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1 ère Partie : PROBLÉMATIQUE DE L’EXPLICATION DU LEXIQUE EN CLASSE DE LANGUE

1.1.1. L’explication : quelques généralités

La définition conceptualisante la plus ancienne de l’explication provient des recherches de Hempel (1965) qui estime que toute réponse scientifique à la question

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25 pourquoi est une explication qui possède la structure déductivo-nomologique (DN) suivante :

Enoncés de conditions antérieures C1, … Cn Explanans

Lois L1, … Ln

E

Explanandum

Hempel (in Miéville, 1981 : 120) pose quatre conditions de validité de son modèle DN : 1. Le lien entre l’explanans (la classe de phrases qui est proposée pour rendre

compte de ce phénomène) et l’explanandum (la phrase qui décrit le phénomène à expliquer) est déductif. L’explanandum doit pouvoir être déduit de l’information portée par l’explanans.

2. L’explanans doit contenir des lois générales.

3. L’explanans doit avoir un contenu empirique et être vérifiable par expérimentation ou observation.

4. Et l’explanans doit contenir des propositions vraies.

L’explication est alors un ensemble de lois, de conditions et de principes objectifs qui la rendent relative au langage où elle se formule, relative à l’individu pour qui elle a une signification et relative aux choses dont elle veut rendre compte (Borel, 1981a : 20). Miéville (1981 : 120) estime que le problème premier provient de « l’adéquation de la définition de la structure explicative en science à la réalité des explications scientifiques ». Il y aurait par conséquent de bonnes et mauvaises explications. Pourtant, si une explication est falsifiée ou incomplète, Miéville pense qu’elle perd sa valeur explicative. Ce qui n’est pas le cas dans le modèle extrême de Hempel. Meyer (in Miéville, 1981 : 120) met en doute que le modèle DN puisse représenter la norme et la réalité de tout savoir scientifique et pense qu’il englobe un autre terme : « le modèle DN, lorsqu’il décrit la structure d’une explication (…), n’est en fait que la structure de la justification, de l’exposition justificative des résultats acquis ».

Nous voyons que le modèle de Hempel est loin de faire l’unanimité, que ce soit en linguistique ou dans d’autres domaines comme cette remarque pertinente de Veyne

26 (1971), mise en phrase par Borel (1981a : 21, note bas de page) : « L’explication en histoire se situe à l’extrême opposé du modèle de Hempel. Là, comme dans la vie quotidienne, il s’agit de « dénouer des intrigues » en en fournissant un déroulement compréhensible (p.114). La complexité de l’événement s’intéresse à eux pour la seule raison qu’ils ont eu lieu et ils ne sont pas pour lui une occasion de découvrir des lois (p.112) ». De même, la distinction entre explanandum et explanans est intéressante, mais leur définition par Hempel est pour nous trop restrictive. Nous retiendrons de ces travaux en philosophie les concepts d’explanans et d’explanandum auxquels nous attribuons une acception plus large, pour les mêmes raisons que Lund (2003 : 25-26). Ainsi, l’explanandum est « ce qui est à expliquer » et l’explanans « ce qui explique » (Hudelot, 2001).

Cette conception duale nous permet d’analyser les discours explicatifs d’enseignants car le repérage des objets à expliquer d’une part, et des discours utilisés pour expliquer, d’autre part, est plus aisé. Dans notre cadre d’étude, nous nous intéresserons en premier lieu à l’explanans, vecteur de connaissances. Mais nous n’excluons pas de notre étude l’explanandum, dans le sens où les deux concepts agissent l’un sur l’autre. En effet, si nous n’expliquons pas de la même manière « une page de Proust et comment réussir un riz créole » (pour reprendre les mots de Grize), c’est que la nature de l’objet à expliquer n’est pas la même. Aussi, dans notre contexte, l’enseignant en classe de langue explique-t-il du lexique pertinent à comprendre pour les apprenants. Nous présumons que le type de lexique expliqué engendrera un type de discours explicatif spécifique et qu’il aura tel ou tel effet sur tel ou tel apprenant à tel ou tel moment de l’apprentissage. Cela suppose-t-il une relation de cause à effet dans l’interaction explicative ?

