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explicatives en classe de langue

2.4.1 Sélection du lexique à expliquer dans Bel-Ami

Nous avons combiné deux techniques dont les résultats présentent les lexies ou expressions lexicales jugées difficiles à comprendre par les apprenants des classes d’observation.

La première expérimentation consiste à demander à quatre personnes d’origine française (ayant un niveau de langue similaire aux apprenants étrangers observés dans notre protocole) de dégager des trois textes proposés « les mots ou portions de phrases difficiles ». Rappelons que ces personnes ne font pas partie des sujets de l’expérimentation. Il s’agit de deux élèves de classe de seconde et deux élèves de classe de troisième, ayant un niveau de français correct, jugé moyen par leurs enseignants. La consigne est simple et claire : « Souligner dans les trois textes de Bel-Ami les mots ou expressions (portions de phrases) qui vous paraissent difficiles à comprendre ». En donnant la même consigne aux informateurs et en vérifiant le temps imparti, nous pouvons contrôler un maximum de variables extrinsèques. Les résultats donnent une idée des constituants pouvant poser des difficultés de compréhension à ces apprenants.

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176 En tant qu’enseignante de FLM/FLES, nous nous proposons de comparer les résultats obtenus avec notre propre manière de sélectionner ce qui relève du facile/difficile, compréhensible/non-compréhensible. C’est notre deuxième technique de sélection du lexique. Etant enseignante/remplaçante en lettres modernes au lycée et étant professeur de français langue étrangère et seconde, nous discriminons dans les textes ce qui nous parait difficile à comprendre par des apprenants et ce qui mériterait une discours explicatif. Nous distinguons les lexies qui doivent être prioritairement acquises en classe.

2.4.1.1. Lexies et expressions lexicales retenues par les informateurs

Regardons alors les lexies et/ou expressions lexicales retenues par nos quatre informateurs. Ils sont tous natifs et de niveau identique aux apprenants de FLM et FLES observés en classe. Nous n’avons pas jugé nécessaire de proposer ce test à des informateurs non natifs. Ils auraient relevé autant voire plus de lexique que les personnes natives. L’essentiel ici était surtout de pallier la variable « mot connu » des apprenants natifs. Voici les résultats obtenus :

Cyrille 3ème garçon Il portait beau Gargote Hussards Tapageuse Polissonneries

Tableau 19: Lexies et propositions lexicales retenues par Cyrille comme étant difficiles à comprendre Marina 3ème fille Il portait beau Coups d’épervier De boni Tapageuse Miasmes Coudoyer Vestibule Amassée

Tableau 20: Lexies et propositions lexicales retenues par Marina comme étant difficiles à comprendre

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Sandra 2nde fille

Il portait beau Gargote à prix fixe Hussards

Elégance tapageuse Etuve

Miasmes Coudoyer

Becs de gaz des trottoirs Polissonneries

Fiacre

Avec ces égards Bruissante

Tableau 21: Lexies et propositions lexicales retenues par Sandra comme étant difficiles à comprendre

Lionel 2nde garçon

Il portait beau Coups d’épervier Gargote à prix fixe collations hussards Tapageuse Miasmes Rôdeuses Coudoyer

Becs de gaz des trottoirs impérieux

Fiacre Vestibule ces égards Sacristie

Il lui sembla qu’il allait faire un bond du portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon

Haut perron

Tableau 22: Lexies et propositions lexicales retenues par Lionel comme étant difficiles à comprendre

Il parait assez surprenant que les élèves de seconde aient davantage de difficultés à comprendre les textes. En fait, ce n’est pas forcément le cas. Nous avons remarqué que les collégiens avaient fait une lecture superficielle des trois textes estimant que le vocabulaire permettant d’arriver à une compréhension globale n’était pas très difficile. Les apprenants de seconde se sont révélés être beaucoup appliqués dans leur lecture, faisant attention au moindre mot, à la moindre phrase pour tenter

178 d’en comprendre toutes les subtilités littéraires. Ils ont ainsi relevé davantage de lexique dont le sémantisme était souvent ambigu alors que les collégiens sont passés à côté de toutes les subtilités littéraires du langage utilisées par Maupassant (« (Il lui sembla qu’il allait) faire un bond du portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon » pour dire que Georges Du Roy envisage une carrière politique, par exemple). Elles seront pourtant explicitées par les enseignants en classe.

Il faut aussi remarquer qu’un certain nombre de lexies ne peut pas forcément être mis en relief par les apprenants. Les lexies dont le sémantisme est double ou métaphorique ne sont peut-être pas apparues aux yeux des apprenants (« boite noire » pour désigner « le fiacre », « rôdeuses » pour « des prostituées »). Tout l’art revient à l’enseignant qui saura faire la lumière sur des termes qui semblaient à première vue anodins mais qui cachent d’autres sens. C’est principalement pour cette raison que nous ne pouvons pas nous contenter de nos informateurs pour établir une liste lexicale de ce qui pourrait poser des problèmes de compréhension.

