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Il y avait dans le royaume de Moravie une princesse qui s’appelait Edwige. Grâce à leur politique bienveillante, ses parents avaient gagné le soutien du peuple et ils jouissaient d’un grand prestige. Ayant donné le jour à Edwige, ils l’entouraient d’affection et se donnaient de la peine pour l’instruire. À douze ans, Edwige épousa le roi de Pologne. Les jeunes époux mirent au monde six enfants, assez nombreux pour prendre leur suite.

Après la naissance de leurs enfants, Edwige et son mari furent convenus de pratiquer la chasteté conjugale et de s’appliquer au service de Dieu. Pendant trente ans, les deux époux capables et vertueux vivaient comme frère et sœur. Ils vivaient dans une coordination parfaite tant chez eux qu’à l’extérieur avec une conduite exemplaire. Après avoir eu de remarquables succès dans l’administration du royaume, Edwige voulut multiplier ses actes de charité. Ainsi, elle fit édifier un monastère et y attribua une grande quantité de subsides. Toutes les femmes qui voulurent mener une vie retirée du monde et garder leur chasteté y furent accueillies volontiers. Le monastère devint de plus en plus prospère, et les religieuses furent de plus en plus nombreuses. Tout cela favorisa l’affermissement du royaume. La reine Edwige pensa davantage à consacrer sa vie aux pratiques de la doctrine chrétienne. De ce fait, elle abandonna son palais somptueux, quitta les foules de la cour, et s’installa près du palais sur un terrain où elle construisit une chaumière dans le but de mener une vie d’anachorète. Là, elle contraignait tous les désirs et s’adonnait à tous les exercices de la mortification. Elle mettait à la torture tant son esprit que son corps. Ses aliments et ses vêtements étaient tous légers et frustes. Tant en hiver qu’en été, elle dormait sur le sol en prenant bois pour oreiller. Elle portait toujours le cilice comme la tunique, et une corde comme la ceinture. Elle ne voulut jamais les enlever, malgré ses plaies profondes. Toutes les nuits, elle se plongeait dans les divins offices. Après quoi, elle se punissait sans cesse, soit avec un fouet, soit avec une chaîne de fer, jusqu’au moment où son sang coulait.

161 Lorsqu’elle était trop fatiguée, elle demandait à une sœur de la punir à sa place. Pendant quarante ans, elle se priva de viande et d’alcool. Même si elle était malade, elle ne s’en souciait point. Ainsi, quand elle vivait au milieu des sœurs, elle était comme un soleil qui brillait au milieu des étoiles. Bien qu’Edwige eût des mérites et des vertus incomparables, elle restait modeste. Elle se mettait au-dessous de toutes ses sœurs, et comme une servante, elle les devançait toutes pour remplir les tâches les plus viles. Chaque fois qu’elle recevait un sage vertueux, elle l’attendait à genoux sur le chemin où ce dernier passerait. Lorsqu’elle obtenait des eaux du baptême d’une religieuse ou la serviette utilisée par cette dernière, elle les tenait des deux mains avec un regard fervent afin de montrer son respect. Quand elle vivait toute seule, elle ordonnait d’aller chercher des gens malades et pauvres. Elle lavait les pieds de ces derniers elle-même, soignait leurs ulcères, leur offrait des vêtements, de la nourriture, et même de l’argent, dans le but de satisfaire à tous leurs besoins. Ensuite, elle les invitait chez elle et préparait un banquet pour eux. Souvent, elle réunissait également des pauvres chez elle. Elle les servait en remplissant les tâches les plus humbles. Et puis, elle demandait à chacun de prendre ce dont il avait besoin.

Selon la Bible, quand on distribue sa fortune aux pauvres, c’est comme si on la donnait à Jésus, et l’essence de l’amour pour le Seigneur est justement celui pour les humains. Pour cette raison, Edwige sélectionna treize personnes parmi celles qui vivaient dans un profond dénuement. En pensant à Jésus et à ses douze apôtres, elle concevait de l’estime pour ces gens et les voyait comme Jésus. Chaque fois qu’elle entendait parler d’un sage vertueux qui venait dans sa ville, elle lui demandait des conseils avec modestie, et lui offrait un grand banquet. Le banquet terminé, elle conservait minutieusement le reste du repas pour elle-même. Quand le sage repartait, elle l’accompagnait un bout de trajet avec révérence. Ensuite, elle se prosternait sur le chemin pendant longtemps. On dit que tous les pauvres de la ville étaient bien protégés par Edwige. Ils obtenaient tous un endroit pour bien s’installer et des secours en nourriture. Chez Edwige, la cuisine, la salle de bain et le grenier pour les grains et le

