après le départ de son père, Barbe ordonna de modifier légèrement la dimension des dessins. Elle fit percer trois fenêtres sur les

133 murs, dans l’intention de symboliser la Trinité : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. De même elle dressa au milieu du palais une colonne où des signes de croix étaient gravés, afin de symboliser les souffrances que Jésus avait subies pour son peuple. Une fois les travaux achevés, elle invita des malades dans son palais. Tous les malades furent guéris immédiatement après s’être baignés dans les sources.

Quelques mois après, son père revint. En voyant les trois fenêtres, la colonne au milieu ainsi que les signes de croix, il demanda à sa fille une explication. Barbe lui raconta ainsi tout ce qu’elle avait appris. En s’appuyant sur la doctrine chrétienne, elle cita des histoires des saints, et se référa à certains sages de l’Antiquité et de l’époque contemporaine. Ensuite, elle essaya de démontrer à son père l’absurdité et la déraison des idoles auxquels il sacrifiait. Courroucé, le père dégaina son épée et tenta de la décapiter. Elle s’enfuit. En chemin, elle rencontra une grande pierre qui avait une anfractuosité. L’anfractuosité était si étroite que seule une personne y pouvait s’abriter. Barbe se cacha dedans. Peu près, son père la poursuivit jusqu’à cet endroit, et il l’atteignit enfin. Il la frappa avec un bâton, et la renferma dans sa maison. Ensuite, il se rendit au tribunal, et accusa sa fille d’être séduite par l’hérésie.

L’air étonné, le gouverneur s’efforça d’abord de persuader Barbe avec des belles paroles de sacrifier aux idoles. En entendant cela, Barbe gardait le silence avec un sourire. Irrité par cette réaction, le gouverneur l’accabla de coups, et ordonna d’essuyer son corps avec […]. Barbe ne changea pas de visage, et elle ne cria point du tout. Elle accepta les supplices volontiers sans aucun regret. Le gouverneur ordonna donc de l’emprisonner. La même nuit, le Seigneur apparut dans la prison. Il guérit Barbe parfaitement de toutes ses plaies sans oublier de l’exhorter à la persévérance.

Le lendemain, le gouverneur refit comparaître Barbe devant lui. Il était extrêmement étonné de la voir toute guérie de ses blessures. Il attribua ce miracle à ses faux dieux, et tenta encore de la persuader de sacrifier aux idoles. Barbe refusa. Le gouverneur irrité

134 ordonna qu’on lui déchire le corps avec des peignes de fer, qu’on brûle ses plaies avec des torches ardentes, et enfin, qu’on frappe sa tête avec des marteaux de cuivre. Barbe ne se soumit pas, elle leva ses yeux vers le ciel en priant dans son cœur : « Mon Seigneur, je suis ta servante sincère, mon seul vœu est d’obtenir ta protection. Si tu me l’accordais, je n’aurais plus d’autres requêtes. Je te supplie de ne pas m’abandonner à ces supplices cruels. » Là-dessus, le gouverneur donna l’ordre aux serviteurs de couper ses seins, d’ôter ses vêtements, et de la conduire au centre de la ville pour servir d’exemple aux autres femmes. La vierge restait indifférente. Néanmoins, lorsqu’on la dépouilla de ses vêtements, elle se sentit extrêmement honteuse. Elle s’adressa une seconde fois au ciel et pria : « Mon Seigneur, mon Créateur, autrefois, tu as couvert le ciel de nuages, tu as également couvert la terre de ténèbres par ta puissance infinie. Je te prie maintenant de couvrir mon corps avec des habits, afin que je ne sois pas humiliée dans la nudité. » Après ses prières, elle se trouva immédiatement couverte par un vêtement lumineux qui empêchait parfaitement les idolâtres de voir son corps.

Enfin, elle retourna au tribunal. Voyant qu’elle avait subi tant de supplices et qu’elle restait invincible, le gouverneur n’avait plus de moyen. Il la condamna à avoir la tête tranchée. Le père de Barbe se proposa pour exécuter sa fille. Barbe se mit à genoux pour remercier le Seigneur de toutes les grâces qu’il lui avait accordées. Elle le pria également de bien traiter ceux qui prieraient pour son intercession. À ce moment-là, on entendit une voix céleste qui disait : « Vierge Barbe, tu as montré toute ta fidélité à la foi. Il est l’heure de monter au ciel pour recevoir ta récompense. Toutes tes demandes seront exaucées. » Ainsi, Barbe allongea le cou sans hésitation pour recevoir le coup de son père. Le père de Barbe exulta d’avoir tué sa fille de ses propres mains. Aussitôt, il fut frappé d’un coup de foudre et mourut. Le gouverneur mourut aussi à cause de leurs péchés. Leurs corps furent mis côte à côte.

Des croyants ensevelirent le corps de Barbe dans un nouveau tombeau. Les habitants charitables obtenaient souvent sa faveur. Il y avait un jeune homme qui honorait Barbe

135 sincèrement et qui parlait de temps en temps de sa gloire. Un jour, dormant dans son lit, il fut entouré par un feu ardent. Quand il se réveilla dans les flammes, il ne put plus en sortir. Pensant qu’il n’avait pas encore fait sa confession, il se souvint de sainte Barbe. Il commença à prier qu’elle apparût. Sur-le-champ, Barbe lança vers lui un vêtement divin pour éteindre le feu. Le feu s’éteignit. Sainte Barbe sauva cet homme et lui dit : « Comme tu me respectes et que tu fais toujours des prières, le Seigneur t’accorde son aide pour prolonger ta vie jusqu’à demain matin. Il te faut en profiter pour te laver de tes péchés. » Le jeune homme lui obéit. Il se repentit de ses fautes, reçut l’Eucharistie prudemment, et fut oint d’huile bénite. Le lendemain matin, il rendit l’esprit sereinement. Pendant les années qui suivirent, il arrivait de temps en temps des calamités, mais ceux qui faisaient une prière à sainte Barbe obtenaient tous sa protection.

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