2.4.1.2. Sélection finale du lexique

En tant qu’enseignante de FLM et de FLES, nous avons instinctivement sélectionné des lexies jugées difficiles à comprendre et importantes à expliquer. Connaissant bien le niveau linguistique de chaque public étudié1, nous avons discriminé des constituants des textes qui sont ainsi rassemblés :

1 Nous avons été enseignante remplaçante de FLM en classe de seconde technologique, avons donné des cours particuliers à des apprenants de troisième et seconde générale. Nous avons également enseigné à l’université Toulouse II-Le Mirail et l’Ecole des Roches (78) aux niveaux B1-B2-C1.

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Passage 1 Passage 2 Passage 3

- Il portait beau - Des miasmes

- Des regards […] comme des coups d’épervier - Une étuve

- Une gargote à prix fixe - (20 centimes) de boni - Un hussard

- Des rôdeuses

- Une élégance tapageuse - Coudoyer

- Une collation

- Cette boite noire - Les becs de gaz (des

trottoirs) - Impérieux - Les polissonneries - Bénir - Un fiacre - Un vestibule

- Une femme du monde

- Bel-Ami

- (Il était) plein de reconnaissance pour la divinité qui l’avait ainsi favorisé

- Des égards - L’office - Balbutiait

- Coulait comme un fleuve - Les assistants (de

l’office)

- (La foule) amassée - (La foule) bruissante - (Il lui sembla qu’il allait)

faire un bond du portique de la Madeleine au portique du Palais-Bourbon

- Un perron

Tableau 23: Sélection finale des lexies et propositions lexicales

Ces lexies comparées aux résultats obtenus par nos informateurs montrent que nous avons opéré une sélection assez pertinente au regard du nombre conséquent de mots et propositions contenus dans les textes.

Cyrille 3ème 16.7%1 Marina 3ème 26.7% Sandra 2nde 40% Lionel 2nde 56.7%

Tableau 24: Pourcentage des correspondances entre le relevé des informateurs et le nôtre

Notre liste ne se veut pas exhaustive et nous nous sommes contentée d’une trentaine de lexies, ce qui d’un point de vue pédagogique est suffisant. Nous avons sélectionné les lexies et propositions lexicales qui étaient susceptibles d’être expliquées en classe par l’ensemble des enseignants observés.

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2.4.2. Le déroulement des explications des lexies

2.4.2.1. Description des séances observées

Notre étude s’attache à observer le fonctionnement explicatif en interaction. Pour cela, les conditions de travail dans lesquelles les acteurs pédagogiques évoluent doivent être décrites. Premièrement, la disposition spatiale des tables et chaises n’est pas la même dans les deux disciplines. Souvent en U dans les classes de FLES, la disposition est plus classique dans les classes de FLM1. Le professeur se trouve du côté du tableau et son bureau fait face à des rangées de tables et de chaises. Aussi, la communication entre les apprenants pourrait être lésée car ils ne se font pas face.

Pourtant, les apprenants de FLM, habitués à cette disposition spatiale, n’hésitent pas à prendre la parole (et à se retourner pour voir leurs camarades). Nous pouvons même qualifier la classe de MIC de « bruyante » tant l’ambiance de brouhaha et la concentration relative sont prégnantes. En cela, les apprenants de FLM sont majoritairement plus bavards que les apprenants de FLES. Une classe de FLM reste cependant assez silencieuse (classe de PLA). L’enseignant semble impressionner ses apprenants. Ils ont peur de fournir de mauvaises réponses aux questions posées et préfèrent s’abstenir de tout commentaire. Seuls quelques élèves prennent la parole au moment où l’ensemble de la classe est sollicité et apportent des réponses qui sont quasiment toujours évaluées positivement par l’enseignant. En clair, les apprenants de cette classe s’abstiennent de fournir des réponses lorsqu’ils ne sont pas sûrs de leurs connaissances.

Enfin, nous aurions pu penser également que, lors des échanges langagiers entre enseignant et apprenants, le débit de parole diffèrerait entre les classes de FLES et les classes de FLM. Cependant, il est quasi-identique. Les enseignants des différentes disciplines parlent avec la même vitesse de parole. Le débit n’est pas ralenti pour les apprenants étrangers car ces derniers ont le niveau suffisant pour qu’un locuteur natif leur parle normalement.

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181 Temps consacré à l’étude des trois textes littéraires

Le temps consacré aux trois passages de Bel-Ami de Maupassant n’est pas identique d’un enseignant à l’autre1. Il est important de rendre compte du calendrier des enseignants et du temps consacré aux textes car la manière dont le lexique est abordé en dépend. Plus le temps consacré est conséquent plus l’enseignant semble vouloir approfondir son étude.