162 riz, chacun d’entre eux avait sa propre fonction, mais ils étaient tous prêts pour ceux qui en avaient besoin. Si quelque malheureux se faisait voler tous ses biens et était enlevé, elle préparait de l’argent tout de suite, et demandait à des personnes d’aller le délivrer. Pour ceux qui étaient chargés de dettes sans capacité de les rembourser, elle les aidait en s’en acquittant. Concernant ceux qui étaient mis en prison, elle ordonnait à la cour de justice de juger leurs causes dans le plus bref délai, afin de ne pas les garder en prison longtemps et de ne pas trahir l’esprit de la justice. Ainsi, les habitants du pays bénéficiaient tous de sa grande faveur. Profondément influencés par sa charité, ils l’appelaient « la mère du pays » et l’aimaient avec révérence.

Edwige remplit ainsi toutes les tâches envers le monde extérieur de tout son cœur. Quant à sa vie intérieure, elle s’adonnait encore davantage aux pratiques ascétiques. Lorsqu’elle ne se chargeait pas de tâches pour les autres, elle se concentrait sur l’étude de la doctrine subtile et pensait aux actes du Seigneur. Dans ces moments-là, elle oubliait son corps ainsi que l’environnement où elle se trouvait. Parfois, son corps montait et restait suspendu en l’air, tout en brillant comme le soleil et la lune. Parfois, son visage devenait extrêmement propre, et son corps paraissait être celui d’un mort qui ne respirait ni ne bougeait. Elle se privait de tous les désirs sauf de celui pour les mets délicats et les musiques mélodieuses dans le royaume du ciel.

Plus Edwige montrait au monde ses vertus, plus le peuple l’admirait, alors que les démons étaient jaloux d’elle de jour en jour. Ainsi, trois démons conclurent une alliance. En conjuguant leurs efforts, ils lancèrent une offensive violente contre Edwige et l’injurièrent à haute voix : « Tu es avide de devenir une sainte, mais comment pourras- tu y parvenir ? » En gardant le silence et ne leur répondant pas, Edwige chercha à les vaincre en réduisant leur combativité. Les démons s’enfuirent, et Edwige se rendit à l’église pour la messe. Elle se prosterna devant la crucifixion et se mit en prière. Soudain, Jésus sortit de la croix. Pointant sa main droite vers Edwige, il lui dit : « J’ai entendu toutes tes prières, et je consens à tes demandes. » Ensuite, Jésus la prévint les

163 événements divers à venir, et lui accorda le don de prophétie et celui qui lui faisait pénétrer les secrets des cœurs. En outre, il lui octroya une intelligence extraordinaire ainsi qu’un pouvoir magique avec lequel elle pourrait faire de nombreux prodiges.

Il y avait deux prisonniers qui furent condamnés à la mort par pendaison. Ayant entendu parler de cela, Edwige pria le Seigneur de les prendre en pitié et de les protéger. Tout de suite, les deux prisonniers revinrent à la vie et recommencèrent à respirer. Apprenant cela, Edwige ordonna aux serviteurs de les délivrer de la potence, de leur rendre la liberté et de ne plus les arrêter de nouveau. L’empereur157 fut très content en

entendant parler de cet événement. Il ordonna immédiatement que tous les prisonniers dont Edwige obtiendrait la libération ne fussent pas punis de nouveau.

Une nuit, après avoir consacré quelques heures aux divins offices, Edwige se sentit un peu fatiguée et alla se coucher. Pendant qu’elle dormait, la bougie qu’elle tenait dans sa main pencha soudainement et la cire fondue fut versée sur sa main et sur le livre dans sa main. Edwige ne se réveilla qu’après que la bougie eut cessé de brûler. Néanmoins, tant sa main que le livre était immaculé sans aucune tâche.

Plus tard, le pays fut envahi, et l’empereur conduisit lui-même une troupe pour résister aux ennemis. Il fut blessé gravement et capturé, et les soldats s’enfuirent en débandade. S’informant de ce qui s’était passé, Edwige garda le même air calme. Elle ne fit que prier le Seigneur de bénir l’empereur. Bientôt, l’empereur échappa aux mains de ses ennemis. Pourtant, peu de temps après, à cause de sa grave blessure, il s’alita et mourut finalement. Malgré la douleur profonde dans son cœur, Edwige ne se plaignit point. D’une part, elle se conformait à la règle ainsi qu’à l’ordre du Seigneur. D’autre part, elle conservait une droiture morale à tout moment et ne perdait jamais sa décence. De plus, elle n’oublia pas de consoler les ministres par ses discours.

