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Contributions de la pensée chinoise au concept d’ambiance et complément

CHAPITRE 2 : L’ambiance et ses imaginaires, matière sémiotique de l’innovation

2.1 Qu’est ce que l’ambiance ?

2.1.3 Contributions de la pensée chinoise au concept d’ambiance et complément

Affordances et verbes auxiliaires d’actions en chinois : l’expression du potentiel d’action, principe de la cosmogonie chinoise (les cai).

Pour comprendre la notion d’affordance de l’ambiance, nous nous intéressons aux verbes de potentiels d’actions. En anglais, ces verbes ont un suffixe : able. Pour mener cette investigation, il est d’abord nécessaire de connaître les verbes de possibilité en mandarin. En effet la relation avec la sémiotique s’inscrit dans une forme de factitivité, de potentiel d’action des éléments dans la cosmogonie chinoise. Selon Alleton (1977), il existe trois verbes de possibilité en mandarin :

néng 能 « exprime la capacité de l'agent et ouvre le champ du possible par voie de conséquence » • «pouvoir», «être capable de»;

kě yǐ可以 «caractérise la situation comme 'permettant‘ l'action»" «pouvoir», «être permis»; idée de liberté d’action, très proche de l’affordance. kě可,c’est la possibilité (l’idéogramme représente la bouche qui souffle de l’intérieur vers l’extérieur). ke a également une fonction d’adverbialisation du mot qu’il précède à la manière du suffixe « -able » ajouté à un verbe (Javary, 2014)

huì 会 «a deux valeurs nettement différenciées: celle de la capacité apprise ou d'habitude et celle d'éventualité pure » - «pouvoir», «savoir (faire)»;

Les facteurs qui entrent en jeu dans le choix entre neng et keyi sont multiples et de divers ordres : origine de l'énonciateur, style plus ou moins formel du discours, degré d'actualisation de l'énoncé ; ils ne sauraient être interprétés comme traduisant une opposition actif/passif. Quant à hui, s'il semble légitime de distinguer une valeur «savoir (faire)» et une valeur proprement modale de cette forme («il se peut que»), il n'y a pas lieu, du point de vue de la modalité, de les opposer radicalement.

2.1.3 Contributions de la pensée chinoise au concept d’ambiance et

complément par l’altérité linguistique de l’espace au Japon

2.1.3.1 L’ambiance dans la pensée chinoise à partir d’une analyse des idéogrammes signifiant atmosphère et ambiance, émergence de notion nouvelles

Définition : l’idéogramme est une unité de la langue idéographique qui constitue un signe, c'est-à-dire doté d'une signification (il s'oppose à la lettre de l'écriture alphabétique, qui la plupart du temps ne constitue pas un signe à elle toute seule). Le chinois est une langue tonale, monosyllabique, à la morphologie réduite, où chaque syllabe forme une unité lexicale et sémique invariable. Les mots, dont la fonction – et partant la nature – est déterminée par la place occupée dans la chaîne syntaxique, sont comme des racines de signification.

Pour désigner une ambiance, la langue Chinoise utilise deux termes qui montrent qu’il existe, en plus de l’ambiance sensible, une ambiance « actante » :

• 气氛 qì fēn (n.)

Atmosphère / ambiance: qi est le souffle-énergie, un flux, une expérience sensible du milieu par les gens qui s’y trouvent. () (figure 17).

FIGURE 17 : AMBIANCE ENERGIE, QI FEN

• 氛围fèn wéi (n.)

Milieu ambiant: désigne un territoire clos formé d’un « nuage », d’une énergie, un milieu sensoriel qui entoure les personnes et agit sur nous (et offre des potentialités actantes). (Figure 18).

氛fèn:Composition: 气 + 分(纷: tourbillonner, voltiger)

Sens original: l’air et le nuage flottant, cela connote un nuage qui forme une image et qui nous avertit de quelque chose (divinatoire, prédictif, indicatif) à la manière des formes de nuages visibles dans le ciel.