Nom de l’enseignant Choix didactique de présentation des textes littéraires Nb d’heures consacrées pour l’étude des 3 textes

Nb d’heures consacrées par texte littéraire

FLM, collège

BRE Etude des textes seuls

3h étalées sur 1 semaine

1h pour le 1er passage 1h pour le 2ème passage 1h pour le 3ème passage

PLA Etude des textes seuls

4h30 étalées sur 1 semaine

1h pour le 1er passage 1h45 pour le 2ème passage 1h45 pour le 3ème passage FLM, lycée

GAJ Etude de l’œuvre intégrale

5h étalées sur 2 semaines

2h pour le 1er passage 2h pour le 2ème passage 1h pour le 3ème passage

MIC Etude de l’œuvre intégrale

10h étalées sur 3 semaines

4h pour le 1er passage 3h pour le 2ème passage 3h pour le 3ème passage

LAZ Etude de l’œuvre intégrale

11h étalées sur 9 semaines (étude interrompue par la grève contre le CPE)

4h pour le 1er passage 5h pour le 2ème passage 2h pour le 3ème passage FLES, université

GOU Etude des textes seuls

2h consécutives 1h pour le 1er passage 25 min pour le 2ème passage 35 min pour le 3ème passage

LEC Etude des textes seuls

3h étalées sur 1 semaine

1h15 pour le 1er passage 45 min pour le 2ème passage 1h pour le 3ème passage

Tableau 25: Comparaison du temps consacré à l'étude des différents textes de Bel-Ami

Ce tableau illustre la diversité des situations d’enseignement et des choix pédagogiques (ou contraintes) de chaque enseignant. Le temps accordé à l’étude des textes était libre ; il varie ainsi de 2h à 11h et s’étale sur une séance ou plusieurs semaines. Bel-Ami pouvait être étudié en tant qu’œuvre intégrale ou simplement à

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182 partir des textes proposés. On peut remarquer que les enseignants ayant choisi de travailler l’œuvre dans son intégralité ont consacré plus de temps à l’étude des trois passages que les autres enseignants. Ils ont insisté sur une étude approfondie du texte sans pour autant que les explications de lexique prennent une place plus conséquente dans la classe (comme nous le verrons infra1).

Remarquons que GOU a été la seule enseignante à envisager une analyse non chronologique des textes. Elle a commencé à étudier l’incipit puis l’excipit et a terminé la leçon par le deuxième passage de Bel-Ami, une partie du chapitre 5. Cette technique a permis de rendre compte du changement de situation du personnage (situation inhérente à tout roman d’apprentissage) tout en suscitant un intérêt pour la façon dont cette transformation a pu s’opérer. Les autres enseignants ont étudié les textes, de manière traditionnelle, les uns après les autres, en respectant la chronologie de l’œuvre. Certains enseignants ont proposé des supports variés (la bibliographie/ biographie de Maupassant pour PLA, une carte de Paris pour GOU avec un tableau à remplir, un tableau et des questions pour MIC, des questions pour LEC notamment).

Orientations didactiques des explications de textes

Les enseignants observés ont tous eu pour consigne d’expliquer les textes littéraires proposés. L’explication littéraire est vue par Preiss & Aubrit (1994 : 7) comme étant une lecture active et critique d’une œuvre. La démarche d’analyse privilégiée, sans en faire un principe strict et exhaustif, incite à penser l’unité, la structure et le genre du texte, c’est-à-dire l’identité du texte, l’analyse du début et de la fin de l’œuvre, les articulations dans le texte et l’appartenance à un genre. L’enseignant parle aussi des différentes formes et figures qui composent l’œuvre (dimension phonologique, lexicologique, morphologique et sémantique). Ensuite, les thèmes, personnes et présences sont identifiés (relation espace/temps, identification des thèmes, relations auteur/narrateur/lecteur et personnages, etc.). Enfin, le lecteur peut construire des liens entre la réalité et le savoir, traités dans leur application concrète en comparaison avec d’autres œuvres (connaissances et rapports avec l’histoire littéraire, liens avec d’autres disciplines).

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183 Ces quatre axes, dont l’ordre d’approche n’est pas fixe, montre la manière dont une explication de texte littéraire peut être menée. Rassemblés dans le tableau suivant, ils décrivent les orientations didactiques des enseignants observés. Pour identifier les orientations développées par les enseignants, nous avons attribué une valeur (en point) au travail mené en classe. Ainsi, 1 point est accordé à l’enseignant si un des quatre axes de la démarche d’analyse est entièrement traité en classe, ½ point si l’axe est partiellement étudié et aucun point si l’axe n’a pas fait l’objet d’une analyse.

Légende

1 Axe entièrement traité par l’enseignant en classe ½ Axe partiellement traité par l’enseignant en classe 0 Axe non traité par l’enseignant en classe

FLM,