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explicatives en classe de langue

PLA 21 45.3% FLM, lycée

GAJ 16 62.4% MIC 16 51.1% LAZ 23 55.7% FLES, université GOU 8 23.7% LEC 12 22.9%

Tableau 28: Degré de compréhension des lexies non expliquées par les enseignants

Les apprenants des classes de PLA, GOU et LEC n’ont pas pu restituer le sens contextuel des lexies qui n’ont pas été expliquées en classe. Par contre, les autres classes (BRE, GAJ, LAZ et MIC) obtiennent des résultats plutôt encourageants. Plus de la moitié des apprenants de ces classes connaissaient ou ont pu induire/déduire le sens

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189 des lexies. Ces données amènent tout de même à penser qu’une explication des lexies non abordées en classe aurait peut-être pu augmenter le degré de compréhension du lexique par les apprenants.

Les chiffres des deux tableaux précédents (Tableau 27: Explications lexicales et temps consacré à ces explications et Tableau 28: Degré de compréhension des lexies non expliquées par les enseignants) montrent combien les comportements pédagogiques face à une explication de texte peuvent varier d’un enseignant à l’autre et qu’il n’existe pas véritablement d’homogénéité dans les pratiques effectives enseignantes.

De même, le temps consacré aux explications est différent du temps consacré à chaque lexie parce qu’une lexie peut être expliquée plusieurs fois, dans la même séance ou dans des séances successives. L’enseignant peut estimer avoir besoin de revenir à plusieurs reprises sur un terme essentiel à la bonne compréhension du texte, de manière globale ou détaillée. C’est le cas de MIC et GAJ qui ont eu besoin d’expliquer plusieurs fois « des regards […] comme des coups d’épervier » et « Bel-Ami »1. Mais c’est MIC qui revient plus régulièrement sur les lexies expliquées, jusqu’à les expliquer 3-4 fois. Ceci s’explique en grande partie par l’ambiance de brouhaha et de concentration relative qui règne en permanence dans sa classe. Ses apprenants l’ont souvent obligée à répéter ce qu’elle avait déjà dit précédemment. Ce n’est pas le cas de GAJ dont les apprenants sont plus attentifs. L’enseignante a ressenti le besoin d’insister sur certains termes car ils semblaient essentiels à une compréhension globale de l’œuvre. GOU a également souligné plusieurs lexies comme relevant de la compréhension globale du texte. En règle générale, tous les enseignants ont expliqué une lexie au moins deux fois (sauf PLA). Le travail de répétition, de reformulation est souvent essentiel pour mettre en relief un élément textuel prégnant. Il indique aux apprenants son degré d’importance et aide à sa mémorisation.

1 Cf. Annexe 16 : Temps consacré à l’explication du lexique en classe ; Annexe 17 : temps consacré à l’explication de chaque lexie

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Degré de compréhension des lexies par les apprenants

Lexies expliquées une fois en classe

Lexies expliquées deux fois ou plus en classe BRE1 52.1% 33.3%

GAJ 66.4% 85.5%

MIC 64.4% 85.1%

GOU 19.8% 21.4%

LEC 30.3% 30.8%

Tableau 29: Degré de compréhension des apprenants en fonction du nombre d'explications pour une lexie

Nous voyons dans ce tableau que les lexies expliquées à plusieurs reprises par la majorité des enseignants permettent d’obtenir de meilleurs résultats sur le degré de compréhension des lexies par les apprenants. BRE est le seul à ne pas être dans ce cas. Les explications supplémentaires qu’il a fournies en classe n’ont pas permis de modifier positivement l’accès à l’acquisition lexicale. Quant à LEC, les résultats sont peu significatifs tant la différence entre les deux procédés explicatifs est faible.

Organisation temporelle des explications au sein des leçons

Dans le continuum verbal qu’est l’explication de texte, la séance est parsemée de micro-explications concernant directement le lexique. En outre, selon les habitudes de chacun, le lexique peut être abordé en début, milieu ou fin de séance. L’enseignant peut, selon ses choix didactiques, aborder le lexique au fur et à mesure que les besoins de compréhension se font sentir ou anticiper les problèmes de compréhension en imposant l’explication de vocabulaire.

C’est le cas d’une enseignante qui a préféré aborder la question du lexique difficile dès le début de la leçon alors que d’autres l’ont abordé au fur et à mesure de l’étude du texte. GAJ a commencé sa première séance par demander si tout le vocabulaire du texte 1 était connu. Après avoir expliqué « des miasmes », elle est entrée

1 PLA est absent de ce tableau car il n’a pas expliqué plusieurs fois une seule et même lexie. LAZ, quant à lui, n’est pas mentionné parce que la lexie qu’il a expliquée deux fois provient de l’étude du 3ème passage, étude pour laquelle nous n’avons pas de données de compréhension.