1.1.1.1. Explication et relation causale

Garcia-Debanc (2005) estime qu’expliquer est répondre à la question « pourquoi ? ». Mais tous les « pourquoi » n’impliquent pas forcément une explication non plus. Pour reprendre un exemple de Borel (1981c : 12), l’énoncé « Pourquoi es-tu venue ? » peut être décrypté de trois manières. La première est une exclamative évaluative de type « Quel ennui ! », la seconde traduit une injonction « Va-t-en ! » et la troisième une assertion normative « Tu n’aurais pas dû venir ». Ces exemples,

27 seulement illustrateurs des nombreuses possibilités qu’offre le « pourquoi » ne sont pas explicatifs. Selon l’intonation, la façon de parler, ils expriment des actes de langage qui ne sont que d’apparentes exclamations sous la forme première d’une interrogation. Le raisonnement de Borel (1981c) se poursuit avec un « pourquoi » demandant des informations sur un but :

« - Pourquoi es-tu venue ? - Pour te voir »

Et un « pourquoi » appelant une justification : « - Pourquoi es-tu venue ?

- Parce que j’avais faim »

De ce fait, l’explication n’est pas marquée explicitement dans le discours par un « pourquoi ». Elle consiste en la verbalisation de la pensée (en forme simple ou complexe) et comporte une composante cognitive (compréhension de la logique causale) et une composante linguistique. L’acte d’explication comprend alors un lien causal, verbalisé ou non, qui, pris dans son sens le plus large, va de la causalité psychologique à la causalité physique. Charaudeau (1992 : 796) précise que : « [L’explication] s’appuie sur A1 pour aboutir à une conclusion A2, mais (…) A2 représente l’origine, le motif, la raison, bref la cause mentale (même si celle-ci relève de l’expérience) de la prise en considération de A1, étant donné une certaine inférence. Du même coup, A1 représente la conséquence de A2, et l’on peut dire que, dans l’explication, A1 et A2 se trouvent dans un rapport de causalité qui est orienté de la conséquence vers la cause ».

L’acte d’explication opère ainsi une transformation d’objet au sein d’un rapport de causalité. C’est ce que Grize appelle une micro-explication (1980 : 13-15, repris par Borel, 1981b : 47). C’est une « formule atomique » comprenant fait, thèse et conséquence. Ceci a l’avantage de pouvoir étudier l’explication sans s’interroger sur la nature globale du discours. Mais ce n’est pas à proprement parlé ce qui nous intéresse puisque nous étudions le discours explicatif et son fonctionnement dans son intégralité. L’intérêt premier est surtout de pouvoir extraire du discours la source de l’explication et de mieux la décrire afin de la replacer dans son contexte. Borel (1981b : 47) pense que cette micro-explication permet de saisir le « jugement explicatif » du discours et qu’elle s’insère dans une macro-explication nommée « argument explicatif ». Il s’agit d’un raisonnement global du discours contenant plusieurs enchainements qui mettent en

28 scène des questions et des réponses autour du thème principal du propos. Prudence quant au jugement explicatif, il n’est qu’un composant du discours explicatif et ne saurait expliquer tout le fonctionnement du processus. Quant à Vendler (1966 : 10 in Borel, 1981b : 48), il traite de la distinction entre jugement explicatif et rapport causal en argumentant linguistiquement. Il oppose un langage « dans lequel nous parlons de la dépendance des événements et processus dans le monde » (« effect-language ») à un langage « par lequel nous parlons de faits » (« result-language »).L’explication relève ainsi de la seconde définition.

La relation d’ordre causal du discours explicatif par l’expression « ceci explique cela » est une formule schématisée par Ebel (1980 : 74 ; 1981a : 32 & 35). Elle exprime la causalité des rapports entre explanandum et explanans, comme dans l’exemple suivant recueilli dans notre corpus :

((en parlant du personnage principal))

GOU vraisemblablement il n’a pas d’travail parce qu’il euh: il n’a pas d’quoi manger quatre repas

CECI EXPLIQUE CELA

« Vraisemblablement [est cause] « il n’a pas de quoi il n’a pas de travail » « parce que » manger 4 repas »

Cette formulation simplifiée de la causalité de l’explication ne rend pas plus clair le fonctionnement effectif d’un discours explicatif surtout que Raccah (2005 : 197) distingue deux types de causalités : les causalités de dicto (des paroles où le lien causal n’est pas clair ni très précis) et les causalités de re (des états de faits, c’est-à-dire un lien causal réel). La principale source de conflits est que les causalités de dicto sont souvent prises pour des causalités de re alors qu’il n’en est rien au niveau linguistique.