围 wéi : Composition: 口 (entourer, ceindre)+ 韦, la composition signifie «encercler » et le sens original: entourer, ceindre

2.1.3.2 Le milieu dans la pensée japonaise et la relation au concept d’ambiance Pour aborder le concept d’ambiance et suivant en cela Thibaud, (2010) et poursuivant notre aventure sémiologique, nous prenons en compte l’approche par le concept de milieu dans la pensée japonaise. Celle-ci vient utilement compléter la pensée chinoise car elle introduit la notion d’entrelien qui peut se définir comme une forme d’interaction et de relation entre les unités d’une ambiance comme dans un langage.

On peut identifier plusieurs concepts qui sont proches de l’ambiance dans la pensée japonaise et introduisent la notion d’entrelien : Berque (2010) nous apporte un éclairage unique et spécifique sur la pensée japonaise du milieu.

D’abord, le milieu selon le philosophe japonais Watsuji Tetsurô 和 辻 哲 郎 (1889-1960) : Watsuji Tetsurô (1971) introduit une distinction fondatrice entre kankyô環境, (l’environnement, tel qu’il est objectivé par la science) et fûdo風土, (le milieu, tel qu’il est concrètement vécu par une certaine société). Le japonais fûdo 風土 veut dire milieu ; et par suite, le champ d’étude que Watsuji appelle fûdogaku 風 土 学 signifie mésologie. La mésologie se veut être une science des milieux, qui étudie de manière interdisciplinaire et transdisciplinaire la relation des êtres vivants en général, ou des êtres humains en particulier, avec leur environnement. Suivant le sens qu’on donne à « milieu », deux définitions de la mésologie sont possibles :

Dans un premier sens, le plus ancien, « milieu » est synonyme d’« environnement », c’est-à-dire le donné environnemental objectif et universel qui fait aujourd’hui l’objet de l’écologie (en tant que science de la nature). La première édition du Petit Larousse (1906) pouvait ainsi définir la mésologie comme « partie de la biologie qui étudie les rapports des milieux et des organismes ».

Dans un second sens, selon Watsuji Tetsurō, mésologie est synonyme de l’allemand Umweltlehre et du japonais fûdogaku 風土学. Selon les éclairages de Berque (2010), le milieu (Umwelt, fûdo) n’est pas le donné environnemental objectif (Umgebung, shizen kankyô 自然環境), mais les termes dans lesquels celui-ci existe pour un certain être (individu, société, espèce, …). C’est la réalité du monde ambiant propre à cet être (l’environnement perçu), et non à d’autres. Le milieu est donc singulier, tandis que l’environnement est universel.

L’aida 間 : c’est l’entrelien qui se tisse entre les personnes et avec les choses, constituant historiquement un certain milieu. Nous le rapprochons d’un signifié atmosphériel qui s’apparente au vide.

Cet entrelien, c’est d’abord celui des humains entre eux ; mais à travers celui-ci, également celui qu’ils entretiennent avec leur environnement, c’est-à-dire leur milieu.

Apports des pensées chinoises et japonaises au champ lexical et à la définition de l’ambiance :

FIGURE 19 : CONSTRUCTION D’UN NOUVEAU CHAMP SEMANTIQUE DE L’AMBIANCE A PARTIR DE LA DEFINITION DIFFERENTIELLE DE L’AMBIANCE SELON AUGOYARD, (NOTES DE COURS) ET SELON MA

PRISE EN COMPTE DE L’ALTERITE

Pour comprendre l’interaction des Chinois avec une ambiance, la pensée occidentale ne saurait nous suffire, car notre démarche est de comprendre les faits dans leur altérité (Jullien, 2012). Nous avons donc construit la figure 19, fondamentale afin d’expliquer le champ sémantique de l’ambiance qui, partant du schéma de l’ambiance d’Augoyard, (notes de cours de DEA), met en évidence l’apport des pensées chinoises (l’ambiance en tant que champ d’énergies polarisées) et de la philosophie japonaise (mésologie) : le milieu apporte une dimension interactionnelle, ce qui crée un pont avec la pensée de l’expérience selon le marketing.