191 plus précisément dans l’analyse littéraire du texte. Le reste du lexique a été vu au fur et à mesure de l’étude. De manière plus stricte, LEC a commencé toutes ses séances par des explications lexicales. Faire la lumière sur le vocabulaire était pour elle une étape importante pour la compréhension des textes.

A contrario, GOU a proposé une étude de construction progressive du sens en contexte. Elle est la seule à ne pas avoir lu ou faire lire le texte dans sa totalité avant de l’étudier. Elle a préféré lire paragraphe par paragraphe et a expliqué et commenté le texte au fur et à mesure de son étude. Cette approche nécessite des apprenants une bonne compréhension du lexique du texte car la déduction contextuelle est plus délicate que dans les autres démarches. Les apprenants doivent construire la signification du texte et du lexique à partir de ce que lit et dit l’enseignante en temps réel. Alors que PLA, BRE et LAZ, qui ont aussi travaillé par paragraphe, ont opéré ce travail après une lecture complète du texte par l’enseignant ou les apprenants. Les apprenants avaient ainsi une vision globale de ce qui était proposé dans le texte. MIC a estimé, quant à elle, que le lexique du deuxième passage de Bel-Ami pourrait être une entrave à la compréhension et a passé une heure à faire le point sur les mots de vocabulaire. Suite à cela, les idées de l’auteur ont été développées.

Mais ce que nous pouvons dire en règle générale, c’est que le lexique de la compréhension globale a été majoritairement expliqué avant celui de la compréhension détaillée. Une première lecture assez rapide a permis de poser les idées générales du texte, une seconde étude menée plus précisément par l’enseignant avait pour objectif de faire découvrir les subtilités des textes1.

Ces orientations pédagogiques révèlent à quel point le lexique peut être le pivot de l’étude de texte pour un enseignant alors qu’il n’est que support de compréhension pour d’autres. Les données dont nous disposons proviennent d’un échantillon restreint d’enseignants. Aussi est-il impossible de tirer des conclusions trop générales de nos observations. Cependant, le temps consacré aux explications est un bon indicateur de la manière dont les enseignants travaillent sur le lexique et la diversité que nous observons rend compte de pratiques disparates. Ce relevé quantitatif sera complété par une analyse qualitative plus fine présentée dans la

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192 deuxième partie et qui aura pour objectif de donner du relief au discours pédagogique, interactionnel et contextuel, des enseignants.

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Conclusion intermédiaire

Dans cette première partie, nous avons discuté la notion d’explication et de discours explicatif en distinguant le procédé statique, d’une part, du processus dynamique observable en interaction, d’autre part. En identifiant par la même l’explanans et l’explanandum, nous avons remarqué que le discours explicatif de l’enseignant semblait assez facilement segmentable. Pourtant, le lien causal qui lie ces deux éléments peut s’avérer être implicite dans l’énonciation. Dès lors, l’observation des phénomènes paraverbaux (comme les manifestations prosodiques) et non-verbaux (tels que les gestes, les mimiques ou encore les images) s’impose afin de déceler la présence de ce discours de compréhension.

De fait, l’objectif principal de ce processus est de faire comprendre. En classe de langue, l’enseignant est ainsi amené à reformuler les informations prononcées en vue de rappeler ce qui vient d’être dit et de créer potentiellement de la signification pour les apprenants. Le discours explicatif organise alors la progression d’un savoir, progression élaborée selon les représentations des enseignants sur l’objet et du degré d’interprétation de l’apprenant au cours de l’activité cognitive de compréhension. En cela, le discours explicatif régule la parole, identifie le moment d’incompréhension mais aussi tente de construire une réalité sociale. Dans notre cas, il s’agit également d’une construction de la réalité textuelle et individuelle.

Pour tenter d’approcher scientifiquement ce phénomène, nous avons interrogé plusieurs disciplines dont la linguistique (la lexico-sémantique et la linguistique interactionnelle) et la didactique cognitive des langues (qui amène à travailler à partir des recherches menées en psycholinguistique et en psychologie cognitive notamment). Ces disciplines permettent de mieux appréhender le processus explicatif de l’enseignant dans sa globalité mais aussi en détail afin d’obtenir une macro et une microvision de la boucle explicative. Nous avons limité notre étude à l’explication lexicale pour des apprenants ayant déjà des connaissances dans la langue à acquérir et avons souhaité travailler à la fois en didactique du français langue maternelle (DFLM) et en didactique du français langue étrangère et seconde (DFLES) afin de rassembler leurs bases théoriques. Ainsi considérées, ces disciplines offrent de nombreuses

194 perspectives didactiques et pédagogiques. Notre travail s’élabore alors autour de la notion de didactique cognitive du français.