1.1.1.2. Présence de l’explication dans le discours

Alors, dans quelles conditions trouve-t-on un « pourquoi » (implicite ou explicite) explicatif ? Borel (1981b) propose trois situations qui font d’un « pourquoi » la question d’une explication. Lorsque la question demande une information (au sens de résultat d’étude, d’objet porté à la connaissance de quelqu’un), l’information porte

29 sur une condition du propos. Et le propos est l’être ou le devenir de l’objet, d’un phénomène, etc.

« - Mais enfin pourquoi il pleut autant ?

- C’est normal, (c’est parce que) nous sommes au printemps. »

L’auteure pense que ce type de « pourquoi », qui amène à des questions « qu’est-ce qui fait que… ? comment se fait-il que… ? », n’impose pas des explications qui vont s’adresser directement aux interlocuteurs en vue de modifier leurs connaissances sur les choses mais plutôt d’agir sur les choses. Elle parle de problème de connaissance et non d’action. Si nous sommes d’accord avec le fait qu’il ne s’agisse pas directement d’action comme dans l’argumentation, il semble bien difficile de concevoir l’explication sans qu’elle n’entraîne des conséquences chez l’interlocuteur. Dans le cadre scolaire, l’enseignant de langue expliquera dans le but de faire comprendre mais aussi de faire réutiliser les connaissances (Bogaards, 1994). Donc, dans un certain sens, il sera question d’agir indirectement sur les actions des apprenants. Borel semble négliger cet aspect du discours explicatif qui, pour nous, est indispensable dans une étude inter-action-nelle (Antaki, 1988; Draper, 1988; Halté, 1988; Coltier & Gentilhomme, 1989; Barbieri & al., 1990; Treigner, 1990 ; Grandaty & Le Cunff, 1994).

« Pourquoi » est alors un méta-opérateur qui peut se réaliser de diverses façons, mais ce n’est pas le seul à engendrer une explication. On oublie souvent le marqueur « comment », qui intervient de manière similaire. D’ailleurs, « expliquer pourquoi ? » s’amalgame assez facilement avec « expliquer comment ? ». L’équipe de Neuchâtel (Centre De Recherches Sémiotiques1) souligne le fait qu’expliquer est répondre à une question en « pourquoi », explicite ou non, à la rigueur d’un « comment ». Et Halté (1987 : 12) ajoute que « pourquoi » ordonne une définition et/ou un « quoi » appelant un discours insérant un « comment » faire. L’expérimentation de Duhamel (1986 : 77-86) montre que l’intuition des apprenants sur ce qu’est l’explication n’est pas loin des découvertes des chercheurs. Quand on demande à des collégiens ce qui suit le verbe « expliquer », on se retrouve avec une prédominance d’énoncés « expliquer comment » alors qu’ « expliquer pourquoi » n’est pas intuitivement découvert (Duhamel, 1986 : 83-84).

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30 La question en « pourquoi » peut également être implicite dans les relations pédagogiques de façon à ne pas alourdir le contenu verbal déjà dense. La réponse explicite en « parce que » n’est pas non plus très fréquente car elle alourdit l’interaction langagière. Une moue d’incompréhension, le froncement des sourcils d’un apprenant peuvent engendrer un discours explicatif de la part de l’enseignant. Il est attentif à ce qui se passe en classe et anticipe régulièrement les attentes de chacun. C’est ce que nous observons dans le corpus recueilli1. Il n’y a quasiment pas de subordonnant-déclencheur « pourquoi », ni de marqueur causal en « parce que ». Aussi, pour caractériser le discours explicatif, il ne faut pas s’arrêter à l’analyse de marques linguistiques. L’explication peut être considérée sous un autre angle.

En outre, tous les discours qui s’annoncent comme étant explicatifs ne le sont pas forcément. Raccah (2005 : 200) défend à ce sujet une position assez ferme. Il estime qu’il n’y a aucune forme linguistique qui puisse déterminer le caractère explicatif ou non explicatif d’un discours. A ce titre, il n’y aurait pas de marqueur d’explicativité dans la langue. Sans être tout aussi catégorique, nous pensons qu’une forme linguistique ne suffit pas à inférer un caractère explicatif au discours mais que, cependant, certaines formes linguistiques réitérantes accompagnent des discours explicatifs.

