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Sémiotique des récits vs. créativité d’Osborn : critique et propositions

CHAPITRE 1 : L’innovation expérientielle automobile : un déficit d’outils marketing, la

1.3 Les imaginaires, matière de la génération d’innovations expérientielles

1.3.1 Bilan critique des techniques de génération d’idées dans le processus

1.3.1.3 Sémiotique des récits vs. créativité d’Osborn : critique et propositions

Contexte

Dans le domaine du développement de nouveaux produits où il s’agit justement de bien comprendre l’échange et la relation entre des consommateurs non encore clairement identifiés et un nouveau produit, un nouveau service ou une nouvelle expérience, c’est paradoxalement le paradigme comportementaliste (behaviorisme) qui s’est imposé au coeur des services innovation avec l’abondant recours aux méthodes dites “de créativité” dès les premiers stades de la genèse de l’innovation et la recherche de nouvelles idées.

En conséquence, d’une part les imaginaires de consommation en tant que sources de nouvelles idées ont peu fait l’objet de recherches académiques avant la mise en oeuvre de la Chaire des imaginaires PSA Telecom Paris Tech (Musso, 2010) ; et d’autre part peu de recherches ont été menées en utilisant les concepts de la sémiotique appliquée à l’innovation suivant le paradigme du structuralisme et la théorie du signe de Ferdinand de Saussure (1916) suivie par Hjelmslev (1971), ce qui suppose une vérification de l’hypothèse de l’extension de certaines théories de la sémantique structurale de l’Ecole de Paris (Barthes, 1966 et Greimas,1983) à l’analyse des imaginaires pour valider cette approche.

Malgré le développement de l’outil conceptuel, et notamment les apports de JM Floch, 1989 (valorisations de la consommation) à la sémantique structurale appliquée à la gestion des marques et des produits, et certaines recherches avancées (Hetzel, 2002), les départements innovation ont donc encore peu bénéficié de ces approches centrées sur la production et les structures de la signification basées sur l’écoute de la voix du Client et la production d’idées nouvelles.

Approche critique du brainstorming

Les techniques de créativité visent à formaliser un processus mis en évidence par Wallas en 1926 (préparation, incubation, illumination et vérification). Cependant, notre expérience de praticien montre qu’il n’y a d’une part que peu à en attendre en matière d’idées très nouvelles, et d’autre part que le processus d’idéation ne suit pas un processus linéaire séquentiel comme le supposent les règles très formelles du brainstorming : certains individus du groupe créatif ont rapidement une étincelle créative qui leur permet d’entrevoir la solution au problème, d’autres procèdent méthodiquement par une succession d’analogies à des problèmes connus, et d’autres encore se laissent porter par leurs imaginaires et se taisent tout simplement par peur ou pudeur d’exprimer ce qui est de nature de fantasmes ou de projection de soi dans des contes de fées personnels et intimes. Nous sommes donc loin, surtout à l’ère de la recherche d’idées non seulement fonctionnelles mais aussi expérientielles, de trouver dans les méthodes de créativité la réponse aux problèmes de l’innovation expérientielle.

Gatignon et al. (2016) précisent que le brainstorming, employé très largement dans les organisations sous forme d’ateliers créatifs, repose aussi sur une croyance non prouvée, que des personnes travaillant en groupe sont plus créatives que des personnes travaillant seules. La diffusion très large du brainstorming dans les organisations repose également sur le fait que les techniques de créativité et les supports de travail associés sont faciles à comprendre et à utiliser, ce qui facilite leur mise en œuvre.

En conséquence, la plupart des départements d’innovation ont tendance à utiliser les séances de créativité et de brainstorming, (à l’origine importées de la publicité et de la recherche de noms dans la démarche initiale d’Osborn), comme seule et unique approche de la production d’idées nouvelles dans une approche centrée client, voire parfois sur les concepteurs eux-mêmes.