Grâce à ce cadre théorique, nous avons pu comparer le discours explicatif à d’autres types de discours dont les proximités sémantiques sont visibles dans l’interaction. Le discours explicatif peut se retrouver dans la position d’un discours définitoire dont les propriétés d’objectivité et d’absence de locuteur dans l’énonciation sont révélatrices. Le discours explicatif peut être perçu comme un discours informatif pour les apprenants à la différence que l’enseignant est attentif aux feed-back. Il faut souligner qu’associer ces deux discours empêche la considération de la co-construction du discours explicatif en interaction. A l’opposé, le discours explicatif se différencie de l’argumentation dans le sens où l’objectif principal n’est pas de faire adhérer l’interlocuteur mais bien de faire comprendre. De même, il est souvent amalgamé avec la justification dont la présence ne semble pas évidente en classe de langue de par le statut de l’enseignant et la légitimité qu’il a d’expliquer en classe.

Dès lors, ce qui se joue dans les séquences explicatives de l’enseignant en classe de langue relève de l’interaction, de la cognition et de la didactique. Premièrement, les différents fonctionnements discursifs des enseignants nous renseignent sur la manière d’organiser le discours explicatif en interaction. Deuxièmement, l’activité explicative est révélatrice d’une démarche cognitive qui permet de passer d’un état de non-compréhension à un état final de compréhension. Troisièmement, cette rupture de la compréhension pose la question de la compétence explicative et du savoir enseigner, car non seulement l’enseignant a la nécessité de rendre enseignable des savoirs mais il doit penser l’intégration des nouvelles connaissances dans la mémoire à long terme. L’hypothèse principale à laquelle nous souhaitons répondre dans ce travail est par conséquent la suivante : dans quelle mesure le discours explicatif de l’enseignant aide-t-il l’apprenant dans l’accès au sens lexical ?

Pour répondre à cette problématique, nous avons d’abord présenté les spécificités de l’enseignement-apprentissage du lexique en classe de langue et avons constaté que les textes littéraires se révélaient être des supports nécessaires et recommandés à l’apprentissage lexical. Ainsi, le lexique contenu dans les trois textes de

195 Bel-Ami de Maupassant est représentatif du type de lexique à enseigner aux populations observées (deux classes de troisième de collège, trois classes de seconde de lycée et deux classes de FLES à l’université). Ce lexique a été analysé au regard du critère de fréquence (les lexies rencontrées souvent ont potentiellement plus de chance d’être comprises et retenues), du critère de familiarité (les mots sont non familiers pour les apprenants), du critère de contrastivité (les items sont sémantiquement éloignés de ce que les apprenants ont déjà étudié) et du critère de concrétude/ abstraction (les lexies sont plus ou moins représentables par une image concrète, définie et structurée). A ce propos, nous avons établi deux caractéristiques bien définies. Premièrement, une lexie peut apparaître plutôt abstraite parce qu’elle contient intrinsèquement des traits sémantiques abstraits. Et deuxièmement, une lexie peut apparaître plus ou moins concrète/abstraite pour un individu en fonction de ses connaissances du monde et de ses expériences.

A partir de ces particularités, nous avons défini une méthodologie d’observation des classes de langue qui nous permet d’observer les discours explicatifs en interaction (enregistrements audio et vidéo), de les identifier (par rapport à notre cadre théorique), de les interpréter (grâce au questionnaire fourni aux enseignants révélant une certaine métacognition de leurs pratiques) et de les évaluer (par l’intermédiaire de la mesure du degré de compréhension des apprenants). Sachant qu’aucune consigne précise n’a été fournie pour l’explication des trois textes littéraires, chaque enseignant a choisi délibérément la place qu’il voulait accorder à l’explication lexicale. Les lexies que nous avons sélectionnées comme étant à expliquer en classe ont fait alors apparaître des profils pédagogiques distincts (Cicurel, 2001). Nous avons d’ores et déjà remarqué que les lexies expliquées à plusieurs reprises par les enseignants semblent permettre d’obtenir de meilleurs résultats sur le degré de compréhension des apprenants que les lexies expliquées en classe une seule fois.

Il nous semble important d’énoncer à nouveau que notre objectif n’est pas d’obtenir une analyse quantitative de données explicatives mais bien de poser les bases d’une réflexion didactique et pédagogique sur le sujet. Nous espérons proposer une problématique qui puisse susciter de nouveaux questionnements sur le processus explicatif de l’enseignant et apporter un cadre méthodologique et théorique qui puisse servir éventuellement de base à de nouvelles recherches.

196 Afin de traiter les aspects fondamentaux du discours explicatif de l’enseignant en interaction, la partie suivante se propose de traiter du discours explicatif en interaction au regard de considérations psycholinguistiques.

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