A ce propos, existe-t-il une ou des formes d’explications ? Et comment peut-on appréhender ce discours qui semble être si volatil et complexe au regard de son fonctionnement dans la conversation ? Borel (1981c : 10), dans une conception de logique naturelle, pense que l’explication prend la « forme d’une hypothèse orientée par un schéma d’interprétation ». Il nous semble difficile de parler d’hypothèse lorsqu’il est question de rendre compte de la réalité des choses, tout comme quand on parle de schéma d’interprétation, on réfute le côté objectivant de l’élaboration du message. Et au niveau syntactico-sémantique, la structure « p parce que q » assez restrictive ne semble pas être la seule forme d’expression linguistique que revêt l’explication, comme nous l’avons dit précédemment. D’ailleurs, cette formulation « p parce q » énoncée par un seul locuteur semble bien calquée sur l’écrit, et elle correspond à la structure d’un texte

1 Cf. Annexes 18 à 24 : corpus recueilli lors des observations de classe (DVD fourni pour visionner les vidéos correspondantes).

31 explicatif (Adam, 1992). A l’oral, le jeu interactif peut séparer « p » de « q ». L’expliqué demande « pourquoi p ? » et l’expliquant répond « parce q ». Dans notre corpus, les interactions de ce type sont peu fréquentes mais le « pourquoi » ou le « comment » implicite de l’apprenant est souvent interprété comme un besoin d’explication par l’enseignant.

Ainsi considéré, le discours explicatif revêt différentes formes et fonctions en rapport avec la situation d’énonciation dans lequel il évolue. Charaudeau (1992) remarque qu’il peut y avoir quatre sortes de formes logiques d’explication :

L’explication par syllogisme : qui fonctionne de la même manière que la déduction par syllogisme, seulement le « mode d’enchainement » est causal. L’explication s’appuie sur des assertions qui se trouvent dans une « relation de sens » :

« Il s’est cassé la jambe parce qu’il a fait du ski et qu’il ne sait pas faire du ski »

L’explication pragmatique : qui fonctionne également de la même façon que la déduction pragmatique avec un « mode d’enchainement » causal. Le type de lien appartient au nécessaire et amène une idée de particularisation. La cause peut être ponctuelle, un désir ou une expérience personnelle :

« Je peux en manger, c’est bon pour ma santé »

L’explication par calcul : fonctionne à partir de conséquence implicative et a un « mode d’enchainement » qui est, lui aussi, causal. On y trouve un raisonnement par extrapolation. On revient en arrière pour remonter vers la cause :

« Les choses sont ainsi parce qu’elles ont toujours été ainsi »

L’explication hypothétique : ce mode ne fonctionne pas comme la déduction car il s’agit de dire que c’est la cause qui est le début de la supposition :

« Je ne suis pas entièrement fâché contre elle peut-être parce qu’elle ne l’a pas fait exprès »

Plus récemment, Charaudeau & Maingueneau (2002) ont redéfini les différentes formes du discours explicatif. Ils distinguent l’explication causale (qui permet la prédiction) de l’explication fonctionnelle (« Pourquoi le cœur bat-il ? Pour faire

32 circuler le sang ») de l’explication intentionnelle (« Il a tué pour voler »). Ces trois formes de discours sont amplement illustrées dans notre corpus1.

Charaudeau & Maingueneau ajoutent, d’un point de vue éthnométhodologique, que l’explication peut être explicite ou implicite. L’explication explicite est celle « par laquelle les acteurs sociaux justifient ce qu’ils sont en train de faire en termes de raisons, de motifs ou de causes » (Heritage, 1987 : 26). L’explication implicite, quant à elle, doit assurer en permanence l’intelligibilité réciproque, sur fond d’un ensemble d’attentes et de présupposés sociaux et culturels. Lorsque Charaudeau & Maingueneau (2002) parlent d’explication explicite, ils l’amalgament avec la justification, ce qui est différent à notre sens2. En effet, le locuteur explicite son discours au sens où il le rend audible par/pour les autres, mais en aucun cas il ne justifie ses propos. En revanche, il est intéressant de remarquer qu’il existe des explications implicites.

