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Imagination créatrice et techniques de créativité, clarification des

CHAPITRE 1 : L’innovation expérientielle automobile : un déficit d’outils marketing, la

1.3 Les imaginaires, matière de la génération d’innovations expérientielles

1.3.1 Bilan critique des techniques de génération d’idées dans le processus

1.3.1.2 Imagination créatrice et techniques de créativité, clarification des

Les techniques de créativité quant à elles, proposent de générer des idées d’invention desquelles pourront naître des innovations.

Dans cette seconde catégorie d’études, la génération d’idées innovantes est souvent laissée aux concepteurs, le client étant dans la réalité expérimentale de ces études souvent consulté pour l’expérience qu’il restitue de son usage. Il faut distinguer deux approches bien distinctes, l’une relevant de l’observation souvent non-participative et l’autre de la génération d’idées.

- Immersion des concepteurs avec les usagers potentiels, approches éthologiques, carnets pour enregistrer les expériences vécues par les clients in situ,

- Brainstormings créatifs permettant d’identifier des solutions à un problème client.

Il nous faut donc opérer ici une distinction entre la co-conception avec un client-inventeur (innovations avec des communautés de passionnés par exemple), et la génération d’idées et l’exploration de nouvelles attentes. Les techniques évoquées ne sont pas exhaustives et les concepteurs cherchent à mieux intégrer le client dans la conception soit en tant que concepteur, soit en tant qu’usager réagissant à des propositions de concepts, ce qui les différencie encore des méthodes de génération d’idées du consommateur créateur et créatif préconisées par le marketing (MAP). Alors, faut-il penser comme l’écrit Tim Brown (2008), « comme un designer » pour générer des idées de valeur ? N’y a-t-il pas des approches qui permettent, du point de vue des praticiens du marketing, de générer des innovations d’expérience, en particulier en imaginant un problème de différents points de vue et en sortant du cadre imposé et des normes en utilisant son imagination ? Voilà la question que Tim Brown pose implicitement aux praticiens du marketing et nous nous proposons d’apporter des éléments de réponse dans notre approche empirique.

L'idéation représente, d'un point de vue psychologique, la formation et l'enchaînement des idées, rationnelles, émotionnelles ou combinées. Une idée est une production de la pensée et sa manifestation linguistique peut se matérialiser dans les mots ou un récit. C’est ce dernier point que nous proposerons comme hypothèse. Dès lors, pour apporter une réponse marketing aux questions d’approches de la génération d’idées de valeur, il nous faut revenir aux définitions des deux concepts distincts que sont créativité et innovation.

La créativité en tant que trait de personnalité

La créativité est définie selon les auteurs soit comme un trait de personnalité caractérisant un individu, soit un processus de production d’idées ou d’objets. Selon Amabile (1998), c’est une production d’idées nouvelles et utiles (incluant l’idée de valeur) réalisées par un individu ou un petit groupe d’individus collaborant ensemble en réponse à une question ouverte. C’est cette approche que nous retiendrons dans notre expérimentation.

La créativité, c’est voir les choses que tout le monde autour de nous voit tout en faisant des connexions et en établissant des relations que personne d'autre n’a faites auparavant entre elles. La créativité c’est partir du monde connu en allant vers l'inconnu. C’est utiliser ses capacités imaginatives pour concevoir quelque chose de nouveau ou bien trouver des solutions à un problème. La créativité peut aussi consister en la mise en œuvre d’un processus d’améliorations continues.

La créativité du consommateur selon Hirschman (1980 ; cité par Gatignon et al., 2016, page 69) est « une aptitude à résoudre des problèmes que possède un individu et qui

peut être appliquée à résoudre des problèmes de consommation ». Dans un

processus d’innovation MAP, c’est généralement cette aptitude qui est utilisée via la technique du brainstorming tandis que les imaginaires de consommation sont très peu utilisés.

