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Félicité, femme vertueuse dans la capitale de l’Occident, avait sept fils. Comme elle était veuve, elle renouvela son vœu de chasteté. Elle instruisit ses sept fils par la prédication et également par ses réflexions sur les affaires humaines. En la prenant pour exemple, ses voisins étaient aussi bienveillants qu’elle. À l’époque, induit par une force perverse, l’empereur donna l’ordre d’interdire la religion orthodoxe et de persécuter les gens fidèles et honnêtes. Les hérétiques saisirent l’occasion pour pousser l’empereur au mal. En collusion, ils critiquèrent les dogmes orthodoxes, et intimidèrent le peuple du pays par la force.

Les hérétiques entendirent souvent dire que les sept fils de Félicité étaient proches, honnêtes et vertueux, et qu’ils avaient civilisé et guidé le peuple. La bonne réputation des sept fils provoqua la jalousie et la haine des hérétiques. Ils complotèrent contre les jeunes hommes. Ils dirent au roi : « Les vrais dieux en qui vous croyez sont en fureur, puisqu’on a supprimé les sacrifices qu’on leur offre. Ils vont […] pour détruire notre pays ! Votre Majesté, si vous voulez éviter les désastres, il faut emprisonner la veuve Félicité et ses fils et les punir selon la loi. » L’empereur effrayé ordonna à un préfet de les châtier avec sévérité. Le préfet les mit tous les huit en prison, et convoqua la mère Félicité le lendemain matin. Il essaya de la persuader de croire dans les dieux fort estimés par l’empereur et d’abandonner sa croyance chrétienne afin de sauver toute sa famille.

Félicité lui répondit, « Vous pensez pouvoir me convaincre soit par la flatterie, soit par la menace d’un châtiment. Mais vous avez tort. Moi, je possède mon Seigneur qui me sauve et me protège. Je n’ai rien à craindre. Je n’ai pas peur de vos ruses. » « Âgée comme vous l’êtes, vous n’avez pas peur de la mort. Mais vos enfants sont tous jeunes, vous n’avez pas pitié d’eux ? », demanda le préfet à Félicité. « Si mes enfants suivent des forces mauvaises, ils iront certainement en enfer et souffriront leurs peines pour

149 toujours. Mais s’ils suivent le Seigneur du monde et meurent pour la justice, ils seront heureux au royaume du ciel », dit Félicité. Le préfet se mit en colère et l’emprisonna de nouveau.

Le lendemain, le préfet convoqua tous les fils de Félicité avec leur mère pour les interroger. Il dit à la mère : « Regardez vos fils. Ils sont tous jeunes et extrêmement doués. Ils sont dignes d’être glorieux dans notre pays. Pourquoi voulez-vous qu’ils meurent sur une mauvaise route ? Ce genre d’amour maternel est étrange : la mère se met en danger non seulement elle-même, mais aussi ses enfants, alors soit la mère a un cœur de loup ou de chacal, soit elle est extrêmement stupide. S’il s’agit de stupidité, c’est encore pitoyable et excusable. » Il jeta un coup d’œil à Félicité et continua, « mais si elle est cruelle comme les loups et les chacals, il est impossible de changer sa propre nature. On ne peut rien faire pour elle. » Félicité lui répondit en souriant, « Vos paroles semblent humaines en apparence, mais elles ne sont pas du tout humaines en réalité. N’avez-vous pas tort ? » Ensuite, se tournant vers ses fils, elle dit : « mes enfants, levez vos têtes vers le ciel, regardez notre Seigneur dans vos cœurs. Face à lui, examinez vous-mêmes si vous êtes persévérants. Le Seigneur, avec tous les autres saints attend que vous veniez tous au royaume du ciel pour trouver le vrai bonheur. Toutes les peines et les joies du monde passent vite, et derrière vous, les dangers et les fortunes sont innombrables. Tenant compte de tout cela, soyons constants dans notre foi. N’ayez pas peur de la persécution, ne craignez pas que nos ennemis se vengent du Seigneur par haine du peuple. Même si je suis déjà vieille, je n’attends pas que vous me soigniez, et je ne veux pas non plus mourir avant vous pour que vous m’enterriez. Mon seul vœu, c’est de vous voir mourir pour la justice avec votre foi et votre constance. Mon âme sera ainsi consolée et je pourrai enfin mourir en paix. »

Le préfet devint furieux en entendant les paroles de Félicité. Il ordonna tout d’abord à ses serviteurs de la faire souffleter pour l’humilier. Ensuite, il convoqua le fils aîné de Félicité et le charma par des mots aimables. Le fils aîné ne céda point. Le

150 préfet le menaça de supplices, mais ce dernier restait toujours insoumis. Le préfet fut obligé de convoquer tous les autres fils de Félicité, devant lesquels il feignit tantôt l’affection, tantôt la colère. Et tantôt il les séduisit par des récompenses, tantôt il les menaça de punition. Pourtant, quoi qu’il dît, les fils de Félicité ne changèrent point d’avis et ne se soumirent point. N’ayant aucun moyen efficace, le préfet les fouetta. Il consulta l’empereur pour décision. L’empereur donna l’ordre de tuer les sept fils de Félicité. Le préfet les mit à mort. Tous les sept jeunes hommes obéirent prudemment à leur mère et ne changèrent point de visage. La mère fut remise en prison.

Quatre mois plus tard, Félicité fut interrogée de nouveau. Comme elle n’était jamais vaincue, elle fut finalement exécutée. Sur le point d’être décapitée, elle s’en félicita avec des marques de joie, et fléchit les genoux pour remercier sa faveur immense. Puis, elle accepta la décapitation avec calme. Son visage était serein, comme si elle était morte dans son lit. C’est en l’an du Seigneur 157, l’année Ding-You selon le cycle sexagésimal chinois, soit l’antépénultième année du règne de l’empereur Huandi de la Dynastie Han.

Il y avait un sage156 qui appréciait sainte Félicité en disant : « Hélas ! Croyant en Jésus, Félicité laissa ses fils mourir pour la justice. Elle fut à la fois une mère et une guide de ses enfants. Elle mit au monde les corps de sept fils, puis nourrit leurs esprits. Ne fut-elle pas une mère merveilleuse ? Élevant ses enfants dans le monde, elle ne put pas empêcher leur mort. Les maintenant au royaume de ciel, elle leur assura une vie immortelle. De plus, les mères dans le monde ont toujours peur de voir leurs enfants mourir avant elles-mêmes, au contraire de sainte Félicité. Elle prit en considération l’esprit de ses enfants, et dédaignait leurs corps. Selon elle, il était essentiel que l’esprit fût éternellement heureux. Elle ne se souciait pas de la douleur temporaire du corps. Son amour pour ses enfants n’est-il pas plus profond que celui des autres mères ? »

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