Pour les repérer, nous observerons les éléments paraverbaux (telle que la prosodie) et les éléments non-verbaux (telles que la kinésique et la proxémique) composant le tissu communicationnel (Leclaire-Halté, 1988 : 17) et qui devraient traduire des discours explicatifs (Lazaraton, 2004). Halté dit de la communication verbale « [qu’] elle met en jeu des individus développant entre eux, dans des circonstances socialement caractérisables, des interactions au cours desquelles ils poursuivent, chacun, certains enjeux que médiatisent toutes sortes de symbolisations, actualisant toutes sortes d’objets au moyen de codes, kinésiques, posturaux, vestimentaires, proxémiques, et bien sûr, langagiers. Ainsi définie, la communication excède le discours, si l’on considère celui-ci comme strictement limité à la verbalité » (1988 : 5). Nous voyons bien que nous sommes en présence d’une base communicationnelle particulière et que cette matrice comporte un tracé systématique des interdépendances et des interactions entre les locuteurs s’actualisant à partir de supports divers (posturo-mimo-gestualité, supports iconiques, etc.). Et toutes ces explications explicites ou implicites s’appuient sur la même technique : la reformulation.

1 Cf. PARTIE 2, Chapitre 2, 2.1.2.

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33 1.1.1.3. La reformulation comme forme et procédé

explicatif

Si nous considérons le discours explicatif comme étant d’une part, l’explanans et d’autre part, l’explanandum, il est décrit assez facilement. Ce qui explique, l’explanans peut être assimilé à une sorte de reformulation dont le sens serait, d’une part, explicatif, d’un autre, répétitif (et du coup, dévalué). Double problématique pour une structure qui réitère un signifié n’utilisant pas le même signifiant (Rey-Debove in Chesny-Kohler, 1981 : 97). Les marqueurs de paraphrase « c’est-à-dire », « autrement », « c’est dire », etc. sont à traiter comme des opérateurs métadiscursifs, au même titre que « parce que ». Ils ont pour fonction d’intégrer une paraphrase synonymique qui pourra marquer une explication. Et leur but est de « faire comprendre » (De Gaulmyn, 1986), de répondre à une question explicite ou implicite qui donne lieu à une explication. Chesny-Kohler (1981 : 103) remarque que ces marqueurs ont deux traits significatifs :

A. Ils sont centrés sur l’acte de dire. Ils en signalent la visée duplicative. B. Ils sont sans énonciateur avoué. Le dire qu’ils annoncent n’est pas attribué. Cette dernière remarque confirme la position du locuteur en tant que témoin, caractéristique des discours explicatifs.

Mais la reformulation se détermine surtout par sa relation avec son référent (Chesny-Kohler, 1981 : 98). C’est à partir du référent que peuvent se construire les reformulations, car c’est lui qui représente le sémantisme minimum de l’énoncé-source (explanandum). Pourtant, ce référent R de l’énoncé-source laisse place à un référent R’ qui résulte de l’interprétation de l’énoncé-doublon (explanans). Il faut alors se poser une double-question pour la classe de langue : est-ce que l’interprétation de R par l’enseignant est précise et correcte ? Et propose-t-il un référent R’ interprétable pour les apprenants ? Autrement dit, le choix dans la constitution de R’ par l’enseignant est lié au niveau de l’interprétation de R’ par les apprenants.

En cela, une reformulation ne se constitue que par rapport au public pour lequel elle est destinée (Rossari, 1997). Les enseignants de FLM, partent du principe que leurs apprenants ont des connaissances encyclopédiques conséquentes en langue française. Porteront-t-ils moins d’attention à l’élaboration de la reformulation par

34 rapport aux enseignants de FLES, dont le public ne maitrise pas aussi bien les éléments linguistiques ? La question inverse se pose également. Les enseignants de FLES ont-ils conscience des limites linguistiques de leurs apprenants et adaptent-ils leurs discours explicatifs à leurs degrés de connaissances en langue ? Opteront-ils pour d’autres supports que la reformulation verbale ? D’ores et déjà, nous observons que le débit langagier entre les deux types de classe est identique et que le lexique employé est en partie le même, mais peut-être que les enseignants de FLES ont davantage recours à la posturo-mimo-gestualité, aux supports iconiques et à des éléments prosodiques pour reformuler un discours que leurs homologues de FLM (Rançon & Spanghero-Gaillard, 2005).

La reformulation, au sein des classes de langue, est alors un objet langagier qui offre de multiples possibilités pour expliquer en fonction des connaissances de chacun en langue et sur le sujet en question. Et tout comme le discours explicatif peut être