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Accéder aux imaginaires de nouvelles expériences par la technique des

CHAPITRE 3 : Approche par la sémiotique narrative et les collages d’imaginaires

3.1 Le cadre conceptuel général de la recherche

3.1.1 Accéder aux imaginaires de nouvelles expériences par la technique des

Spécificité de notre innovation méthodologique

Selon les conclusions de la Chaire des imaginaires PSA et les recherches associées, mettre les clients au cœur de la conception dans les phases amont, c’est réellement prendre en compte ses imaginaires (Musso, 2015).

Notre posture de recherche est d’avancer que la quête d’océans bleus d’innovations devrait s’enrichir de méthodes nouvelles basées sur le paradigme structuraliste. Selon notre approche, l’important est de comprendre la production de sens et la structure de la signification des imaginaires de clients potentiels, incluant les représentations, les récits, les images mentales, et les relations entre les concepts afin d’en comprendre les territoires d’imaginaires vierges et non encore explorés qui seraient autant d’apports d’idées nouvelles pour l’innovation. Cette position théorique suppose l’extension d’un certain nombre de théories de la linguistique structurale à l’analyse des imaginaires et notamment des théories sémiotiques de l’Ecole de PARIS (Barthes, Greimas, Rastier).

Nous proposons de comprendre le mode de construction d’une idée de valeur et la relation avec les valeurs terminales des consommateurs selon le modèle de construction de l’objet de valeur de Greimas. Notre approche est basée sur une démarche entièrement empirique de collecte de données suivant un protocole incluant des techniques projectives. Nous avons choisi de réaliser les terrains d’enquête en Chine et de cibler en termes d’échantillon la génération Z, cible élective privilégiée pour des véhicules autonomes et connectés. Notre approche propose des recommandations pour intégrer une approche sémiotique de l’innovation, basée sur les concepts de la linguistique de Saussure, dans une démarche d‘innovation CAP.

Etat de l’art des techniques projectives et de leurs applications en marketing, notre approche couplée à l’analyse par la sémiotique narrative des récits géofictionnels, Boddy et al. (2011), Donoghue (2000), Haire (1950)

Les techniques projectives trouvent leur origine dans la psychologie clinique. Dans la doctrine psychanalytique, la projection est un mécanisme inconscient de défense par lequel le sujet projette sur autrui ou un objet extérieur les pensées et les désirs qu'il ressent comme interdits et dont la représentation consciente serait chargée de culpabilité.

A l’origine, l’utilisation des techniques projectives permet de comprendre de manière fine les motivations cachées, les attentes des consommateurs, en passant la barrière des mots, en levant le masque social (« l’actuel politiquement correct »), sans se limiter à la logique des usages existants mais pour en découvrir d’autres facettes verbalisées ou non verbalisables par crainte du regard de l’autre.

On utilise pour cela des stimuli ou des mises en situations dans lesquelles le sujet projette sa personnalité, ses attitudes, ses opinions pour donner à la situation une structure, voire une cohérence. Les techniques projectives permettent de donner forme et image à un univers fait de représentations, d’images, de valeurs, de croyances et de désirs.

Parmi les avantages des techniques projectives, on observe que les informations recueillies sont plus riches et plus sincères, car les techniques projectives permettent de dépasser trois limites du déclaratif : la rationalisation, le biais de prestige, et l’autocensure des obstacles mentaux résultant de conventions sociales. La proximité et l’empathie avec les consommateurs sont également grandement améliorées. En effet, elles révèlent plus sincèrement le ressenti des consommateurs, car elles favorisent la spontanéité et le lâcher-prise et les tabous et les résistances sont plus facilement contournés. Elles permettent à chacun de s’exprimer dans un mode qui lui est propre, qu’il soit pictural ou langagier. Enfin, les techniques projectives sont d’une utilisation plus ludique.

Des idées nouvelles et des « insights » qui n’apparaissent pas dans les techniques classiques peuvent donc être plus facilement révélés par les techniques projectives. Dans un contexte de relative saturation des besoins rationnels des consommateurs et surtout de l’envie de consommations expérientielles, elles facilitent l’expression des

imaginaires des consommateurs, qui sont rarement formalisés et conceptualisés avec

les méthodes classiques d’interrogation ni révélés par les règles du brainstorming comme nous l’avons observé.

Des reproches aux techniques projectives pourraient concerner leur éthique dans le cas où la consigne ne révèlerait pas les buts réels de la recherche aux répondants: en ce qui concerne notre étude, nous avions indiqué clairement la consigne, ce qui a aussi facilité la coopération des répondants. La validité de l’utilisation des techniques projectives à répondre aux objectifs de la recherche qualitative est quant à elle à prouver par l’expérimentation.

Les différentes techniques projectives (Linzey 1959, Haire pre-1986)

Techniques d’association d’idées : on demande au répondant de citer les mots qui lui viennent spontanément à l’esprit lorsqu’on lui présente un stimulus.

Technique de construction : on demande au répondant de construire une représentation imagée, en général accompagnée de commentaires, en réponse à un stimulus.

Technique de compléments : on demande au répondant de compléter une phrase, une histoire, un dialogue.

Techniques de mise en ordre d’éléments : on demande au répondant de catégoriser ou de ranger des éléments en fonction de critères donnés (carte mentale de marques par exemple).

Techniques d’expression corporelle : on demande au répondant d’utiliser le stimulus dans une activité d’expression (jeu de rôle, incarnation d’un personnage, personnification d’une marque, …).

Technique de collages : en général, les collages sont utilisés pour décrire en images, issues le plus souvent de revues, un concept (à l’instar de la qualité perçue selon notre expérience de praticien en Chine) ou la personnalité d’une marque et de ses acheteurs.

Notre approche associe, comme on le verra dans la description de notre dispositif expérimental, des collages projectifs permettant de recueillir des imaginaires et la sémiotique narrative afin d’analyser les récits des auteurs des collages. Notre pratique des études en Chine avait conclu à la pertinence des collages projectifs pour comprendre le concept de qualité perçue automobile et les représentations dans le système culturel chinois. Nous avions alors demandé aux enquêtés non seulement de réaliser des collages mais aussi d’apporter des objets. Ainsi nous avions pu mettre en évidence que la sonorité des instruments de musique traditionnels chinois (erhu, par exemple) était archétypale d’une bonne qualité perçue.

Nous retenons donc les collages pour accéder aux représentations psychiques et aux signifiés avec Saussure, 1916, pour qui le signifié est la représentation psychique de la chose (un imaginaire est donc aussi composé par extension de signifiés), et Roland Barthes qui reconnaît la nature psychique du signifié : « En linguistique, la nature du signifié a donné lieu à des discussions qui ont surtout porté sur son degré de «réalité» ; toutes s’accordent cependant pour insister sur le fait que le signifié n’est pas « une chose », mais une représentation psychique de la « chose » » (Barthes, 1964).

3.1.2 Utilisation conjointe de la sémiotique des récits et des