Nous avons remarqué tout au long de notre expérience professionnelle avec les designers automobiles de 2000 à 2006, que les grands créatifs (JP Ploué) ont une aptitude supérieure à ressentir leur environnement, à ne pas laisser infléchir ce qu’ils ressentent d’instinct par des commentaires négatifs « ça ne marchera jamais », et ne cherchent pas systématiquement à recevoir l’approbation d’autres personnes. Ils sont curieux et à l’aise dans l’inconnu, ce qui parfois peut dérouter les esprits qui en toutes choses cherchent à maîtriser le hasard. Souvent, ils sont doués d’une grande sensibilité esthétique et ressentent avec tous leurs sens en éveil.

Ploué, dès son arrivée dans le groupe PSA en 2000, avait conçu et présenté le concept-car Osmose, extraordinairement anticipateur de nouveaux usages automobiles et de nouvelles manières de naviguer en ville, démontrant une non moins extraordinaire aptitude à jouer avec les concepts et à générer une grande variété d’idées.

Selon Amabile, (2012), la créativité en tant que trait de personnalité individuel dépend de trois facteurs principaux :

Des facteurs de personnalité :

Le degré d’expertise technique, une sorte de répertoire mental dans lequel puiser pour résoudre des problèmes acquis de toutes manière possibles (académique, expérience etc…)

La motivation -intrinsèque, par exemple la passion à résoudre des problèmes complexes (par exemple la satisfaction personnelle à résoudre des problèmes)

La pensée imaginative, pensée combinatoire, pensée métaphorique et analogique

Les facteurs d’environnement organisationnel propices à la production d’idées nouvelles, excluant par exemple des normes contraignantes ou une faible aptitude à la prise de risques jouent aussi un rôle important.

On relève enfin chez von Hippel (1986), que les lead-users présentent des caractéristiques d’usage (exigence de performance, aptitudes techniques) qui les rendent plus innovants que des utilisateurs ordinaires. Il est relevé (Gatignon et al. p 78) que « les études de marché traditionnelles auprès de clients ordinaires sont par

conséquent impropres à anticiper des innovations de rupture ».

Or l’industrie automobile, avec l’émergence des véhicules autonomes et connectés, se trouve confrontée à des changements majeurs. Elle ne peut donc plus se contenter d’interroger des clients ordinaires dont les idées de solution se trouvent démodées à peine émises. Les lead-users ont non seulement des besoins, mais aussi selon notre apport de thèse, des imaginaires qui les rendent très intéressants pour une recherche qualitative en vue d’anticiper des innovations selon une approche prospective. Il y a deux processus de création généralement admis, qui sont parfois combinatoires :

• La liaison des relations (LR) ou assemblage, qui consiste à relier deux concepts combinés par une relation thématique.

• Le transfert de propriétés (TP), qui consiste par analogie à combiner des concepts en transférant la propriété d’un concept vers un autre, forme, fonctions, symbolique, expérientielle.

Définition : la créativité en tant que processus de production d’idées désigne — de façon générale — la capacité d'un individu ou d'un groupe à imaginer ou construire et mettre en œuvre un concept neuf, un objet nouveau ou à découvrir une solution originale à un problème.

Il est aussi généralement admis que la créativité est la faculté pour un individu de produire un grand nombre d’idées ou de solutions nouvelles à un problème dans un intervalle de temps limité. Ces prédispositions sont innées ou résultent par exemple d’un entrainement à associer des idées pour en former de nouvelles ou à procéder à l’analyse de solutions à un problème par analogies. Afin d’augmenter les capacités créatives des individus en leur apprenant à être créatif en quelque sorte, les mécanismes supposés de la créativité ont été formalisés par Osborn (1953) afin de créer une méthode pour stimuler la créativité dans la publicité et dans les entreprises. En général les individus créatifs ont une capacité à recombiner des éléments existants pour former un nouvel artefact. Ils sont capables de repérer des analogies, c’est-à-dire une ressemblance de relations entre artefacts relevant de catégories différentes. Ils utilisent l’analogie comme un outil d’innovation, par le transfert métaphorique des propriétés d’un artefact à un autre artefact.

En marketing de l’innovation tirée par les insights clients, c’est la capacité des consommateurs à imaginer de nouveaux usages d’une technologie (ou à la détourner au sens de De Certeau, 1990), ou encore la capacité à partir de leurs imaginaires à explorer de nouveaux scénarios de satisfaction de leurs aspirations à de nouvelles expériences (cette thèse) ou encore à résoudre des problèmes liés à de nouvelles conditions sociétales (contraintes de temps, contraintes financières et contraintes de mobilité par exemple) qui intéresse le prospectiviste de l’innovation.

