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Les imaginaires Bachelardiens, les éléments hormones de l’imaginaire

CHAPITRE 1 : L’innovation expérientielle automobile : un déficit d’outils marketing, la

1.3 Les imaginaires, matière de la génération d’innovations expérientielles

1.3.2. Le rôle des imaginaires

1.3.2.2 Les imaginaires Bachelardiens, les éléments hormones de l’imaginaire

L’imaginaire est défini comme un langage fait de récits, d’images et d’univers de formes dynamiques ayant une cohérence et une grammaire qui peuvent être structurées et formalisées. La logique des images obéit à un schème de la dialectique, où les images de la rêverie sont unitaires ou binaires, il y a bipolarité et combinaison des contraires.

Wunenburger, (2003) définit l’imaginaire comme « Un ensemble de productions,

mentales ou matérialisées dans des oeuvres, à base d'images visuelles (tableau, dessin, photographie) et langagières (métaphores, symbole, récit) formant des ensembles cohérents et dynamiques, qui relèvent d'une fonction symbolique au sens d'un emboîtement de sens propres et figurés. »

La distinction entre imaginaire et imagination est subtile et parfois négligée aux dépens de choix lexicaux. Dans son acception commune, l’imaginaire englobe des univers pluriels de récits et de formes aptes à féconder toute production humaine.

Dans son œuvre, Bachelard distingue imaginaire et imagination créatrice. L’imaginaire est un conservatoire de récits et symboles relevant d’un patrimoine propre à chaque civilisation (nous étudierons les images du paysage et du jardin dans la culture chinoise), quand l’imagination, plus personnelle, puise dans ce patrimoine pour en créer de nouveaux.

Pour les Chinois, l’imagination, c’est penser en images (想像力 xiǎngxiànglì : imagination « force de penser des images »).

L’imaginaire, un langage générateur d’atmosphère

Toujours selon les travaux de la Chaire PSA Modim Modélisation des Imaginaires avec Telecom ParisTech (Musso, 2010), les imaginaires ont une logique et possèdent un sens. Ils forment un ensemble de représentations structurées et stabilisées, un ensemble de récits, d’émotions et d’images.

Nous choisirons d’adopter les paradigmes structuralistes pour aborder les imaginaires expérientiels après avoir analysé les imaginaires selon Bachelard et dressé un pont avec la sémiotique.

1.3.2.2 Les imaginaires Bachelardiens, les éléments hormones de l’imaginaire L’imaginaire selon Bachelard, le rôle des éléments, et les éléments taoïstes dans la culture chinoise

Selon JJ Wunenburger, (2003 et 2012) et son analyse des imaginaires selon Bachelard :

« La puissance de l’imagination, au sens de faculté de déformer les images, s’enracine, dans les profondeurs de l’être »,

« D’abord, les images, loin d’être des résidus perceptifs passifs ou nocturnes, se présentent comme des représentations dotées d’une puissance de signification et d’une énergie de transformation » renvoyant à notre hypothèse de l’ambiance en tant

que système sémiotique,

« Les images se chargent de significations nouvelles, non subjectives, au contact des substances matérielles du cosmos qui leur servent de contenu. Nos images s’enrichissent et se nourrissent en effet de la symbolique des quatre éléments (terre, eau, air et feu), qui fournissent des « hormones de l’imagination », qui font « grandir psychiquement » renvoyant à la mise en évidence empirique du mécanisme de

transformation expérientielle, ou tout au moins à son imaginaire, dans nos travaux,

« Enfin, les images trouvent leur dynamique créatrice dans l’expérience du corps ».

L’approche systémique de Bachelard

Bachelard s’attache dans son œuvre à développer une conception de l'imagination qui est davantage créatrice : l’imagination s’affranchit non seulement du réel mais aussi des souvenirs, imaginer consiste à générer des images détachées d'un lien à l'égard du réel, à changer et à transformer le réel ou les souvenirs du réel.

Pour Bachelard, l’imagination est la capacité de créer une nouvelle réalité, une innovation de réalité en quelque sorte. Les concepts bachelardiens nous intéressent d’autant plus que l’imagination créatrice et produisant de l’inédit a le potentiel de faire advenir des innovations et la mise en évidence de nouveaux territoires de création de valeur différenciante.

