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CHAPITRE 3 : Approche par la sémiotique narrative et les collages d’imaginaires

3.1 Le cadre conceptuel général de la recherche

3.1.4 La sémiotique narrative

3.1.4.2 Concepts fondamentaux de sémiotique narrative chez Greimas et

Sémiotique du récit

La signification est une propriété assignée aux signes, et le sens une “propriété” des textes. La sémiotique du récit s’intéresse à la structure narrative de textes ayant les propriétés de récits. Fondée par Greimas, elle repose sur l’idée que les récits suivent un schéma universel et que leur diversité résulte de la combinaison de composantes élémentaires. Nous retiendrons ce schéma en tant qu’hypothèse de structuration des récits imaginaires l’hypothèse Greimassienne.

AJ Greimas, (1966) à la suite de Propp, (1965) a proposé de décrire et de classer les personnages (actants artefacts ou humains) du récit non selon leur profil psychologique mais selon ce qu’ils font. En analyse structurale des récits, on cherchera donc à retrouver dans les fonctions des actants des oppositions, paradigmatiques dans la nature de leurs relations (sujet/objet, destinateur/destinataire, adjuvant/opposant), dans la participation à un schéma narratif dit « actantiel » (la quête, les épreuves, la sanction). La fonction, selon Propp (1965,1970), est l’action d’un personnage, définie du point de vue de sa signification dans le déroulement de l’intrigue ; c’est une constante.

Le modèle actantiel :

Dans les années soixante, Greimas (1966: 174-185 et 192-212) a proposé le modèle actantiel (ou schéma actantiel), inspiré des théories de Propp (1895-1970). Vladimir Propp décrit une structure spécifique aux contes, dont il explicite la morphologie. Il décèle 31 fonctions récurrentes liées à sept personnages types possédant chacun une sphère d’actions. Cette narratologie est reprise par le linguiste AJ Greimas qui détermine les actions réunies par des couples d’actants. L’intérêt de ces travaux est qu’ils dépassent la linéarité du récit et l’accumulatif du story telling pour révéler une quête de sens où sont mises en jeu des valeurs.

Définition : Le modèle actantiel permet de classer des « jeux » d’actants selon une typologie invariante dans les récits. Dans le modèle actantiel, une action s’analyse en six jeux d’actions, nommés actants. L’analyse actantielle consiste à classer les jeux de l’action dans des classes actantielles.

Définitions détaillées : par souci de rigueur, nous reprenons la définition du dictionnaire de sémiotique édité par Hébert (2009) et Signosémio.

Six actants et trois axes

“les actants sont les êtres ou les choses qui, à un titre quelconque et de quelque façon

que ce soit … participent au procès” (cité par Greimas et Courtès, 1979:3)

Les six actants sont regroupés en trois oppositions formant chacune un axe de la description actantielle (figure 36):

- Axe du vouloir (désir): (1) sujet / (2) objet. Le sujet est ce qui est orienté vers un objet. La relation établie entre le sujet et l’objet s’appelle jonction. Selon que l’objet est conjoint au sujet (par exemple, le prince veut la princesse) ou lui est disjoint (par exemple, un meurtrier réussit à se débarrasser du corps de sa victime), on parlera, respectivement, de conjonction et de disjonction.

- Axe du pouvoir: (3) adjuvant / (4) opposant. L'adjuvant aide à la réalisation de la jonction souhaitée entre le sujet et l’objet, l'opposant y nuit (par exemple, l'épée, le cheval, le courage, le sage aident le prince; la sorcière, le dragon, le château lointain, la peur lui nuisent).

- Axe de la transmission (axe du savoir, selon Greimas): (5) destinateur / (6) destinataire. Le destinateur est ce qui demande que la jonction entre le sujet et l’objet soit établie (par exemple, le roi demande au prince de sauver la princesse). Le destinataire est ce pour qui ou pour quoi la quête est réalisée. Les éléments destinateurs se retrouvent souvent aussi destinataires.

FIGURE 36 : LE MODELE ACTANTIEL SELON GREIMAS (1966)

Le destinateur est une force autoritaire supérieure qui permet de construire la valeur des objets autour desquels le récit va se développer ; ces valeurs sont communiquées au héros, qui devient le destinataire du mandat et le sujet à la fois. Cet actant, par mandat du destinateur, ou par sa propre initiative, est le responsable de la recherche de l’objet-valeur qu’il désire, pour combler ou liquider le manque. Les deux actants qui restent aident ou essayent d’empêcher l’action du sujet, qui doit acquérir en plus la compétence (les qualités) pour accomplir sa fonction.

Le destinateur est défini par la modalité du faire : faire savoir, faire faire ; et par sa compétence pour établir l’objet-valeur. Le sujet, quant à lui, s’identifie par son rapport de jonction avec l’objet-valeur et parce qu’il est le sujet du faire dans la transformation des énoncés d’état. Par rapport à l’objet, il est identifié par sa relation avec le sujet : ce qu’on cherche, ce qu’on a, ou ce qu’on perd.

Greimas et Courtès définissent ainsi l’objet : “le lieu d’investissement des valeurs (ou

des déterminations) avec lesquelles le sujet est conjoint ou disjoint” (1979: 10).

L’adjuvant, d’après les mêmes auteurs, est “l’auxiliaire positif … il correspond à un

pouvoir - faire - individualisé qui … apporte son aide à la réalisation du programme narratif du sujet” (1979: 10). L’opposant est celui qui empêche le faire du sujet.

3.1.4.3 Concepts fondamentaux de sémiotique narrative chez Greimas et Barthes : schéma narratif

Le schéma narratif de Greimas s’organise en une succession d‘étapes qui sont décrites dans le Tableau n°12. L’ordre chronologique de ces étapes est celui des lignes du tableau, lues de gauche à droite.

Tableau n°12 : le Schéma narratif d’après Floch, (1990)

Contrat Compétence Performance Sanction

Dans le cadre d’un système de valeurs, proposition par le Destinateur et acceptation par le Sujet d’un programme à exécuter Acquisition de l’aptitude à réaliser un programme, ou « épreuve qualifiante » Réalisation du programme ou “épreuve décisive” Comparaison du programme réalisé avec le programme à remplir : « épreuve glorifiante » (côté sujet) et « reconnaissance » (côté destinateur / judicateur)

Ce tableau introduit les notions suivantes :

Compétences : l’aptitude se décompose en quatre modalités : devoir, vouloir et désir,

savoir et expérience, pouvoir et moyens acquis ou offerts

Performance : la conquête de l’objet de valeur désiré

Toute mise en récit est structurée selon le schéma narratif.

La figure 37 montre les relations entre les actants pour chacune des étapes du programme narratif.

Dans le récit, le héros passe de l’état de manque à l’acquisition et vit la transformation de son état mental au fur et à mesure du passage de ses épreuves ce qui passe par une privation – disjonction, la quête, l’affrontement, la liquidation du manque, l’acquisition ou la conjonction.

FIGURE 37 : LA RELATION DESTINATEUR / SUJET ET SUJET / OBJET (EVERAERT-DESMEDT, 2000)