La capacité à être créatif n’est pas uniforme : différents individus peuvent être très différents, selon notre expérience, dans la manière d'associer des choses, des idées, des situations. Il se produit parfois des hasards heureux : c’est la sérendipité ou l'aptitude à utiliser des éléments trouvés alors qu'on cherchait autre chose.

Les méthodes de créativité prennent la plupart du temps comme origine le modèle de Wallas (1926). Ce modèle propose différentes étapes linéaires et séquentielles que les méthodes de créativité cherchent à reproduire. Toutefois, on observera que les esprits créatifs fonctionnent souvent de façon holistique.

Ce modèle comporte quatre phases :

1) La préparation (définition, observation et étude du problème) ;

2) L’incubation (mise de côté du problème pour un certain temps qui favorise l’émergence d’idées nouvelles) ;

3) L’illumination (émergence d’une idée nouvelle), « flash créatif » ressenti d’éblouissement au cours duquel une ou plusieurs solutions du problème jaillissent soudainement dans le champ de conscience après une période de repos et d’incubation ;

4) La vérification (contrôle) : la pensée consciente intervient pour vérifier la solution retenue.

Les techniques de créativité reposent sur des processus et techniques adaptés supposés faire émerger les idées nouvelles. Le postulat en est que : la « créativité » peut aussi être renforcée et impulsée par une multitude de techniques qui, intégrées dans un processus de génération d’idées, permettent de systématiser la production d’idées. Le processus comprend la formulation d’un défi créatif, l’organisation et l’animation d’une session de génération d’idées, ainsi que la mise en forme et la présentation des axes et thèmes créatifs.

Les techniques de créativité visent en général à reproduire les conditions d’un “flash créatif” et de l’inspiration en raffinant des protocoles de production d’idées en réponse à des questions posées (stimulus = problème à résoudre), et plusieurs méthodes d’innovation occidentales les ont intégrées dans leur approche en complétant la plupart du temps par une phase de prototypage rapide des concepts proposés afin d’en enrichir la production.

Le brainstorming est apparu en 1939 et ses règles en ont été formalisées par Osborn (1953) dans un livre (Applied imagination).

Le processus global du brainstorming comprend donc en général quatre phases principales : (1) l’explication du sujet de la séance (en général un problème à résoudre), (2) l’explication des règles, (3) la production d’idées, (4) l’évaluation des idées. Une phase supplémentaire destinée à développer quelques-unes des idées produites peut être ajoutée en complément.

Un brainstorming demande à un groupe d’imaginer et de produire, (généralement sur commande en un court laps de temps ou dans des délais donnés), une grande quantité de solutions, d'idées ou de concepts parfois au détriment de l’originalité.

Par contre pour Guillford (1967), le paradigme de la créativité repose sur une «production divergente», qui opère sur un mode intuitif, suggestif et associatif et s’oppose à la «pensée convergente», qui travaille sur un mode rationnel.

Aujourd’hui, le modèle dominant du « défi créatif » comprend deux phases :

- La divergence : une phase d’exploration pendant laquelle on s’éloigne du « problème » et on quitte le terrain sûr de la logique et du rationnel pour permettre l’émergence des idées et plus rarement des imaginaires de consommation, car le processus favorise peu une expression libre et sans tabous de ces imaginaires. C’est la phase d’éloignement caractérisée par l’émergence des idées et leur formulation, - La convergence : une phase de redescente vers la réalité qui est dédiée au choix, au développement et à la mise en forme des idées. C’est la phase de retour au réel où les idées seront finalisées et sélectionnées.

Séparer l’expression des éléments purement rationnels et l’émergence de désirs ou d’imaginaires nous paraît plus une facilité méthodologique qu’une réalité théorique, selon les enseignements de la Chaire des Imaginaires PSA. Notre approche est donc de considérer la structure globale des imaginaires sans distinguer artificiellement rationalité et désirs.

1.3.1.3 Sémiotique des récits vs. créativité d’Osborn : critique et propositions