L'imaginaire offre une manière singulière et nouvelle d'appréhender le réel :

« Le vocable fondamental qui correspond à l'imagination, ce n'est pas l’image, c'est

l’imaginaire. La valeur d'une image se mesure à l'étendue de son auréole imaginaire. Grâce à l'imaginaire, l'imagination est essentiellement ouverte, évasive. Elle est dans le psychisme humain l'expérience même de l'ouverture, l'expérience même de la nouveauté », (Wunenburger, 2003). Pour Bachelard, les forces imaginaires de notre

esprit se développent sur deux axes très différents : les unes trouvent leur essor dans la nouveauté, les autres creusent le fond de l’être.

Selon Bachelard, (Wunenburger, 2012, p. 74), « l’imagination est la faculté de former

et de déformer des images fournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous libérer des images premières, de changer les images », « un imaginaire, c’est l’expérience de l’ouverture, de la nouveauté ». Une image peut nous faire rêver et agir.

Bachelard a cherché un répertoire de formes qui rendrait compte de l’imagination créatrice. Selon Bachelard, l'imagination a besoin d'une matière pour se fixer et lui donner une substance, aussi Bachelard rattache-t-il des images et des types de rêveries à des éléments supports de l'imagination.

Selon Bachelard, (1942), les éléments interviennent dans nos rêves, par exemple l’eau, sous toutes ses formes physiques, est en quelque sorte un catalyseur de nos rêves. Il y a une loi des quatre éléments qui classe les diverses imaginations matérielles suivant qu’elles s’attachent à un des quatre éléments (l’eau, l’air, le feu et la terre), et nous sommes conduits dans nos imaginaires par des matières fondamentales, qui sont « les hormones de l’imaginaire ». L’eau est un principe qui fonde la production d’images et de récits. L’eau est souvent associée à la narration de contes ou d’aventures dans des imaginaires géographiques, l’eau est le principe de la vie, un mouvement qui invite au voyage. En Chine, l’eau des grands fleuves c’est la vie, car les grands fleuves arrosent les terres nourricières et c’est aussi le principe féminin dans la cosmogonie chinoise que l’on trouve en opposition à la montagne dans la peinture chinoise. Nous remarquons que l’eau est omniprésente non seulement dans les collages mais aussi dans les récits d’imaginaires expérientiels (le lac, la rivière comme il est montré au chapitre 3.2.2.2).

Pour Bachelard, l’enchaînement des images et leurs relations mutuelles obéissent à une organisation systémique. Les images ne pouvant rester isolées forment des ensembles qui obéissent soit à des lois de « composition » pour les images dynamiques, soit à des lois de « combinaison » pour les images matérielles. C’est ainsi que l’imagination ne peut combiner que deux éléments matériels, jamais trois. Toute relation entre les matières imaginées s’enrichit de même de leurs oppositions, voire de leurs contradictions, comme dans le cas de l’eau et du feu : « les véritables images,

les images de la rêverie, sont unitaires ou binaires. Elles peuvent rêver dans la monotonie d’une substance. Si elles désirent une combinaison, c’est une combinaison de deux éléments ». Cette conception d’un système d’oppositions binaires dresse un

pont avec le structuralisme (Wunenburger, 2012, p 32) : « la rêverie essentielle, c’est

le mariage des contraires ».

Enfin, le jeu, le divertissement appellent l’imaginaire et nous avons tous connu dans notre enfance des voyages imaginaires dans nos mondes intérieurs de jeux colorés et fantastiques. Sur le plan de la créativité, la théorie de la dialectique de Bachelard rend possible des assemblages créatifs faits de complémentarités, des techniques de pensées qui font appel à l’analogie et à la métaphore.

Chez Bachelard, l’imagination, relève Wunenburger (2012) p74, est donc d’abord au service d’une énergie vitale qui lui confère une causalité créatrice et qui la met au service de ses rythmes propres de poussée et de détente, mouvement et repos (à l’image des polarités du Tao). Il ya donc des rythmes dans la création comme il y en a dans l’expérience sensible humaine : « Imagination et Volonté sont deux aspects

d’une même force profonde. A l’imagination qui éclaire le vouloir, s’unit une volonté d’imaginer, de vivre ce qu’on imagine ».