164 L’empereur enseveli, le prince héritier, qui avait reçu une bonne formation de sa mère Edwige, prolongea les exploits de son père. Avec le temps, tout le pays se retrouva dans la stabilité. Néanmoins, plus tard, le pays fut envahi de nouveau. Le nouveau souverain s’engagea dans la guerre en commandant une troupe, et il mourut sur le champ de bataille. Apprenant la mort de son fils, Edwige leva sa tête et dit au ciel : « J’ai eu la chance d’obtenir mon fils grâce à toi. Aujourd’hui, il revient auprès de toi. Comment pourrais-je refuser cela et me plaindre ? Tant le malheur que le bonheur s’accordent toujours avec ta volonté. » Depuis lors, elle négligea tous les propos calomniateurs et les pillages de sa fortune. En outre, elle rendait toujours le bien pour le mal. Plus elle était calomniée, plus elle montrait pour ses ennemis de la bienveillance. Ainsi, on vit fleurir en elle les plus sublimes vertus. Elle conquit de plus en plus de cœurs, et sa réputation de sainteté se répandit de plus en plus loin.

Avec le temps, Edwige s’avança en âge, et toute son énergie fut presque épuisée. Ayant de l’affection pour elle, le Seigneur voulut reprendre son âme et récompenser ses œuvres de bienfaisance. Il la prévint donc que le moment de la fin de sa vie était venu, en lui demandant de se préparer pour monter au ciel. En apprenant cela, Edwige fut extrêmement heureuse. Elle multiplia ses pratiques de la foi pour accueillir le moment de sa mort. La princesse vint et lui proposa : « Ma mère charitable, si l’on t’ensevelit dans le sépulcre que notre ancien empereur, es-tu satisfaite? » « Non. » lui répondit Edwige, « moi et ton père, nous étions convenus autrefois de nous séparer pour garder notre chasteté conjugale. Dans ce cas, je ne pourrai sûrement pas être ensevelie avec lui dans le même sépulcre. Il faut prévenir et empêcher notre intimité éventuelle. » Après ce propos, elle vit Jésus venir devant elle avec des saints et des saintes. Jésus l’invita à quitter le monde misérable et à les rejoindre au royaume du ciel. C’était l’an du Seigneur 1243, soit la troisième année de l’ère Chunyou sous le règne de l’empereur Lizong pendant la Dynastie Song, une année Kuimao selon le cycle sexagésimal chinois.

165 éclatant tout à coup.

Apprenant le décès d’Edwige, les habitants pleurèrent amèrement, comme s’ils avaient perdu leurs parents. Ils accoururent les uns après les autres chez Edwige, se prosternèrent devant elle, et caressèrent légèrement sa dépouille. Ils prirent prudemment ses cheveux, ses vêtements et ses objets, en les considérant comme des trésors précieux. De plus, ils conservèrent ces objets comme des médicaments dont ils profitaient pour guérir toute maladie. Ils n’ensevelirent Edwige que trois jours après sa mort. Au moment de l’enterrement, une fragrance extraordinaire s’exhalait partout. Ce prodige fit que les habitants l’admirèrent davantage et la louèrent ensemble pour ses exploits inestimables.

En entendant dire qu’Edwige avait remporté une grande victoire en pratiquant la foi et qu’elle faisait des miracles après sa mort, le pape voulut la canoniser. Avant de prendre sa décision, il vit par hasard une femme qui était privée de la vue depuis longtemps. Il se mit en prière et dit au Seigneur: « J’ai entendu parler du nom de l’impératrice Edwige depuis longtemps. Si elle est vraiment vertueuse, pour le prouver, je la prie de faire que cette femme aveugle retrouve la vue. » À peine termina-t-il ses paroles que la femme aveugle recouvra la vue. Voyant cela, le pape n’eut aucun doute. Il proclama ainsi la canonisation d’Edwige, et ordonna à tout le monde de la révérer pour toujours. Un an plus tard, les restes de sainte Edwige furent transférés ailleurs. À ce moment-là, on sentait encore la fragrance dont l’odeur était comme celle du moment où Edwige venait d’être ensevelie. En outre, on constatait que sainte Edwige tenait encore à la main la statue de la sainte Vierge qu’elle avait déjà prise dans ses bras au moment de sa mort. Personne ne put enlever la statue de la main d’Edwige. Ainsi, encore aujourd’hui, la statue est toujours à sa main, et aucun des doigts qui touchent la statue ne pourrit.

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