Le principe général de l’efficacité du brainstorming est que ses règles de production d’idées favorisent la production d’un grand nombre d’idées nouvelles et de valeur. Notre pratique montre que les usages inhabituels, ou déviants d’un usage classique au sens de de Certeau (1990), apparaissent rarement dans les séances de brainstorming. De plus, la plus grande productivité en groupe serait une « illusion » d’après Paulus et al. (1993). Cela est à mettre au compte de plusieurs facteurs qui, en réalité, ont tendance à freiner l’expression d’idées en rupture. Cette dernière a rarement été constatée, selon notre expérience d’animation, et on relève plutôt la production d’idées très conformistes. Une des raisons (Diehl et Strobe 1987, p.498) en serait « la crainte du jugement d’une idée par les autres participants du groupe créatif ». Cette approche de production d’idées basée sur les techniques popularisées et diffuses par Osborn, (1953) et selon un paradigme behavioriste, ne répond donc pas toujours aux besoins de production d’idées véritablement nouvelles qu’exige la découverte d’innovations différenciantes et de nouveaux territoires de création de valeur.

Les autres méthodes d’idéations, qui toutes dérivent du modèle de Guilford (convergence et divergence), sont résumées dans le tableau n°2.

Le brainstorming, technique la plus utilisée en créativité est supposé libérer l’imagination, mais plusieurs chercheurs et praticiens ont mis en évidence le paradoxe qui consiste à libérer l’imagination en encadrant la production d’idées par des techniques normées. N’y aurait-il-pas alors matière à réflexion pour les qualitativistes à libérer réellement les imaginaires pour en produire une matière (récits, symboles et images) propres à en extraire des idées de valeurs et correspondant réellement aux aspirations profondes des consommateurs ?

En phase idéation nous proposons d’illustrer par des images des imaginaires expérientiels, à la suite de Vernette (2008) et de recourir à la sémiotique narrative pour en mettre au jour la signification. C’est ce que propose le tableau 2.

Tableau n°2 : vision synoptique des méthodes qualitatives d’idéation dans

le processus d’innovation

Objectifs et

outils Techniques qualitatives Techniques de créativité

Exploration des imaginaires

Objectifs

Comprendre les motivations qui sous-tendent la consommation d’un produit,

Détecter les besoins latents,

Confronter une technologie et des attentes,

Générer des idées d’invention desquelles pourront naître des innovations

Créativité : prédispositions innées qui peuvent être cultivées,

L’approche par les imaginaires permet de contourner les quatre écrans psychologiques : Les écrans les plus souvent cités sont l’écran de la conscience, l’écran

Trouver une

« résonance » entre les motivations des individus et la vision des

concepteurs

Déterminer des Unique Selling Propositions

la « créativité » peut être un processus de génération d’idées, permettant de systématiser la production d’idées. d’irrationalité, l’écran de politesse et l’écran de tolérance Principaux outils Focus groups Entretiens individuels Études utilisant une approche ouverte, non directive, permissive et indirecte

Recommandé pour l'exploration des facteurs intervenant dans une prise de décision : image et perceptions

Facteurs intervenant dans le choix

Cheminement de

l'interviewé dans sa prise de décision,

Facteurs/étapes/moments clés dans la réflexion susceptibles d'infléchir la prise de décision.

Les études qualitatives visent essentiellement à : La compréhension des logiques qui sous-tendent les opinions d’un tel type de population sur un certain sujet.

La mise au jour des freins et motivations des

consommateurs dans l’usage

Le processus comprend en général la formulation d’un défi créatif, l’organisation et l’animation d’une session de génération d’idées, ainsi que la mise en forme et la présentation des axes et thèmes

créatifs La définition du « challenge créatif », - La divergence : une phase d’exploration pendant laquelle on s’éloigne du « problème » et on quitte le terrain sûr de la logique et du rationnel pour permettre l’émergence des idées, phase d’éloignement caractérisée par

l’émergence des idées et leur formulation,

- La convergence : une phase de redescente vers la réalité qui est dédiée au choix, au développement et à la mise en forme des idées.

phase de retour au réel où les idées seront finalisées et sélectionnées) Techniques projectives : collages, analogies, portraits chinois et jeux de rôles, scénarios et constructions imaginaires, récits Outils de compréhension des représentations collectives Album on –line (Eric Vernette, 2008) pour explorer et comprendre les représentations associées à une expérience de consommation, prendre en photos des moments importants de l’expérience de consommation et raconter ses souvenirs.

1.3.2. Le rôle des imaginaires