Enfin, Bachelard conçoit un ressenti, une intériorisation du « milieu-paysage » dans la réalisation des activités humaines, (et particulièrement dans les activités créatrices ou la flânerie), les « êtres vivent dans une certaine « ambiance » (Stimmung), où l’homme

et le milieu procèdent sans cesse à des échanges ». On notera que ceci se rapproche

la conception d’entrelien avec le milieu selon la mésologie d’Augustin Berque (2010). Typologie des contes chinois

Les contes chinois sont subdivisés en « contes animaliers » (dongwu chuanshuo 动物 传说), « histoires d’imagination » ( huanxiang gushi 幻想 故 事, catégorie souvent considérée comme équivalente à nos « contes de fées » ou aux « fairytales » anglais), « contes sur les génies, les renards et les fantômes » (gui hu jingguai gushi 鬼狐精怪 故 事 ), « contes de la vie quotidienne » (shenghuo gushi 生 活 故事 ), « contes sur les personnages malicieux » (jizhi renwu gushi 机 智人 物 故 事 ), « fables » (yuyan 寓言 ), « histoires drôles » (xiaohua 笑话).

Source : Vincent Durand-Dastès. La Grande muraille des contes : une collecte géante de littérature populaire en Chine à la fin du XXe siècle et sa publication. Carreau de la BULAC http://bulac.hypotheses.org/1676. 2014, pp.1-57.

Les caractères chinois pour signifier conte, imagination, et imaginaire

La traduction de chaque caractère du terme幻想故事 huàn xiǎng gù shi : récit de l’imagination, conte, nous renseigne sur la compréhension et l’interprétation de la pensée chinoise de production des contes.

想 xiǎng signifie « penser » et 幻想 huàn xiǎng : illusion, fantasme, rêver

huàn signifie « illusoire/ irréel » et gù shi signifie « récit », un conte est donc un récit du rêve.

想像力 xiǎngxiànglì, c’est l’imagination ou la « force de penser des images » 想像 xiǎngxiàng : se ressembler, imaginer ou penser en images

像 xiàng : image

假想 jiǎxiǎng : imaginaire 假 jiǎ : faux, simulé, artificiel

Présence des caractères dans les récits des collages : mise en évidence des imaginaires

En rouge figurent les caractères présents dans certaines phrases introductives des récits (n° de récit, annexe B) : on retrouve bien dans les récits produits sur les collages

des premiers éléments qui laissent penser que ces récits de l’imagination pourraient être des contes.

My happy life Ma vie heureuse (3)

作品出于对我未来生活的想象,我希望首先我要找到我心目中的男神,有一个两层楼

的房子,最上面一层有落地窗户。

L’œuvre provient de mon imagination envers ma vie future.

Elite’s life La vie de l’élite (4)

我理想中的城市的场景,可以想象一下在塞纳河。

On peut imaginer un peu que la scène de ma ville idéale se situe sur la Seine.

My healthy life Ma vie en bonne santé (5)

我的主题跟一号作品差不多,但是我想的是一个城市的一个小角落。

Mon sujet est à peu près pareil que l’oeuvre N°1. Mais ce que j’imagine, est plutôt un petit coin dans une ville.

Future city Ville du futur (14)

我们构想的是未来城市(chéng shì)的状况,因为觉得最理想的城市(chéng shì)驾

驶环境肯定应该是属于未来的。

Ce que nous imaginons est la situation de la future ville parce que nous pensons que l’environnement le plus idéal de conduite vient certainement de l’avenir.

Pour comprendre les récits et les contes chinois, il nous faut donc comprendre la conception du monde selon les Chinois.

Les structures et visions de la conception du monde selon les Chinois

« L'orientation philosophique chinoise percevra des microcosmes autorégulés d'unités

de contraires. » par exemple le vide et le plein.

Selon Bellassen (1985), les métaphores ne sont pas de simples images mais sont comme « partie prenante » de la signification : « En se limitant ici au domaine de

l'écriture, l'hypothèse pourrait être ainsi formulée d'une vision chinoise de l'unité du monde induite d'une écriture qui ne connaît pas le morcellement alphabétique. » Le