Les concepts d’aida et de ma, définis ci-dessous, viennent apporter de la signification aux espaces vides qui en réalité contribuent à créer des pauses, des espaces d’interaction (exemple de la corniche dans une maison japonaise, des pauses dans le dialogue du théâtre traditionnel). Notre approche n’aurait su donc être complète sans ce passage par la pensée japonaise dont Barthes nous recommandait l’expérience dans l’empire des signes (1970). Nous nous intéressons ci-après au vide, au ma, (ou aida), qui structure l’espace et que nous observerons dans nos collages des imaginaires expérientiels.

Le rôle des (zéro)-signifiants : le ma , dans l’espace et dans la langue, une hypothèse d’explication des vides et des pleins dans les collages des

imaginaires expérientiels. (Berque 2010)

Ma s’écrit 間, sinogramme qui se définit comme « le soleil (ou, dans une autre graphie, la lune) se montrant dans l’entrebâillement d’une porte à deux battants ». D’où l’idée d’intervalle, dans l’espace ou dans le temps, qui est aussi le sens fondamental de ma. C’est un intervalle qui suppose une situation, une ambiance, et plus largement le milieu de l’interaction (Berque 2010). Précisons que aida et ma signifient la même chose. Un ma est donc un intervalle, une sorte de pause, de silence, impliqué dans une interrelation (milieu) d’actants. Cet intervalle qu’est le ma est une pause dans une ambiance chargée d’indices atmosphériels. Le ma suggère une ambiance investie d’actants dans une intrigue. En termes d’espace, ma signifie un intervalle entre deux choses qui se jouxtent : entre deux nuages par exemple dans kumoma 雲間, entre deux arbres dans konoma 木の間. De là, un espace d’une étendue limitée : celui du voisinage par exemple dans chikama 近間, celui de l’intimité amoureuse dans fukama 深 間 , nous explique Berque. Le ma est un élément constructif fondamental de l’expérience japonaise de l’espace. En Occident, on organise les objets, au Japon on donne une signification aux différents espaces entre les objets.

Nous pouvons oser ici un parallèle avec Barthes, 1972 qui définit, quant à lui, le terme non marqué : on l'appelle degré zéro de l'opposition : « le degré zéro n'est donc pas à proprement parler un néant (contre-sens cependant courant), c'est une absence qui signifie ; on touche ici un état différentiel pur ; le degré zéro témoigne du pouvoir de tout système de signes qui fait ainsi du sens « avec rien » : la langue peut se contenter de l’opposition de quelque chose avec rien ». Issu de la phonologie, le concept de degré zéro est d'une grande richesse d'application ; en sémantique, où l'on connaît des signes-zéros, on parle de « signe zéro » dans le cas où l’absence d'un signifiant explicite fonctionne elle-même comme un signifiant (Ohnuki-Tierney, 1994). Le signifiant – zéro (Barthes évoque dans l’Empire des signes la figure blanchie de l’acteur de théâtre kabuki) peut posséder une infinité de significations à l’instar du ma du vocabulaire de la spatialité japonaise (Barthes, 1966).

Ohnuki-Tierney, (1994) cite plusieurs formes de signifiant – zéro :

• L’absence de pronom dans la langue japonaise (sujet absent pour mettre en valeur les indices d’atmosphère),

• Le ma, intervalle impliqué dans une interrelation d’actants, assez proche de la relation entre unités dans la pensée chinoise,

• Le mu, néant invisible au pouvoir de transformation, actant de la transformation Compte tenu de leur rôle à la fois support d’indices d’atmosphère, de rôle en tant que catalyseurs d’interrelations et de pouvoirs de transformation dans le récit, les signifiants-zéros devront être considérés dans le système de signification par le rôle implicite qu’ils jouent en interaction avec les signifiants « pleins » : ainsi les espaces vides qui apparaissent dans les collages ( annexe B) et qui signifient des espaces de passage et de transition dans le parcours génératif de la signification et la transformation d’un état à un autre .

2.1.4 Approche de l’ambiance en tant que langage et système